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Christopher

Jeudi

J'entends toquer à ma porte. Je me lève pour aller ouvrir et tombe sur un petit mec blond, yeux bleus et rouges, marqués par les joints, ça se voit.

-Tu veux quoi? Je lui demande un peu sèchement.

-C'est bien toi, Christopher Dan....

Je ne le laisse pas finir sa phrase. Je ne veux pas entendre mon nom de famille.

-Ouais pourquoi? Je dis d'un ton pressé.

-Faut que tu te pointes à la salle 210. Ordre de l'autre connasse, dit-il d'un air blasé.

-Ok, j'arrive, je lance en refermant la porte.

Je m'étire longuement après ma petite sieste et me prépare pour aller en 210. Je ne sais pas ce à quoi je suis prié de venir, mais j'imagine qu'ils vont rassembler tous les défoncés du centre pour faire des préventions sur les "Dangers de la drogue" et autres conneries dans le genre qui n'intéressent personne. Je ne vois pas ce que ça pourrait être d'autre...

En ouvrant ma porte, je revois le type de tout à l'heure. Il m'a attendu. Ce mec m'énerve, je n'ai pas besoin de sa compagnie, je ne suis pas un assisté bordel.

-Tu sais, j'ai pas besoin qu'on me tienne compagnie. La prochaine fois, tu éviteras, merci, dis-je sur un ton excédé.

Alors que je croyais l'impressionner comme pour les autres en général, le blond éclata de rire. Je ne m'attendais pas du tout à cette réaction. OK. Ce mec me tape vraiment sur le système, là.

-Tu... hahahaha mec t'es sérieux là? Tu te prends pour qui ici? Eh je te rappelle un petit truc, ici t'es fiché "nouveau" alors redescends un peu de tes grands airs, mon vieux! Il lâche d'un air hautain, toujours en riant.

Je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit qu'il s'éloigne de moi en rigolant avec la main sur le ventre. Comment peut-on rire aussi facilement?

En revenant à la réalité, je me rends compte que le blond aurait vraiment pu m'être utile, et que je suis bel et bien perdu maintenant. J'ai encore agi par pulsion !

Le manque me brûle de l'intérieur, c'est horrible, je ne me reconnais plus. D'habitude je ne suis pas autant désagréable avec les gens. Je n'aime juste pas qu'on me colle de trop, ça m'agace. Lors de ma visite avec la fille qui ne parle pas, je ne me souviens plus de son prénom.. Acha.. Ai.. Bref. Quand je suis revenu à l'infirmerie pour avoir de ses nouvelles, d'ailleurs, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, mais bon... Son air de snobinarde en disait long. J'avais compris qu'elle ne m'appréciait pas trop vu l'ignorance qu'elle portait à mon égard. Son silence était révélateur alors je suis parti tout simplement. Qu'elle aille se faire voir celle-là, et puis quoi encore ? Je lui lèche les pieds la prochaine fois? Surement pas. De toute façon, je ne la connais pas alors c'est pas une grande perte.

Toujours dans mes pensées les plus noires, je repense au visage doux de ma mère. Elle n'apprécierait pas du tout mon comportement avec les gens, si elle me voyait. C'est vrai que je pourrais être plus sociable quand même. J'arrive dans un endroit qui est sensé me faire du bien et moi, je m'enfonce dans une carapace... Quel con. Aller, il n'est jamais trop tard, je peux encore me rattraper.

Ce mec, Graam, m'a dit qu'une soirée d'intégration aura lieu ce samedi soir. Il m'a invité à l'y accompagner. Au début, je ne voulais pas, mais je pense qu'il faut que je m'ouvre un peu aux autres si je veux faire mes marques dans ce centre. Et qui sait, peut-être que certaines rencontres me seront utiles...

Au bout d'une dizaine de minutes, je trouve enfin ma salle. Je me penche pour toquer à la porte lorsque celle-ci s'ouvre brusquement sur un grand black musclé et plutôt furieux. Il me bouscule avec une telle force que j'en perds mon équilibre et me rattrape sur le mur d'à côté. Il donne ensuite un grand coup de poing sur un des murs puis disparaît. WOW. Ça m'a réveillé là !

-Entrez Christopher, ne vous préoccupez pas de lui, c'est normal, il extériorise sa colère, me dit une petite dame à lunettes d'une voix neutre.

J'entre dans la salle. Il faut croire que je me suis trompé. Il n'y aura pas de préventions ou quoique ce soit mais il s'agit plutôt d'une table ronde pour drogués, où chacun son tour devra faire part de son parcours dans la drogue. J'aime pas ça du tout. Je ne veux pas révéler mon passé, je n'y arriverai pas sans chialer et j'ai pas envie de chialer comme un faible justement. Putain, c'est mal parti... Je comprends maintenant pourquoi le mec est sorti en tapant partout dans les coins.

La petite dame me demande de m'asseoir à une place libre. Je jette mon regard sur les gens et trouve un siège à côté d'une fille qui ramasse un truc par terre. Lorsqu'elle se remet bien sur sa chaise, je découvre qu'il s'agit en réalité de cette fille. Celle qui me snobe et qui s'est évanouie en me faisant la visite. Je ne me rappelle toujours pas de son prénom. Je fais mine de ne pas l'avoir reconnue et me concentre sur le discours d'un des drogués de la table ronde. Même si je sais qu'elle me regarde du coin de l'œil, il est hors de question que je lui adresse la parole. J'en ai assez de me prendre des vents à la minute quand je lui parle. Je ne ferais aucun effort pour sa gueule.

Putain, cet endroit m'angoisse. Entre l'autre snob à mes côtés, le discours pathétique du mec en face de moi et l'envie brûlante de me délecter d'un bon joint, j'ai mon tic qui revient par-dessus le marché. Le tremblement de la jambe droite. Je sens que mon tour est pour bientôt.

Pendant que j'essaie de trouver un bon baratin à dire, une petite main vient se poser doucement sur ma cuisse. Le contact me surprend, surtout quand je comprends que c'est elle qui me fait ça.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant