Chapitre 16.

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"Plie, déplie. Plie."

Je regardai devant moi la jambe se tendre et se détendre. J'acquiesçai en adressant à ma jeune patiente un sourire encourageant.

"Super, Lola ! Je confirme, c'est bien la dernière fois que l'on se voit."

La petite fille me sourit à son tour, fière d'elle.

"Tu as vraiment bien travaillé. Mais attention, plus de cheval pour l'instant !"

Son sourire se fana quelque peu, elle déchanta en baissant la tête sur sa jambe redevenue mobile, laissant ses deux longues nattes pendre tristement. Sa mère, dans son dos, posa une main sur sa tête.

"C'est pour ton bien ma chérie."

J'eus un sourire crispé envers la mère, à laquelle j'avais du longuement expliquer les dangers de faire remonter sa fille trop vite après une chute si grave.

Quelqu'un entra dans mon dos, je n'eus pas besoin de me retourner pour voir son reflet dans le miroir. Il poussa le fauteuil jusqu'à mon bureau, dans le coin de la pièce sans lever les yeux du sol.

"Lola, Mme.Delpierre, je vous souhaite une très bonne journée et fais attention à toi Lola, d'accord ? Si vous avez le moindre problème, contactez la secrétaire, elle me transmettra le message."

Je serrais la main de la mère et de sa fille, l'enfant m'offrit un grand sourire.

"Merci Diego !"

Attrapant l'une des deux tresses, je frottai le bout de nez avec en lui rendant son sourire.

"De rien petite fée, c'est toi qui a fait tout le travail. Et que je ne te revois plus !"

En sortant, la mère salua Brahim qui ne bougea pas la tête. Je restai à ma place, sans me rapprocher de lui.

Je m'attendais à tout, subir sa foudre, légitime, une colère sans nom que j'aurais mérité. Je m'attendais à ses cris, sa rage, tout ce qu'il m'avait déjà montré de lui. Mais il restait là, de loin, inerte et minuscule dans son fauteuil qui semblait l'avaler.

"Désolé."

Il ne me regarda pas, je n'avais aucun signe que c'était lui qui avait parlé, hormis que nous n'étions que deux dans la pièce. Je fis un pas hésitant.

"Désolé de quoi ? Murmurais-je pas plus fort que lui.

_ De ce que j'ai dit. Je n'aurais jamais dû.

_ Qu'est-ce que tu as dit ?"

Je me sentais perdu et sa voix étouffée alourdissait mon cœur. Il leva vers moi un regard empli de larmes quand je m'avançais encore de deux pas.

"Je pensais que toi aussi tu étais ... Comme moi. Je pensais que tu comprendrais. Mais je comprends, tu es mon kiné, tout cela ne te concerne pas, tu ne peux pas gérer les problèmes personnels et émotionnels de tes patients, je ne voulais pas te gêner.

_ Tu ne m'as pas gêné, c'est pour toi... Je ne veux pas que tu sois en mauvaise posture, ta rééducation est importante. Ce que je pense ne dois pas influer. Mais tu ne dois pas être mal à l'aise."

Sa bouche se tordit, mon cœur se brisa. Il inspira en laissant couler une larme.

"Je ne veux pas d'autre kiné que toi Diego, j'ai confiance en toi.

_ Et je ne veux pas que tu sois mal à l'aise ! Je ne vais pas te forcer pour te toucher. Romain peut trouver une kiné...

_ Non. Je ne veux pas d'une femme, je ne veux de personne d'autre. Je lutte contre moi-même. Quand j'ai compris que j'étais attiré par les hommes, j'ai pas eu le temps de me poser des questions, mon esprit à faire taire mes attirances. Puis l'accident... J'ai pas encore eu le temps... D'accepter. Je ne comprends pas pourquoi moi, je ne comprends pas cette ébullition, ce chaos de sentiments contradictoires quand tu me touches."

Ce fut un coup pour moi que je n'encaissais pas. Un coup dans ma fierté, un coup dans le cœur. Mon cerveau menaçait d'exploser. Je me laissai tomber sur le sol, à ses pieds. Il me surplombait, silencieux.

"Je l'ai compris tard, et je ne l'ai jamais admis. Personne ne le sait, avouais-je à mi-voix. Si, mon frère, depuis hier. Je vis dans un mensonge, Brahim. Je me sens désarmé face à toi, je ne sais pas comment réagir.

_ Agis normalement, comme tu le fais depuis le début.

_ Il faudra que je te touche Brahim, c'est mon travail. Réfléchis-bien.

_ C'est tout réfléchit. Je veux pouvoir sortir d'ici, avoir ma vie à moi, me reconstruire. En attendant, j'apprends, souffla-t-il.

_ J'irai doucement si c'est ce que tu demandes." 

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant