Trentacinque

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« — J'arrive même pas à être en colère, comment tu veux que je vives sans toi ?Je fais comment ? »

Elle l'avait balancé ces mots dans un flot de larmes, il était une heure passée, seuls les hiboux et autres espèces nocturnes étaient éveillés. L'américaine venait juste de passer la porte, le coeur pesant des tonnes. Salva était assise, tête baissée, le pull imbibé de tristesse, ses mains couvraient ses yeux dont le marron était devenu imperceptible. Elle pleurait son être et son esprit, elle pleurait pour la première fois de sa vie, des vrais larmes. C'était donc ça ce fameux chagrin dont toutes les personnes brisées parlent, c'était ça aimer sans réserve, devenir émotionnellement dépendant, addicte au sujet aimé. Elle n'avait pas besoin de passer une journée sans elle pour imaginer la douleur qu'elle aurait de la perdre, d'être contrainte à l'oublier, a commencer une nouvelle vie. Et même si c'était faisable, la personne malchanceuse qui osera l'aimer, ne recevra pas moins que les restes de son coeur. Des restes inutiles et vides. Car oui, elle avait atteint le summum de sa capacité à aimer aux côtés de son américaine. 

Elle continuait à pleurer, sans arrêt, sans modération. Alaïs la regardait, sans vraiment connaître comment l'approcher, comment la calmer. Était-ce même possible de la calmer ?

Elle s'assit près d'elle, et Salva l'avait instantanément prise dans ses bras, ce corps qu'elle n'arriverait jamais à se défaire. L'américaine ne lui rendit son câlin qu'un moment après. Les paupières épuisées, elle s'endormit un peu plus tard sur ses cuisses.

09:48

Bien, vous ferez donc par groupe de dix un poème des plus hermétique. Libre choix à vous pour le thème, par contre il doit être réalisé en cinq strophes, par la méthode dadaïste. Tous les devoirs sont à remettre pendant la semaine prochaine.

Ils prennent des notes machinalement sur leurs claviers tandis que le professeur s'apprête à entamer la leçon du jour. Puis, le doyen et deux trois infirmiers débarquèrent dans l'amphithéâtre. Il salua le professeur avant de prendre la parole :

— Ceci n'est pas un appel à la psychose mais à la prévention. Depuis mi-février le  covid-19 est sur le territoire italien. Les trois régions les plus touchées, toutes dans le nord, sont toujours la Lombardie, l'Emilie-Romagne et la Vénétie. Les 21 régions italiennes sont désormais toutes concernées, mais l'essentiel des cas sont concentrés dans le nord. L'Italie est le troisième pays le plus touché au monde derrière la Chine et la Corée du Sud comptant 148 morts pour des milliers de contaminés. Le gouvernement italien a décidé de fermer toutes les écoles et universités à compter de jeudi pour endiguer la progression du virus et éviter ainsi une surchauffe dans les hôpitaux de la péninsule. Ne vous inquiétez pas pour vos examens finaux, ils se dérouleront plus tôt c'est à dire la semaine sur-prochaine et dans un cadre des plus strictes. Vous serez donc évaluer sur ce que vous avez déjà reçu comme enseignement. Bien merci ce sera tout pour moi.

Pendant qu'il parlait, on les distribuait des masques progressivement. Dire que la panique régnait dans la salle était un euphémisme, c'est tout le monde qui avait à dire, qui avait la vraie version. Il suffirait juste à une personne d'éternuer pour qu'il soit mis en quarantaine. Alaïs passa un masque à Salva et Cris avant d'enfiler le sien.

— On fuit en Californie, on sera plus safe qu'ici. Rigole t-elle

— Encore une raison de plus pour te barrer quoi.

Elle l'avait dit avec le ton le plus froid et le plus dégoûté possible. Le réveil n'avait pas vraiment été des plus faciles, elles s'étaient disputés. Alaïs avait essayé de la raisonner, elle ne l'écoutais pas, convaincue qu'elle ne l'aimait pas. Sachant très bien que c'était sa faute, elle supportait son humeur, ses rejets, sa colère. Ça avait été de même pour Cris, mais moins excessif.

Signorina Salva Où les histoires vivent. Découvrez maintenant