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Ruby

Mercredi

Après deux jours assez compliqués et plusieurs discussions avec Edward, je frappe à la porte de Marley. Je n'attends pas longtemps avant qu'elle ouvre.

-Ruby ? Qu'est que tu fous là ? Elle demande surprise.

C'est vrai que je suis au chevet d'Isac depuis qu'il a fait sa crise, je suis rarement avec le groupe.

- Faut que je te parle. C'est à propos d'Isac. Je peux entrer ?

- Ouais, bien sûr.

Elle s'efface derrière la porte pour me laisser passer, et je pénètre dans sa chambre. Je m'assieds au sol, parce que rester debout me gêne. Elle se pose sur son lit, face à moi. Elle a l'air tendue, elle ne sait pas trop quoi faire. Alors je commence.

-On a pas mal discuté, avec Edward, ces derniers temps. J'ai peur que l'état d'Isac ne s'améliore pas. Il devrait déjà être debout, normalement. Alors on a réfléchi, et on s'est dit qu'il fallait que tu lui parles, que tu ailles le voir. Tu es la dernière à qui il a parlé, et c'est sans doute toi qui a provoqué sa crise. Je ne te reproche rien, je sais ce que c'est d'être attiré par quelqu'un, et je suis contente qu'il se passe quelque chose entre Isac et toi. Mais il n'a jamais été proche de quiconque, à part Ed et moi. Alors je pense que son cerveau à court-circuité. Enfin bref, je m'embrouille moi-même. Je pense... On pense qu'il faut que tu ailles le voir, parce que tu es la seule à pouvoir l'aider.

Marley a ouvert de grands yeux, elle a l'air complètement sonnée. Merde, j'ai dû mal m'exprimer, dire quelque chose de bizarre où je ne sais pas. Quand je commence à parler, les mots partent toujours sans moi. Et je les suis comme je peux. Ça fait que je suis souvent plus provoque que je ne le souhaiterais. Je réagis toujours trop vite, sans peser quoi que ce soit. Je suis comme ça. Mais des fois, ça me joue des tours.

Finalement, elle hoche la tête et se lève. Elle me fait sortir, et se dirige vers la chambre d'Isac. Elle rentre doucement et disparaît derrière la porte qui se referme devant moi.

J'hésite à entrer, mais Rio sort et me fait non de la tête. Marley veut être seule avec mon frère. Je sais qu'il est réveillé, qu'ils sont en train de discuter. J'ai envie de savoir ce qu'il se passe, mais je ne bouge pas.

Je ne compte pas le temps qui passe. Je reste de glace face à la porte. Plusieurs personnes passent, me jetant des regards méprisants ou interrogateurs. Je ne leur adresse pas la parole. Je ne fais pas attention à ce qu'ils disent. Je les vois, je les regarde à peine, et mes yeux reviennent vers la porte. C'est un putain d'aimant.

À un moment, Edward arrive, par le couloir de la salle de sport et des douches. Il s'arrête en me voyant. Je l'ai dans mon champ de vision, et pour la première fois, j'arrive à décoller mon regard de la porte, pour croiser le sien.

Je le supplie, les yeux embués, de venir avec moi. Je n'ai pas besoin de prononcer un mot, il comprend tout, comme à son habitude. Il marche vers moi, et je retrouve l'image de la porte fermée. Je sens la main d'Edward se glisser dans la mienne. Nos doigts s'entrecroisent, et la pression s'accentue. Qu'est-ce qu'ils foutent putain ? Je sens monter en moi une furieuse envie d'entrer. Finalement, Edward me tire de mes pensées.

-Hey, Miss. Faut aller manger. T'inquiètes, elle va y arriver. Elle va le faire sortir. On est impuissants, mais pas elle. J'en suis sûr. Aller, viens.

Il m'oblige à le suivre. Je lâche sa main, m'assieds par terre. Je. N'irai. Pas. Je l'attendrai. J'ai toujours été là pour lui. Toujours. Je suis son ange gardien. Et je n'ai même pas le droit d'entrer. Même pas la possibilité de le soigner. J'ai envie de prendre sa place. J'ai envie de le sauver. Mais je ne peux rien faire. Je suis là, comme une conne, assise dans le couloir, les yeux et les pensées rivés sur sa saloperie de porte que Rio a fermé derrière lui. Et je sais que si je rentre, je briserai tout. Mais ce n'est pas pour autant que je partirai. Je ne quitterai pas cette cloison qui nous sépare des yeux. Pas tant qu'il ne sera pas sorti.

Edward le sent, et il ne dit rien. Il s'assied simplement à côté de moi, épaule contre épaule. Et nous attendons...

Et enfin, lentement, la porte s'ouvre. Isac sort, frêle mais solide sur ses jambes. Je me lève, vacillante. Je m'avance à petits pas. Et je le sers contre moi. Mon petit frère. Mon Isac. Mon miracle. Notre étreinte nous consolide autant l'un que l'autre. Dans mon oreille, juste avant que nous nous séparions, il murmure deux petits mots.

-Merci, sista.

Je le regarde partir, derrière Marley, les yeux embués de larmes. Edward me prend dans ses bras.

-Je te l'avais dit qu'elle réussirait, il murmure.

J'essuie rapidement mes larmes et hoche la tête. D'un regard entendu, nous descendons jusqu'au réfectoire pour manger.

Aïcha

Les derniers jours ont été assez mouvementés, le plus jeune des Chesterfield, a fait une crise lundi matin, il devait être à peu près 5h quand son cris a réveillé tout le centre.

Comme tout le monde, je me suis levée pour aller voir ce qui se passe, et c'est sans surprise que j'ai découvert Ruby, complètement paniqué pour son frère, accompagné comme à son habitude par Edward.

Ce n'est pas la première fois qu'Isac, fait une crise de la sorte, il est, assez perturbé, sûrement par ce qu'il a vécu dans son enfance. Je n'en sais pas vraiment plus, je n'ai jamais été proche de ces personnes-là. Mais ça n'était pas arrivé depuis un long moment, qu'il pète les plombs.Ça a rendu les derniers jours au centre assez morose, tout le monde, principalement les nouveaux, semblaient inquiets pour Isac, ne comprenant sûrement pas la raison de cette crise. Mais d'après ce que j'ai compris en entendant des bribes de conversation en descendant vers le self, quelqu'un a réussi à le faire sortir de sa chambre. Tant mieux j'ai envie de dire, au moins, ça va calmer la pression qui règne depuis lundi.

Après un rapide passage au réfectoire, je remonte rapidement dans ma chambre pour finir mon sac. Aujourd'hui, nous avons une sortie, grâce à l'autorisation de Mme Garcia, j'ai le droit d'y aller. Ça va me faire du bien de sortir du centre, même quelques heures.

Je prends un des médicaments que l'infirmière m'a prescrit et descend jusqu'à l'entrée du centre, où déjà plusieurs personne sont regroupés. Comme à mon habitude, j'attends dans mon coin, que tout le monde arrive.

-Hey, lance une voix que je reconnais assez facilement maintenant.

Je relève ma tête et sans surprise, Christopher et posé à mes côtés, adossé au mur. Je le regarde pour être sûr qu'il s'adresse à moi, mais comme nous sommes un peu à l'écart des autres, c'est bien à moi qu'il s'adresse. Je lui lance un petit sourire timide, auquel il répond en souriant aussi.

Étrange, la dernière fois qu'on s'est « vu », c'était au bal, où il était d'ailleurs complètement bourré, s'en souvient-il ? J'en doute, puis de toute façon, c'est pas comme si j'allais lui demander.

-Approchez-vous ! Le bus vient d'arriver, lance Mr Hugh, le psychologue qui nous accompagne.

-Aïcha, madame Garcia m'a demandé de te donner ça, si tu ne te sens pas bien pendant la sortie, c'est plus fort que les médicaments habituels, va directement vers Mr Hugh si les effets de ce médicament sont mauvais d'accord? Lance Maryam, une des surveillantes du centre.

Je la remercie du regard et hoche la tête. Je glisse la boîte de médicaments dans mon sac, sous le regard interrogateur de Christopher.

-Pourquoi t'as besoin de ça ? Il me demande alors qu'on marche vers le bus.

Je sors mon carnet et écrit rapidement quelques mots dessus.

« Depuis ma chute l'autre fois, j'ai des maux de têtes »

Il hoche la tête une fois qu'il l'a lu et semble se plonger dans ses pensées. Quel garçon étrange. Il m'intrigue vraiment beaucoup. Pourquoi se sent-il obligé de rester avec moi? Pourquoi il est si gentil ? Je n'en sais rien, peut-être se sent-il coupable car, c'est à cause de lui que je suis tombée ? Aucune idée, mais je baisse la tête et monte dans le bus.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant