Les couloirs étaient toujours plein de gens ici. De famille, de patients, de médecins, d'infirmiers et d'infirmières. Je croisais Jérémy, du service gériatrique, qui insista pour me faire la bise, comme chaque fois. Je déclinai, préférant lui serrer la main. J'avais déjà plusieurs fois décliné ses invitations mais il s'entêtait, persuadé que je refusai pour la simple raison que nous travailliions ensemble, mais qu'en réalité il me plaisait.
Mon espace à moi c'était la salle de motricité au fond du couloir, une double porte bleue qui annonçait la fin du service de rééducation. Venaient ici les patients qui réapprenaient, à se tenir debout, à marcher, courir, à tenir un stylo ou une fourchette. Mes baskets faisaient du bruit sur le sol propre. Je saluai Marguerite, infirmière qui avançait à pas rapides vers moi.
"C'est toi qui t'occupes de la chambre 248 ?"
Je jetai un coup d'œil au dossier coincé sous mon bras. Chambre 248.
"Apparemment, opinais-je."
Elle souffla en s'essuyant le front.
"Eh bah bon courage ! J'en sors. Je vais chercher un fauteuil pour te l'amener.
_ Il est en si mauvais état ?
_ Physiquement ? C'est pas si terrible. Mais mentalement... Olala le carnage !"
Elle continua son chemin, passant dans mon dos pour aller chercher ledit fauteuil. Je passai devant la chambre dont la porte était restée ouverte, je m'arrêtai pour m'adosser au chambranle. J'avais pour habitude de me présenter avant de commencer à travailler avec les patients. Je voulais savoir pourquoi ils se retrouvaient là, qu'est-ce qu'ils attendaient de moi. Certains voulaient le médecin, le professionnel qui les remettrait en état. D'autres voulaient un confident, quelqu'un qui pouvait écouter. Certains voulaient un coach, quelqu'un qui motive plus que tout. Certains voulaient un bras simplement pour se raccrocher à quelque chose. Je voulais évaluer la force de caractère de chacun, savoir jusqu'où je pouvais les pousser.
Certains patients étaient dans un état mental instable, suite à un grave accident qui leur ôtait parfois plus que l'usage d'une partie de leur corps. Certains étaient prêts à se battre, même dans les situations les plus désespérées.
"Qu'est-ce que vous avez à me regarder ?! C'est pas vous l'infirmière !"
Je fronçai les sourcils, avançai d'un pas dans la chambre.
"Bonjour, je suis Diego, pour la rééducation.
_ Y a pas de rééducation."
J'ouvris la bouche, muet. Je vérifiai rapidement mon dossier, le numéro de la chambre, la fiche d'identité. Brahim, 21 ans. Accident de la route. Moto percutée, jambes paralysées. Trois personnes impliquées, un mort.
"Vous êtes sérieusement en train de vérifier que vous vous êtes pas trompé de chambre ? C'est rassurant."
Je relevai la tête vers lui, les sourcils toujours froncés.
"Vous avez pas l'air bien vif, ajouta-t-il."
Je rigolai, c'était nerveux. La vie m'en voulait vraiment.
"Brahim Aarab ?
_ Ouais.
_ Vous devez commencer la rééducation aujourd'hui, j'expliquai calmement.
_ Y a pas de rééducation j'ai dit."
Je restai là à le regarder, interdit. Lui ne me regardait pas, il fixait ses jambes au travers du draps. Un bruit métallique dans mon dos, je me décalais pour laisser passer Marguerite.

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Blouse blanche [BxB]
Algemene fictiePour Diego, il va être difficile de rester professionnel face à Brahim, son nouveau patient récalcitrant. Mais entre conscience professionnelle et amour, Diego devra faire un choix. Contenu mature.