Ventisei

340 31 6
                                    



Le vol entier se déroula dans un silence absolu, Alaïs était comme dépourvu de toutes paroles, même pas un mot, ni même une légère attention. Elle s'était contentée d'écouter de la musique, roupiller, puis réécouter de la musique. L'italienne n'osa pas non plus lui adresser la parole, il était bien claire que toutes conversations seraient partie en sucette.

C'est seulement à dix-neuf heures que l'avion se pose sur le sol de Genoa. L'air est ambiante, ce qui perturbe légèrement Salva, maintenant habituée à une température plus basse. Déjà quelques minutes qu'elles attendaient le bus sur un arrêt, Alaïs commençait déjà à fatiguer :

— On pourrait prendre le métro... Propose Salva

— Appelle un Uber. Dit elle froidement

— Qu'est-ce que t'as Alaïs ? Depuis que t'es rentré de cette soirée, t'es bizarre...

— S'il te plaît, appelle un uber Gíno.

Elle souffle, et finit par appeler un taxi.

Une vieille chanson française passe à la radio – parce que d'Aznavour – Salva regarde devant elle tandis que l'autre à la tête contre la vitre. Elle avait fuit, elle s'était évadée de chez elle, s'imaginant la meilleure des vies avec la meilleure des personnes, mais le rêve ne dure jamais bien longtemps, là revoilà au bercail. Elle revoyait ces italiens, bavardant à haute voix comme à leur habitude. Elle constatait aussi le manque de diversité remarquable dans cette ville, on pouvait trouver qu'un seul noir par quartier, n'en parlons pas des asiatiques. Elle revoyait Cris, Garazziani prep school, Alejandro et son scooter mais surtout elle revoyait sa mère, son père, l'avalanche exacerbée de soucis et de conflits, qu'elle devait affronter. Puis, elle jeta un œil à la cause de tout ça, à celle qui avait bousculé sa petite vie d'italienne croyante fervente, sa main glissa sur la sienne instinctivement. L'américaine ne tourna même pas le regard, mais ferma quand même sa main dans sa paume.

Le chauffeur de taxi les regardait à travers le rétroviseur, sourit avant de dire :

— Vous êtes plus que des amies hein... Vous faites des choses sales entre vous..

Alaïs leva lentement les yeux vers cet individu, regardant elle aussi à travers le miroir qui lui permettait de les observer.

— Pardon ? Dit elle, l'air outrée.

— Allez ma jolie fait pas ta sainte, je sais très bien que t'es une chaude qui aime bien bouffer des chattes. De sa main gauche, il commença à frotter sa paume contre son entre jambe.

Salva mit une main sur sa bouche, dégoûtée mais surtout apeurée, tellement qu'on pouvait presque entendre ses battements de coeur. Tandis que l'expression d'Alaïs s'assombrit, la colère commençait vraiment à grimper. Elle n'eut pas le temps de placer un mot qu'elle entendit les portières se verrouiller, puis il se gara précipitamment dans un coin de rue.

— Vous savez ce que j'aime le plus ? C'est quand elles résistent...

Sans perdre une seconde de plus, l'américaine plongea très lentement sa main dans le sac à dos où se trouvaient ses consoles, tandis qu'il défaisait sa braguette, elle sortie une arme sous le regard doublement apeuré de Salva. Elle lui fit signe de se taire, ce qu'elle fit en plaçant ses deux mains autour de sa bouche. L'arme épousait parfaitement les empreintes digitales de l'américaine, c'est donc entre le dossier et le haut du siège que son arme froide se faufile jusqu'à atterrir sur la nuque de cet homme. D'un coup, il comprend ce qui se passe et se fige à l'instant même, levant légèrement ses mains en l'air. Sa posture était parfaite, elle avait l'air de savoir ce qu'elle faisait. Un seul mouvement brusque et elle déchargerait.
Inconsciemment, des larmes chaudes commencèrent à rouler sur les joues de Salva.

Signorina Salva Où les histoires vivent. Découvrez maintenant