Chapitre 21.

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J'ajustai mon jean sur ma cheville, frottant ma basket poussiéreuse. L'idée me trottait dans la tête depuis plusieurs heures. Mes visites de l'après-midi avaient été mornes, des rendez-vous de contrôles rapides. J'avais eu le temps d'y penser. Je m'en voulais d'être parti si prestement. Il était ridicule de me faire à moi-même des promesses à toutes les sauces, sans que je ne les tienne, de me promettre tous les soirs de m'affirmer un peu plus le lendemain. Pour finalement fuir devant son regard noir qui ne me réclamait qu'un peu d'attention.

Mon sac sur le dos, je pris plus de temps que nécessaire pour tout. Je fermai mon casier avec des gestes lents, vérifiai trois fois le contenu de mes poches, puis mon planning du lundi. Je regardai l'heure sur l'écran de mon téléphone sans la voir. Puis je me retrouvai là, devant sa porte entrouverte, le son d'un jeu télé en fond, une voix de femme quelconque qui parlait. Je tapais du pied en rythme avec mon coeur et toutes les idées folles qui me traversaient l'esprit. Etre ici n'était pas anodin et je le savais.

Je toquai à la porte et sans surprise il ne répondit pas et je permis d'entrer. Son plateau repas était posé dans un coin de la chambre, sur une petite table roulante, intact, encore couvert. Allongé sous ses draps, il avait l'air fatigué, son visage avait perdu son éclat. Il ne se tourna même pas vers moi. Il s'attendait sans aucun doute à la visite d'une infirmière.

"As-tu un maillot de bain ?"

Je me mordis la langue, pas l'entrée en matière que j'avais imaginée. Sa tête roula vivement sur son oreiller, ses lèvres esquissant un sourire timide.

"Sur moi ? Murmura-t-il."

Sa voix était éraillée comme quelqu'un qui a trop pleuré et mon cœur se brisa. Je ravalai ma honte.

"Non, j'ai réservé un créneau de piscine. Après-demain.

_ C'est donc pour ça le maillot de bain ?"

Je dansai d'un pied à l'autre, mal à l'aise et le visage brûlant, ma langue lourde dans ma bouche, mes mots s'engluant alors que mon discours était si clair dans ma tête.

"Tu voulais juste me parler de maillot de bain ? Je n'en ai pas d'ailleurs.

_ Et savoir si... Ca va. Si tu n'as pas mal.

_ J'ai mal.

_ Veux-tu un massage ?

_ Tu n'as pas tes produits.

_ C'est vrai."

Je mordis à nouveau ma langue, plus fort cette fois. Mais lui sourit, lui creusant une fossette dans la joue. J'aurais voulu caresser sa joue.

"Tu n'as pas mangé, lui fis-je remarquer pour changer de sujet.

_ C'est trop loin, l'infirmière ne me l'a pas rapproché.

_ Pourquoi n'as-tu appelé ?

_ Je l'ai fait."

Je restai interdit devant son manque de réaction, les sourcils froncés à le regarder. Puis je soupirai.

"Je suis désolé.

_ Pourquoi ? Ce n'est pas de ta faute. Je sais que j'ai été un connard avec tout le monde.

_ J'ai connu pire, avouais-je. J'ai fait mon premier stage en gériatrie. Un grand-père était odieux avec tout le monde, il m'a traité "d'enculé de petit merdeux de nazi de mes couilles".

_ Qu'est-ce que t'as fait ?

_ J'ai pleuré. Je suis resté là comme un con à pleurer, je n'en pouvais plus et ça a été trop. Puis je suis parti sans rien dire, il est mort dans la nuit."

Blouse blanche [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant