Chapitre 37

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J'avais finalement trouvé le sommeil sur le fauteuil adjoint au canapé, le dos plié en un angle impossible. J'ouvris les yeux sur son visage amusé, installé tranquillement sur le divan, un bol de céréales dans les mains. D'un coup d'œil, je cherchai l'heure que je trouvais sur le box de la télé. Les rideaux que je n'avais pas fermés laissaient entrer une lumière trop vive pour l'heure trop matinale. Je me dépliais douloureusement, étirant mes jambes devant moi avant de faire craquer mon dos. Il pouffa.

"Eh bah, j'attendais autre chose d'un kiné !

_ Raah, ça va ! Je n'arrivais pas à m'endormir et du coup je ..."

Je contournai le fauteuil, me penchai avec difficulté pour ramasser un livre épais qui m'avait échappé au moment où le sommeil m'avait gagné, tard dans la nuit, ou bien tôt dans le matin. Je le lui désignai avant de le reposer sur l'étagère.

"Je me suis décidé à lire. Ça a été fatal."

Il sourit avec tendresse en me regardant rester debout, droit comme un piquet, sans oser m'asseoir à côté de lui. Il reposa son bol sur la table basse, tendit ses bras vers moi.

"Allez, viens, je ne vais pas te manger."

Je me glissais à côté de lui, il prit ma main à la seconde où elle se posa près de la sienne. Il me serra de ses doigts étonnamment chauds.

"Je voudrais te demander quelque chose.

_ Ah, grinçai-je.

_ Non, ne t'inquiètes pas, c'est juste que... je suis heureux d'être là, chez toi, avec toi. Mais je ne veux pas être un poids pour toi, tu vas monter ton cabinet, et puis tu as ton rythme de vie ! Je ne veux pas que tu mettes tout entre parenthèses pour moi, d'accord ? Je peux t'aider, pour des papiers, à faire le ménage ou...

_ Brahim."

A mon tour, j'augmentais ma prise autour de ses doigts pour lui signifier de calmer sa respiration qui devenait de plus en plus rapide. Quand il m'offrit enfin son regard, ma main remonta son bras, se posa à la base de son cou.

"Ce n'est pas ce que je veux de toi non plus. Je veux que tu sois actif et que tu retrouves un rythme. Bien sûr que je veux que tu m'aides. Je suis une merde pour faire des papiers."

Il avait raison. Je ne pouvais pas le considérer comme un patient, et il avait besoin de se sentir utile et de reprendre pied avec une vie qui l'avait soudainement éjecté du terrain de jeu. Heureux, du moins, rasséréné, il reprit son bol d'une main, sans lâcher la mienne de l'autre.


La journée s'annonçait longue, nous avions pris le temps de nous préparer. Je l'avais à peine aidé à mettre ses chaussures, marchant à son allure pour ne pas lui donner l'impression de l'attendre.

Nous avions visité l'appartement, le futur appartement, seuls, Ezéchiel m'avait gentiment laissé les clefs. Brahim se montra admiratif devant presque tout, l'espace, la décoration, les aménagements que je lui décrivais pour chacune des pièces ou presque, la vue depuis la terrasse et la salle de bains digne d'un spa.

Je lui fis découvrir la plus grande chambre, celle qui était actuellement celle de mon frère, agencée avec goût et rangée avec soin. Il en fit le tour, claudiquant sur ses béquilles. Il le laissa tomber sur le bord du lit parfaitement fait, les yeux tournés vers la fenêtre dont les rideaux en lin étaient ouverts. Le parc qui entourait l'arrière du bâtiment se révélait, on apercevait les érables qui masquaient le soleil sans gâcher la luminosité.

"J'aime beaucoup. L'appartement, cette chambre."

Je me traînais silencieusement jusque lui, les mains tremblantes. J'inspirais en rêvant de venir caresser sa joue baignée de lumière rubiconde qui inondait la chambre et ses tons pâles.

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant