Chapitre 34

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Il pleuvait à grosses gouttes, des gouttes qui trempent à peine ont-elles touché la terre, les vêtements, la peau. J'allais le cœur léger, l'esprit tranquille. J'avais envie de rire.


Je regagnai le bâtiment d'accueil, les cheveux dégoulinant sur le front d'avoir marché quelques minutes à peine sous la pluie torrentielle. Je montai à mon étage, flottant au milieu des médecins, infirmières et patients qui me jetaient des coups d'œil inquiets. J'étais serein, pour la première fois de ma vie, d'être moi. J'étais fier d'être moi et de ce que j'avais fait, un sentiment peu connu pour mon pauvre cœur sensible.

Je ne prêtais pas plus d'attention à mes collègues qui rasaient les murs alors que je marchais en plein milieu de ce couloir que trop connu, mais que je n'avais jamais foulé d'une démarche si pleine d'entrain. La porte de la salle de motricité avait été laissée entrouverte, je m'y glissai le plus discrètement possible.

Romain me fit signe de me taire et je posai un doigt sur mes propres lèvres. Je vins jusque son bureau sur la pointe des pieds, et comme lui, m'y adossai. Brahim marchait. Mon cœur aurait pu cesser de battre, à le voir si concentré, si sûr de lui, sur le tapis de marche. Sa taille était retenue au panneau de contrôle, s'il s'en éloignant trop, s'il tombait, le système se coupait instantanément. La vitesse était au plus bas, il peinait encore à soulever ses pieds parfaitement, frottant la bande roulante, mais il marchait.

Romain ne le quittait pas des yeux, la télécommande de contrôle dans la main, prêt à appuyer au moindre problème.

"Tu as fait du bon travail."

Ses mains fines tenaient fermement les barres, mais les jambes se mouvaient, en rythme, sans signe de faiblesse.

"Merci, repris-je.

_ Mais qu'est-ce que t'as foutu comme merde.

_ Merci."

Alors il se tourna vers moi et découvrit le sourire qui me mangeait le visage, d'une oreille à l'autre, tant et si bien que j'en avais mal aux joues. Je dévorais des yeux un Brahim si beau que j'aurais voulu stopper le tapis et le manger sur place, cru et brûlant d'effort.

"Ça s'est bien passé ? S'étonna-t-il."

Je voulais hurler que oui, que rien ne pouvait battre l'amour, que les sentiments étaient plus beaux que tout et que maudit soit celui qui voudrait empêcher les gens de s'aimer mais je ravalais mon trop plein d'enthousiasme. Je raclai ma gorge, inspirai longuement mais je ne pu faire disparaître mon sourire pourtant.

"Oui."

Il opina doucement, revenant au plus beau des patients, dont les pas devenaient plus hiératiques, frottant de plus en plus. Ses muscles se fatiguaient vite.

"Je suis désolé Romain. Je m'en veux ; je te laisse dans un beau merdier, et j'ai pas envie que ça se passe comme ça mais...

_ Te fatigue pas, Diego. Je vois bien comme tu le regardes. Et comme lui te regarde."

D'un petit signe du menton en direction du miroir, il me désignait le reflet de Brahim. Il me fixait, ne se détournant pas même alors que j'attrapai son regard. Je rougis furieusement devant la chaleur qu'il dégageait, son regard fauve, ses boucles qui collaient sur son front humide, sa mâchoire serrée, la détermination au fond de ses yeux, la fierté, le plaisir de ce qu'il arrivait à faire. Un frisson remonta mon dos pour secouer mes épaules. Il devait ressembler à ça pendant l'amour.

"On savait bien qu'on ne ferait pas notre carrière ici, non ?"

Ce fut à mon tour d'acquiesçais. Un bip se mit à retentir et il s'approcha de Brahim dont les mains desserrèrent les poignées au fur et à mesure que la vitesse ralentissait. Enfin il s'immobilisa, les jambes tremblantes, transpirant et soufflant. Romain l'aida à descendre, le soutenant par le bras, pour l'aider à s'asseoir sur l'un des petits bancs de la salle, je les suivis en silence.

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant