Chapitre vingt-huit

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Dans l'après-midi, Mrs Hodgson vint aider la jeune femme à rejoindre le rez pour son moment quotidien hors de l'accablant lit. Contrairement aux derniers jours, ce n'est pas vers la cuisine ou le salon qu'elle la mena. « Lady Katherine doit déjà m'attendre au salon, protesta-t-elle.

— J'ai mes ordres, miss! jeta négligemment la gouvernante. »

Au bout des interminables marches et au-delà de la longue galerie de l'aile sud, elles débouchèrent sur la serre. Anna laissa échapper une exclamation émerveillée en découvrant le flamboiement des plantes aux couleurs vives et parfums entêtants de cette époque de l'année.

Un confortable fauteuil avait été installé à son attention à l'ombre d'un dragonnier. Sur la table tout à côté, le plateau du rituel thé était déjà posé devant l'adolescente attablée à l'une des chaises de fer forgé. Lord Percy, le regard perdu sur une rocaille d'edelweiss, se tenait debout, le poing fermé sur son poignet dans le dos. Entre ses doigts libres, la tige d'une fleur de passiflore tournait nonchalamment.

Poussé par son instinct enchaîné à la jeune femme, le Duc se tourna à son approche. Un insidieux désir se logea dans ses reins à la vue de la demoiselle en robe d'été. La courbe de ses épaules nues fleurissait comme pétales délicats; le galbe de la gorge paraissait plus sensible que jamais; les éclats de ses iris et de sa peau irradiaient de beauté sous le soleil perçant le toit de verre. Au lieu de la stricte coiffe, une simple dentelle épinglée à ses cheveux mettait en valeur leurs brillances ignées plus que de les cacher. Le charme fait femme se tenait devant lui.

« Merci Mrs Hodgson » congédia-t-il en la rejoignant à pas comptés. A peine la gouvernante s'éloignait-elle qu'Anna tentait une révérence. « Bon sang, cessez cela. » marmonna-t-il, accablé. Il la prit par le coude pour la relever. Elle arrêta les yeux dans ceux du Duc et chancela aussi physiquement qu'émotionnellement en y découvrant la caresse admirative de la flamme dansant dans ses prunelles.

Au lieu de la lâcher, il glissa le bras autour de sa taille fine. « Permettez-moi de complimenter votre beauté.

— Ne cherchez pas vos mots, vos yeux parlent pour vous, répliqua-t-elle, tout à la fois flattée et désorientée.

— L'un comme l'autre y sont contraints. Ne les maudissez pas pour cela...

— Les maudire serait comme abhorrer une merveille de la nature, contredit-elle timidement.

— Alors, vous maudissez leur propriétaire?

— Jamais je ne pourrais..., fut-elle trahie par son emphase. »

Envoûté, il se pencha, visiblement prêt à succomber au baiser qu'il désirait ardemment. Il se reprit au dernier instant et Anna ne sût si elle en était aise. Il se redressa en s'humectant inconsciemment les lèvres. « Vous ne me facilitez guère les choses, Annabelle.

— Voilà pourquoi je devrais rentrer rapidement en France.

— Vous me faites une promesse une nuit, et douze heures plus tard, vous voudriez vous parjurer?!

— Vous m'avez fait promettre pour m'obliger à rester, comprit-elle un peu tardivement.

— Vous deviez être bien troublée pour ne pas avoir vu venir le traquenard cette fois!

— Vous le seriez aussi si je venais vous rendre visite torse nu. »

Un sourire goguenard frôla son expression charmée. « Je penserais clairement que vous venez pour plus que me voler un baiser.

— Et pourquoi cela? Pourquoi n'aurais-je pas le droit à pareil pour les mêmes intentions?

— D'accord, concéda-t-il. Par soucis d'égalité des sexes, je vous autorise à me rendre la pareille. »

Annabelle Toussaint [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant