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Aïcha

Dimanche

-Et pour finir, Aïcha. Où est-elle? Ah la voilà ! Tu feras la visite des lieux à Christopher ! Voilà, j'espère que tout se passera bien, je vous souhaite à tous une agréable journée, finit par dire Mme Esterlitz avant de quitter la salle.

J'observe discrètement le dénommé Christopher, qui ne semble pas avoir écouté un mot de ce qu'elle vient de dire. Quelle audace ! Ce garçon à l'air déconnecté du monde. Au vu de ses poches sous les yeux, je devine qu'il se drogue ou alors qu'il est insomniaque.

Lorsque je me lève pour aller à sa rencontre, je me place pile devant lui pour le réveiller un petit peu. Ses yeux noirs clignotent plusieurs fois avant qu'il ne passe sa main sur son visage d'un air fatigué. Et puis il m'adresse un léger rictus suivi d'un vague "salut" inaudible. Il ne sait pas sourire complètement apparemment.

Peut-être tentait-il une approche amicale ? Il ne faut pas que je panique, je vais faire comme d'habitude lorsqu'une personne m'adresse la parole, c'est-à-dire l'ignorance et l'indifférence. Je préfère passer pour une fille désagréable et insociable afin qu'il ne découvre pas mon handicap. Je sais très bien qu'il finira par l'apprendre d'une manière ou d'une autre, car les gens ici ne gardent pas les problèmes des autres pour eux, malheureusement. Ils en ont déjà plein pour eux-même, mais ils trouvent du temps pour se mêler de ceux des autres. Un de leurs passe-temps favoris. Je lève les yeux au ciel.

Je sens mon stress augmenter de plus en plus, m'attendant à un interrogatoire comme d'habitude lorsqu'un inconnu vient me parler...C'est toujours comme ça.

Nous marchons dans les couloirs dans un silence implacable, à en donner la nausée tellement, l'ambiance est gênante. Mais tant mieux ! Je ne vais pas me plaindre, moins il cherche à discuter et mieux je me porte.

-Tu parles pas ? Me dit-il soudainement.

Encore une fois, je me suis trompée. De toute façon à quoi tu t'attendais? Les gens communiquent Aïcha, ce n'est pas un scoop.

Ok, là, c'est la panique totale. C'était impossible qu'il ne me parle pas. Aller courage ! Je n'ai plus que quelques pas à faire avant d'aller pleurer dans un coin, je peux me retenir encore un peu.

Je tourne alors sur ma gauche d'un pas rapide lorsque je l'entends marmonner ce mot, celui qui aurait dû passer inaperçu, mais qui a fini par se réfugier jusque dans mes oreilles. Le mot de trop, je crois.

"Psychopathe."

Je m'arrête immédiatement de marcher. Mon souffle devient de plus en plus difficile à contrôler. Je sens des larmes monter, ma vue devient trouble, mes jambes tremblent, elles vont me lâcher, je le sens.

Je vois Christopher se rapprocher de moi à la hâte, mes yeux se ferment et je perds l'équilibre. Trou noir.

Edward

De retour dans cet enfer. En arrivant Rachel m'a directement conduit dans ma chambre : pas besoin de visite, je connais l'établissement.

Donc me voilà depuis maintenant 2 heures, allongé sur mon lit, à réfléchir. Quelle vie.

Je me demande si elle est encore là. J'espère qu'elle n'est pas partie. Je ne descends pas manger, par appréhension. Si elle n'est plus là, tous mes espoirs vont s'envoler. Pas envie de faire face à la réalité. Alors je reste allongé là. Sans rien faire.

Se souvient-elle de moi ? Pleins de questions se bousculent dans ma tête.

Si ça se trouve, elle n'est plus là depuis bien longtemps, mais je ne peux m'empêcher de penser à elle. J'entends du bruit dans le couloir : le repas est fini, les voix semblent de plus en plus proches.

Est-ce que je sors? Non, non, je reste calmement ici à attendre, on verra demain. Je n'aurais pas vraiment le choix, je ne vais pas sécher la première journée de cours quand même.

Je me demande si elle a pensé à moi pendant ces deux dernières années... J'étais comme un rempart pour elle, comme un pilier dans ce centre. Et je me suis barré, comme un con. Je l'ai laissée. Et je me suis brisé.

Comment me faire une place sans elle? Est-ce que les anciens se souviennent de moi? Qui est encore là ? Ahhhh trop de questions bordel ! Bon me voilà en train de faire les cent pas dans ma petite chambre. Je tourne en rond sans savoir quoi faire.

J'entends du bruit de l'autre côté de la porte, je tends l'oreille et intercepte une partie des conversations.

-Qu'est-ce qui lui a pris de le frapper comme ça ? Demande une voix masculine que je ne connais pas.

- Oh rien ne t'inquiète pas Rio, juste un souvenir du passé. Elle est comme ça, trop impulsive. Trop de provoc, ça l'énerve vite, lance l'autre voix.

Je rêve où c'est la voix d'Isac ? Non mon cerveau me joue des tours, c'est impossible ! Et puis cette voix est trop grave, trop virile...

En même temps, Isac doit avoir dix-sept ans maintenant. J'ai foutrement envie que ce soit lui. Une voix connue, un être connu. Quelqu'un sur qui compter. Et puis, ça voudrait dire que...

-Elle a quand même un sacré coquard... Tu penses que ça va aller pour elle? Demande le dénommé Rio. Elle n'avait pas l'air d'avoir très envie d'en parler, ce soir, quand Marley lui a posé des questions. Enfin, je dis ça au vu de sa réaction un poil violente...

- Ne t'en fais pas, je connais ma soeur, ça passera ! Elle n'aime juste pas qu'on s'immisce dans sa vie. Si tu restes avec nous, tu vas vite le comprendre.

- Bon, ben, je te fais confiance, Isac. Tu la connais mieux que moi !

Seigneur ! C'est bien lui... C'est Isac.

Les voix s'estompent, le couloir est vide, et je sais maintenant que Ruby est là, à quelques mètres de moi. Je sais que j'ai un couloir à franchir pour la prendre dans mes bras... Mais je ne le fais pas. Je reste là, sans bouger, un léger rictus, juste heureux de savoir qu'elle est encore ici.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant