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Marley

Nuit de Dimanche à Lundi

Après le speech de Ruby, je n'arrive pas à me contenir. Je sors du self en trombe, les larmes roulent sur mes yeux. Ceux qui mangent me lancent des regards interrogateurs. Je les ignore, je sors du bâtiment sans savoir où je vais. Je marche, je ne m'arrête pas.

Je me retrouve au bord d'un petit lac, je tombe au sol et mets ma tête dans mes mains. Je manque de souffle.

Une crise de panique. J'essaie de me persuader que tout va bien, que je suis en sécurité, mais rien n'y fait. De chaudes larmes dégoulinent de mes yeux. Je crie, je frappe le sol.

Pourquoi lui? Pourquoi???

Tout ça me replonge dans mes souvenirs d'enfance. Je revois Adam. Mon petit frère souffrait de terreurs nocturnes. Sauf qu'elles étaient beaucoup plus fréquentes que celles d'Isac. Elles revenaient pratiquement tous les soirs. Je me rappelle l'entendre hurler à mort. Toutes les nuits, je plongeais dans les ténèbres. Il devenait fou, et bien évidemment ma mère était trop défoncée pour faire quelque chose. Ces cris résonnent en moi, je revois la douleur, je me rappelle essayer de le calmer. Ma tête tourne, je finis allonger au sol. J'essayais de l'apaiser comme je le pouvais. Je me montrais présente. La journée, il était un enfant normal, la nuit, j'avais l'impression de voir le diable. Il était possédé par ses démons. La mort de notre père l'a terriblement affecté. Il ne dormait plus. Quand la douleur s'est atténuée, les démons sont apparus. Je plongeais autant que lui chaque nuit.

L'image de mon petit frère au bord de la fenêtre apparaît. À cause de ses démons, il a sauté.

Ils l'ont tué, je ne peux pas les laisser atteindre Isac. Ma mère n'a jamais été présente pour lui. C'est moi qui allais le chercher à l'école, qui lui achetait ses vêtements, ses jouets, ses médicaments...Ma mère était droguée toute la journée, elle errait dans la maison sans but. Quand je voulais quelque chose, je devais me débrouiller.

Elle nous appelait, mon frère et moi, « des accidents ». Rien que d'y penser, mes larmes s'accentuent. Les week-ends, on allait chez notre grand-mère. Elle était la seule à être toujours là. Elle a fait tout son possible pour aider Adam, malheureusement rien ne pouvait apaiser ses souffrances. Mon frère est mort quand j'avais 11 ans. Malgré tout, j'ai toujours été là pour lui. Un an après sa mort, ma mère m'a abandonnée, elle est partie du jour au lendemain. Je n'avais plus rien. Plus de famille.

Mes larmes coulent encore et encore, je ne peux pas m'arrêter. J'essaie de doucement reprendre mon souffle. J'ai des vertiges, mon coeur bat plus intensément, j'ai le souffle coupé. J'ai l'impression d'étouffer. J'essaie de faire les exercices de respiration que ma tante m'a montré. Je m'imagine face à elle et je persiste. J'ai peur, et si cette fois rien ne marchait? Et si je devenais folle?

Au bout d'une dizaine de minutes, mon souffle se calme, ma respiration s'améliore. Je me répète :

Tout va bien Marley. Tu vas bien. Tout ça, c'est dans ta tête.

J'ai l'impression d'avoir quelque chose à voir avec toute cette situation. Ruby l'a fait comprendre. Voilà ce qui me fait mal. Je suis une des causes de la crise d'Isac.

Au bout d'un moment, je suis calme, les larmes coulent toujours, mais ma respiration est redevenue normale, je n'ai plus la sensation de tomber. Je souffle un bon coup.

Je m'allume une clope pour détendre mon corps. Mes larmes coulent sur la cigarette qui diffuse son poison. Je m'interroge. Comment aider Isac? Jusqu'où ses démons sont-ils prêts à le pousser?

Je tire sur ma clope, ferme les yeux. J'essaie de ne penser à rien. Je tente de chasser les images de mon petit frère de ma tête. Je n'accepterais pas qu'Isac subisse le même sort. Je ne pourrais pas le supporter. Je jette mon mégot. Me lève doucement et traîne dans le grand parc. Je profite de l'air frais. Seule la lune m'éclaire. Le silence règne. Ça fait du bien, je me vide l'esprit.

Après une bonne heure de "balade", je retourne vers le centre. Je marche à pas de velours pour que personne ne vienne me voir. Pas envie de devoir m'expliquer auprès des autres. Je monte vite dans ma chambre. Une fois à l'intérieur, je m'étale sur mon lit et serre mon oreiller contre moi. La chambre d'Isac est de l'autre côté du couloir. Est-ce que j'y vais? Il est 22h passé, plus personne ne doit traîner dans les couloirs?

Je ne bouge pas, qu'est-ce que je vais faire une fois dans la chambre?

Je sais très bien que je ne pourrais pas dormir. Trop de souvenirs me hantent.

Je mets ma musique, reste allongée sur mon lit. Au bout de 2 bonnes heures, je prends mon courage à deux mains et sors de ma chambre. Je me place devant la porte de la chambre d'Isac. Je m'adosse au mur et attends. Quoi, je ne sais pas. Mais je me sens mieux face à sa porte que dans mon lit.

Il est bientôt 1h du matin, mais toujours rien, aucun bruit. Je persiste et je reste là, assise en tailleur. Soudain, j'entends un bruit, je me redresse un peu et vois Edward sortir de la chambre d'Isac. Nous nous regardons. Il se met en face de moi, assis dans la même position. Aucun mot ne sort de ma bouche, mais il comprend que je souhaite des nouvelles. Il me dit :

-Ca va aller pour lui, ne t'inquiète pas.

Je le regarde, les larmes veulent encore couler, j'essaie de les retenir. Je ne veux pas qu'on me voit si faible.

Il se relève, secoue sa main dans ma tignasse et me dit d'une petite voix :

-Va dormir Marley-Rose, je me charge d'Isac.

Il m'aide à me lever, il me fait un petit sourire. Je me redirige donc vers ma chambre. Mais je ne peux pas fermer l'oeil. Je remets mes écouteurs, et me noie dans la voix de Jad Wio.

Une seule question reste figée dans mon esprit : Est-ce que je vais pouvoir aider Isac?

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant