Chapitre 5

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Les roues chouinèrent sur le sol. Le silence était lourd, pesant. Le temps d'arriver à la chambre, son souffle s'était calmé. J'arrêtai le fauteuil juste devant le lit, trop haut pour qu'il ne puisse y monter seul. J'attendis, un mot, une parole qui ne vint pas. Alors je m'assis sur le fauteuil, décidé à ne pas le laisser seul. Le temps passa dans cette pesanteur, sans que l'un ne regarde l'autre.

"Je ne peux pas monter, finit-il par lâcher en voyant que je ne mouftais pas.

_ Je sais."

Je ne bougeai pourtant pas.

"T'es nul comme médecin.

_ J'sais pas, je suis pas médecin. Mais si vous demandez, je vous aiderai."

Il renâcla. Ses deux mains agrippèrent le bord du matelas, le haut de son corps se souleva.

"Comment vous avez fait ce matin ?"

Son corps retomba lourdement dans le fauteuil qui menaçait de reculer en le faisant tomber au sol.

"J'ai demandé à l'infirmier.

_ Pourquoi vous ne me demandez pas à moi ?

_ Toi j'veux pas."

Je secouai la tête, médusé. Celle-là on ne me l'avait jamais faite.

"Laissez-moi vous aider."

Je me levai.

"Non."

Je me rassis.

"Très bien. Je vous donne juste mes dernières consignes alors.

_ "Tenir chaque jour une seconde de plus ?"

_ Non. Mangez par contre."

Il grimaça. Son corps était redevenu une masse molle. Je me relevai et ne lui demandai pas, je le pris sous les bras et le posai sur le bord du lit sans rien lui dire.

"Vous devez manger, sans jeter votre compote.

_ Qu'on arrête de me donner de la viande alors, grogna-t-il."


Je poussai la porte du petit bureau des infirmières. Je saluai l'infirmière présente, un registre à la main, pointant les repas distribués. Elle ne m'adressa qu'un vague regard, me saluant du bout des lèvres ; je ravalai mon sourire et ma confiance en moi.

"Excusez-moi, j'ai une question concernant le patient de la chambre 248."

Si elle ne souriait déjà pas, ce n'en fut que pire à l'évocation du fameux patient. Elle posa son registre, se tourna vers moi, l'air des plus agacés.

"Qu'est-ce qu'il a encore celui-là ?"

Je me sentis malgré moi offusqué. Certes, j'avais bien compris qu'il était terrible et se montrait insupportable mais il restait un patient comme un autre.

"Je voulais savoir s'il mangeait bien d'ordinaire.

_ Bien ? Non. Il refuse quasiment tout ce qu'on lui donne à manger.

_ Vous saviez qu'il ne mange pas de viande ?"

Elle renâcla, l'air de plus en plus agacé. Elle grimaça, soupira.

"Vous savez qu'on ne fait pas le difficile face à un plateau repas de l'hôpital ?

_  Je comprends, acquiesçais-je. Mais il ne mange pas de viande et on s'évertue à lui en servir à quasiment chaque repas. Comprenez que c'est difficile aussi pour les patients, ce n'est pas le premier qui se montre récalcitrant sur la nourriture.

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant