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Graam

Mercredi

Une fois prêt et parfumé, je toque à la porte de Lily. J'avoue que je ne me suis pas autant préoccupé de mon apparence depuis plus de cinq ans au moins, mais là, j'aimerais vraiment qu'elle ait ce petit regard étonné qu'elle offre souvent à Rio. Non mais putain qu'est ce qu'elle me fait cette nana?

Lorsqu'elle ouvre la porte, mon coeur fait un bond et le petit regard souhaité apparaît pour mon plus grand plaisir. Sa bouche est gonflée, ses cheveux sont indisciplinés et elle porte son éternel pyjama dinosaure. Elle est vraiment mignonne. Elle m'offre un sourire endormi et s'efface pour me laisser entrer dans sa chambre.

-Qu'est-ce que tu fais ici? Demande-t-elle d'une petite voix encore ensommeillée.

-Je me disais que... Enfin... Tu pourrais venir avec moi en ville...?

        Putain, voilà que je me mets à bégayer, mon corps joue bien le jeu décidément. Est-ce toujours un jeu? Elle hoche la tête à l'affirmative et attrape quelques affaires dans son armoire, elle me fait signe de ne pas bouger et s'éclipse de la chambre. Pendant son absence, je jette un coup d'oeil circulaire dans la pièce. Tout est rangé au millimètre près, rien ne traîne, son lit est fait même si je l'ai réveillée, une odeur, la sienne, flotte dans l'air, et il y a même deux photos sur sa table de chevet. Une avec un homme et une femme plus âgés que j'estime être ses parents, avec elle alors qu'elle devait avoir sept ou huit ans. L'autre est une photo d'un lac où une étendue de lotus recouvre l'eau dans laquelle le bleu immaculé du ciel se reflète. Cette photo est vraiment magnifique, je suis captivé, et lorsque la porte s'ouvre, je manque de sursauter.

-C'est mon endroit préféré sur terre, dit-elle doucement. Quand j'étais petite, j'y allais des journées entières avec mes parents. On s'asseyait aux pieds d'un des grands saule pleureur qui couvre la rive et on restait là, à lire, danser, rire, manger, jusqu'au soir.

        Un air nostalgique se peint sur son visage et ses yeux luisent de tristesse. J'aimerais savoir ce qui lui traverse l'esprit et chasser les mauvais souvenirs, mais j'en suis incapable.

-Quand on sortira d'ici je t'y emmènerai.

        Un faible sourire s'affiche sur son visage et je me lève. Il est temps d'y aller, j'ai une journée de rêve à lui faire vivre, et le planning est serré. Elle attrape un sac et, à mon grand étonnement, glisse sa main dans la mienne en se mettant à courir. Lorsque nous foulons le gravier en nous approchant du bus, je jette un coup d'oeil aux fenêtres du self, et offre un clin d'oeil à Rio qui nous observe, l'air furieux. Cette situation me fait plaisir, je sais que c'est mal, parce que Rio est un type trois fois meilleur pour elle que je ne le suis, mais je la veux. C'est plus fort que moi, il faut que je la possède, que je la perce à jour. Et je sens déjà son masque s'effriter, elle parle, sourit, touche. J'ignore pourquoi elle s'ouvre, mais cela rendra la tache plus facile, il faut juste que je veille à ce qu'elle ne se referme pas.

Une fois dans le bus, je m'installe à côté d'elle et appuie ma tête contre le siège en la regardant. C'est incroyable comme elle est jolie. Enfin non, pas jolie, jolie n'est pas assez fort. Je dirais belle. Elle est belle, si belle que c'en est presque douloureux. La regarder, c'est comme regarder le soleil : elle étincelle tellement qu'on en souffre. J'ai envie de lui servir mon baratin habituel, lui compter des histoires, la promener, mais étrangement, je sais qu'avec elle, rien de tout cela ne fonctionnera. C'est un peu comme si elle n'avait jamais été draguée, comme si ce genre de choses ne l'atteignait pas, et d'une certaine manière ça me plaît. Ce challenge à relever, cette nouvelle croix à ajouter sur ma liste de choses faites à côté de « baiser une nympho » ou « fracturer la mâchoire d'un colosse ». J'ai la sensation pourtant que ce challenge-ci ne m'apportera pas la même satisfaction : il est tellement plus difficile à relever que je doute de la validité des autres.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant