Chapitre 11

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J'avais rangé l'appartement, fais les courses et nettoyé la litière du chat. J'avais changé mes draps, ramassé toutes mes fringues qui trainaient, trié toutes mes fiches patients sur mon bureau. J'avais bouclé mon agenda pour le reste de la semaine, même répondu aux démarcheurs.

Je tapotai mes doigts sur la table basse. Dylan m'avait appelé pour me demander de nous voir, j'avais accepté. Il était vingt-heure trente-sept quand il sonna à l'interphone, avec près d'une heure de retard.

Je l'attendais, porte ouverte, le voyant sortir de l'ascenseur, tout sourire.

"Bébé ! J'aime pas qu'on se fasse la gueule."

Il arriva pour m'embrasser, je me reculai vivement pour me plaquer contre le mur.

" Y a pas de bébé.

_ Tu m'as fait venir pour me faire une scène ?

_ Non. J'vais pas te faire une scène."

Je refermai la porte derrière lui après l'avoir laissé entrer. Il entra dans le salon, je me laissai de nouveau choir sur mon canapé en soupirant.

"T'as une heure de retard, lui fis-je remarquer.

_ Si j'avais su, j'aurais même pris plus de temps.

_ Dylan, faut vraiment qu'on parle. C'est plus possible, on fait de la merde tous les deux."

Il s'assit sur le rebord de mon fauteuil, les jambes écartées, les coudes posés sur ses genoux. Son pied tapait le sol, son regard n'arrivait à se poser sur rien. Il me regardait, puis ma télé éteinte, puis ma bibliothèque, puis le chat, puis moi.

"T'as un autre mec ?!

_ Non, mais j'aimerais bien."

Son visage se tordit de colère, ses poings se serrèrent.

"Tu te fous de ma gueule là ?!

_ Non, je ne me fous pas de toi et j'aimerais que tu arrêtes toi de te foutre de moi. Je voudrais quelqu'un, vraiment. Tous les jours, pas juste un soir par semaine. Quelqu'un qui répond à mes messages tout le temps, pas juste tard le soir quand sa copine dort parce qu'il ne peut pas me répondre avec elle à côté. Quelqu'un qui m'emmène en week-end, en vacances, quelqu'un qui me présente à ses parents.

_ T'es sérieux là ?! Toi-même tu ne dis rien à tes parents et tu me sors le numéro du pédé fier ?! Tu veux que je te sorte un drapeau, des bas résilles ?

_ T'es ridicule Dylan. Tu sais très bien ce que je veux dire. J'ai vingt-huit ans et ça fait trop longtemps que je vis pour les autres, pour le travail, pour faire plaisir à mes parents, je me cache pour ne pas faire de tort aux autres. Tu le savais très bien, que je n'allais pas attendre éternellement que tu quittes cette meuf, parce que tous les deux on sait que tu ne le feras jamais. En tout cas pas pour moi."

Il y a ce moment de silence où le chat saute sur ma table basse pour venir se caresser à mon genou. Inconsciemment, je posai ma main sur sa tête.

"T'as trente ans, merde, Dylan, on n'est plus des gamins. On savait qu'on allait pas continuer de baiser dans les coins, à attendre je ne sais quoi. J'veux pas de scène, j'veux pas de drapeau ou quoi que ce soit, j'veux juste vivre normalement, une vraie relation."

Il soufflait, un souffle lourd de colère et de tristesse qui me fit de la peine.

"On mérite mieux tu crois pas ?

_ J'vais quitter Clara, lâcha-t-il.

_ Je... Fais pas ça pour moi Dylan. Si tu le fais, c'est pour toi. On est pas amoureux, toi et moi. On s'est bien amusés, deux gays refoulés qui ont pris du bon temps. On ne suivra pas le même chemin, et ça servirait à rien de se forcer. On doit être heureux, mais pas ensemble."

Mon portable afficha la photo de mon frère qui m'appelait. Je refusai l'appel. Dylan ne cessait de hocher la tête sans rien dire, le regard perdu dans un vague lointain.

"Quitte Clara, continuais-je. Parce que t'es gay, et tu le sais. Tu dois trouver quelqu'un de bien, qui te permet de te rendre heureux et fière. Pas qui t'oblige à te cacher.

_ Ok, tu sais quoi, on va arrêter la thérapie ici ! M'entendre faire la leçon par un mec qui vit dans le même placard que moi, ça va trente secondes.

_ Dylan...

_ Nan, j'ai compris. Je te souhaite bien du plaisir dans ta nouvelle vie, remplie de fierté assumée !"

Je ne me levai pas quand lui-même se redressa, tourna les talons et claqua la porte. Je baissai la tête, puis m'allongeai complètement sur le canapé. Le chat sauta de la table pour aller manger, se fichant de moi. Je serrai mes bras autour de moi, enfouie ma tête sous les coussins. Ma vie était merdique.  

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant