Chapitre 36

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Mes mains tremblaient. Mes jambes tremblaient. Mon esprit flottait dans du coton, rien ne me paraissait clair, rien ne paraissait réel. Je ne pouvais que rêver. Les quarante-huit heures étaient passées en un clin d'œil ; pour moi. Mon appartement était plus rangé qu'il ne l'avait jamais été, mon frigo prêt à exploser tant il était plein, sa chambre été prête, j'avais fait de la place dans les placards et dans la salle de bains. J'avais réglé encore des affaires pour mon futur cabinet. Ma vie s'emballait, je prenais plus de décision en quelques jours que je n'en avais prises de toute ma vie finalement.

Il signa d'une écriture élégante son papier de sortie, je tenais la poignée de sa minuscule valise à roulettes que je sentais bien légère. Sa sortie avait pris plus de temps que prévue, le chef de service avait pris son temps pour venir valider l'état du patient alors que nous attendions, les dents serrées, avec Romain. L'après-midi était bien avancée quand enfin je l'aidais à s'installer à l'avant de ma voiture.


L'habitacle était silencieux, ses yeux se brouillèrent de larmes qui ne coulèrent pas pourtant. Il fixa un long moment le bâtiment qui s'étendait devant nous, les rangées de fenêtres des chambres qui s'étendaient, d'étages en étages, de bâtiments en bâtiments. Il avait été l'une de ses fenêtres, l'un de ces patients anonymes au milieu des autres.

"On peut y aller."

Comme un vendredi soir, la route était encombrée. Il nous fallait pourtant traverser la ville pour monter jusque Mont-Saint-Aignan. Il fallait qu'il récupère ses affaires mais depuis deux jours qu'il tentait de joindre sa mère, il n'avait aucune nouvelle. Dans ses mains, il faisait tourner et cliqueter son trousseau de clefs. Son parent travaillant, nous avions une heure pour fourrer ma voiture de tout ce qui était possible, sans tomber sur qui que ce soit, et enfin faire route chez moi.


La maison était petite, semblable à toutes celles autour. Un quartier de pavillons couleur crème, les volets gris et les portails verts. Je me garais juste devant.

"Veux-tu que je vienne ?

_ Oui, tu vas m'aider."

Ses gestes étaient pressés et maladroits, il dût s'y reprendre à trois fois avant de réussir à ouvrir le portail qui enfin céda sans bruit. Le jardin était bien entretenu sans fioriture, un salon de jardin et quelques plantes. La maison était semblable. Le rez-de-chaussée laissait apercevoir un salon familial, des meubles basiques, l'ensemble était propre et classique. Je le suivis dans les escaliers qui menaient à un palier où toutes les portes étaient fermées, il y en avait cinq. Sur celle du fond, six lettres en bois avaient été collées sur la porte : Brahim. Sur celle d'à côté, c'était le même système qui affichait le prénom Yanis. Il marqua un temps d'arrêt, mais entra dans sa chambre d'abord. Les murs étaient en papier peint blanc, comme tissé, la pièce était rangée, très bien organisée.

"Tiens, tu peux mettre ce qui se trouve sur mon bureau dans ces sacs ?"

Je m'exécutais, rempli deux sacs Eastpack de livres de cours, cahiers, classeurs et glissai son ordinateur dans sa pochette. Il fourra des pochettes de papiers importants sur la doublure de sa valise que nous avions emmenée puis y jeta les quelques vêtements qui restaient dans sa penderie. Le contenu de sa table de nuit subit le même sort, si bien que al valise eut du mal à refermer.

"Tu as tout ce que tu veux ?"

Il tourna sur lui-même, examina l'endroit. Nous avions tout remis proprement, refermé les tiroirs et porte de placard, il était évident seulement pour son bureau qu'il avait été vidé.

Je commençais à redescendre les escaliers, sa valise dans les mains pour lui faciliter la descente quand je m'aperçus qu'il n'était pas derrière moi. Le temps que je m'en rende compte, il ressortait de la chambre de son frère, les yeux débordant cette fois-ci de larmes, une peluche serrée contre sa poitrine, un ourson serrant entre ses pattes touffues, un cadre photo.

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant