Gardien [Terminé]

Chapitre 10

Nous arrivions dans la salle à manger, tout le monde était déjà installés autour de la table. Je m'asseya à ma place habituelle, à côté d'Emilie, mes parents à chaque bout de table et mes frères côte à côte. Yann prit la place de libre en face de Damien, et à côté de moi.

Julio, notre cuisinier, apporta l'entrée. Julio est un très vieil ami de mon père. C'est l'un des premiers employés de l'hôtel et c'est celui qui a préparé les premiers biberons de Damien. On l'aime beaucoup et il nous apprend beaucoup de choses sur la cuisine ! Originaire d'Italie, il est venu en France pour pouvoir vivre de sa passion pour les fruits de mer. On lui a posé la question plusieurs fois, Julio n'a jamais pu nous dire d'où vient cette passion pour le homard, l'huître ou autres petites bêtes tapissant les abysses marines.

Il marcha fièrement, la tête haute, et annonça le plat.

-Soupe de légumes frais accompagnée de ses crevettes grises.

Théo se lécha les babines, Emilie fit la moue. Elle déteste les crevettes, mais moi, j'adore ça ! Surtout celles de Julio. Elle me donna un petit coup de pied pour attirer mon intention.

-Sora ? Tu prendras mes crevettes ?

-Oui comme d'habitude, ne t'inquiètes pas ! Lui murmurais-je en lui faisant un clin d'œil.

Julio servit l'assiette de Yann.

-J'espère que notre hôte saura apprécier ce met.

Mon sang ne fit qu'un tour. La nourriture de la Terre doit être bien différente du Paradis ! J'avala ma salive nerveusement et Yann souria poliment au cuisinier.

-J'adore les crevettes ! C'est mon fruit de mer préféré ! Merci Monsieur !

Je resta bouche bée. Un garçon vivant dans le ciel avait connaissance des aliments maritimes. J'essaya de cacher tant bien que mal ma surprise. Nous commencions à manger et je ne quitta pas Yann des yeux. Il n'avait pas menti, il avait vraiment l'air d'aimer ça. Mon père ouvra les interrogatoires.

-Donc tu es dans la même classe que Soraya c'est ça ?

-Non, Monsieur. Je suis originaire de l'étranger et je fais une année sabbatique pour découvrir le monde.

-C'est vrai ? Demanda ma mère, très intéressée. Tu voudrais faire quoi plus tard ?

J'avala de travers ma soupe, de peur que Yann raconte tout. Je lui lança des regards complètement paniqués. Il comprit et souria à ma mère.

-Protéger la population !

Damien s'arrêta de manger et regarda Yann, les yeux brillants d'admiration.

-Mais c'est trop cool ! Tu veux devenir militaire quoi !

-C'est ça ! C'est exactement ça ! M'écriais-je.

Mes parents me dévisagèrent et je réalisa que j'étais la plus gênée de la tablée. Yann finissa tranquillement son entrée, sans se soucier de quoi que ce soit. Emilie brisa le silence.

-Vous vous êtes rencontrés comment ?

-Yaya s'est perdue et Yann l'a aidée à retrouver son chemin ! Dit Damien en riant.

Je lui fis une grimace et essaya de chercher une excuse, encore.

-Hier soir, au parc. Annonça Yann

-Je comprends mieux pourquoi tu m'en n'as pas parlé plus tôt ! Dit Emilie en agitant sa fourchette sous mon nez.

Mon père me regarda en hochant la tête.

-Eh bien ma fille...tu ne perds pas de temps !

J'avala de travers une seconde fois, et Julio amena le plat principal, mettant fin à la discussion.

La fin du repas se passa tranquillement. Mon père fit ses blagues plus que douteuses, mon frère joua avec ses boulettes de viande, sous le regard amusé de son grand frère. Ma mère, toujours aussi radieuse, animait le repas avec sa présence si agréable. Ma sœur, elle, posa beaucoup de questions à Yann dont il répondit poliment. J'étais au milieu de leur discussion, prenant les informations comme elles venaient. C'est comme ça que j'ai appris que Yann adorait la nature, observer le monde, compter les étoiles et pleins d'autres choses sûrement passionnantes mais que je trouvais vraiment atypiques pour un adolescent.

Tout le monde monta se coucher tandis que je resta avec ma mère pour l'aider à préparer le petit-déjeuner pour les résidents de l'hôtel demain matin. J'avais vraiment envie de lui demander si elle ne m'avait pas trouvée étrange pendant toute la durée du repas, mais je n'osais pas. Je plaça les croissants dans leur bac, et me tournis vers ma mère.

-J'ai terminé !

-Merci ma puce, tu peux aller te coucher !

Je lui fis la bise et m'apprêta à quitter le réfectoire.

-Soraya ? Me demanda-t-elle

-Oui Maman ? Lui dis-je, quelque peu angoissée.

-Tu me caches quelque chose...

Je ne répondis pas. Ma mère était trop forte sur ce sujet. Au fond de moi, je savais que je ne pourrais pas cacher quelque chose d'aussi gros, et Maman voyait bien que ça pesait sur ma conscience.

-Non, Maman...ne t'inquiète pas !

-Je ne m'inquiète pas.

Ma mère se plaça devant moi, une éponge dans une main, des miettes de pain dans l'autre. Elle déposa un baiser sur mon front.

-J'ai eu ton âge tu sais ! Sache juste que tu peux tout me dire...fais-moi signe quand tu seras prête à m'en parler d'accord ?

J'hocha la tête, lui souria, et sorti, ne voulant pas montrer à ma mère cette expression sur mon visage qu'elle connaissait tant : l'expression qui trahit le grand dilemme intérieur qui faisait rage en moi. Le dire à mes parents, ou ne pas le dire ?