Prélude

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Les piaillements des oiseaux et les rires diffus féminins provenant de la cour se diffusaient paisiblement dans la pièce. La pâle lumière d'hiver filtrée par les rideaux de guipure nimbait les meubles de bois de rosier et la silhouette ceinte d'étoffes aux sobres drapés. La chemise de corps apparaissait entre les replis du corsage de la robe longue ajustée au buste par un réseau de baleines et laçages.

Immobile face à la psyché, la jeune femme cligna lentement des paupières.

A une époque, la modestie des tissus et les oripeaux du voile sur ses épaules lui auraient valu d'être qualifiée de paysanne. Dans les grandes villes actuelles, elle aurait l'air sortie d'une fête costumée. Elle serait observée comme on s'étonne de loufoqueries causants enthousiasme ou cruauté par manque de compréhension.

Annabelle n'avait que faire de ces considérations de lieux et d'époques. Elle vivait la vie que le sort lui avait offert. Ce que le grand Monde lui nourrissait ne l'atteignait plus: elle Le connaissait, mais Lui, que savait-Il d'elle? Elle avait d'autres perspectives à alimenter de son énergie que celui d'instruire une société pouvant se montrer intransigeante envers la sienne.

D'autant plus aujourd'hui qui lui fallait quitter sa congrégation pour une durée indéterminée.

Trois petits coups concis rompirent la sérénité de la chambre. « La voiture est là, mademoiselle.

— Merci, Rose. »

La voix douce perturba à peine l'atmosphère. Moins encore que les pas de la dame qui rebroussait chemin sur le plancher du couloir.

Sans lâcher son reflet du regard, Annabelle inspira profondément. Son corsage écrasa sa poitrine avant qu'elle ne soulève les mains. Elle posa le béguin sur les tresses de son chignon et le noua au creux de son menton en se dirigeant vers la causeuse. Elle enfila rapidement la houppelande qui l'y attendait, épingla le fin voile de dentelle sur sa coiffe, finissant ainsi de dissimuler ses cheveux, et glissa les doigts dans ses gants doublés de fausse fourrure.

Elle entrouvrit la porte de la chambre et s'immobilisa. Ses iris ambrés reflétèrent les éclats du paresseux matin tandis qu'ils parcouraient une dernière fois la pièce qui l'avait vue devenir une femme. Elle attendit le petit pincement au cœur qu'elle pensait se devoir. En vain. C'est avec un éthéré sourire aux lèvres qu'elle franchit le châssis. Ce n'était pas un adieu, seulement le prélude d'une nouvelle aventure.


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Bien le bonjour!

Petite mise en ambiance pour commencer.

Ça donne envie ou pas?

Je vais essayer de mettre une musique d'ambiance pour chaque chapitre, provenant de la playlist que j'ai écoutée en écrivant. 

Il devrait y avoir peu de fautes, toute l'histoire a déjà été relue. Mais n'hésitez pas à me faire savoir si vous en voyez traîner.

A tout de suite pour le premier chapitre.

:*

Annabelle Toussaint [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant