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Lily-Jane

Dimanche

Je m'adosse contre la porte et relâche tous mes muscles, la rage me rend folle, je n'ai qu'une envie, redescendre et leur arracher les cheveux un à un.

J'étais pourtant bien partie, j'aurais presque pu passer mon premier jour sans histoire, sans rien dévoiler, et pourtant, il a fallu qu'elles me touchent.  Bandes de connasses.

Le contact, c'est ma plus grande faiblesse. Ce que je redoute le plus. C'est pour le moment la seule chose capable de me faire perdre le contrôle sur mes actions. Je suis censée remercier mon oncle pour ce sang-froid comme glace, mais aussi pour cette peur incontrôlable d'être effleurée.

Je suis furieuse, et je n'ai rien pour apaiser cette colère qui me ronge. Je perds rarement le contrôle en public, je perds rarement le contrôle sur mes émotions -sauf quand je suis seule- et lorsque je suis lancée, il m'est difficile de m'arrêter.

Sans réfléchir une seconde, je fous mon poing dans le mur. Le crépi me fait saigner, mais je réitère le coup, encore, encore, et encore, jusqu'à ce que je retrouve un semblant de calme, jusqu'à ce que le masque se recolle et que je sois en mesure de le porter de nouveau.

J'ai le poing en sang, le mur est cassé et taché de rouge, et mon visage est trempé de larmes. La seule chose qui semble me faire reprendre le contrôle est la douleur. Cette sensation de pulsation là où le flot de sang coule, cette brûlure, le sang qui coule sur ma peau, la chaleur réconfortante du liquide. A défaut d'avoir de quoi me couper, j'évacue sur le mur, et me calme grâce à la blessure. Drôle de façon de vivre, pas vrai?

Je dois de nouveau remercier mon oncle pour tout ça, c'est grâce à lui. C'est grâce à lui si aujourd'hui j'ai la sensation d'être un monstre sans coeur, si j'ai l'impression d'être bonne à enfermer, si j'ai besoin d'avoir mal pour pouvoir faire semblant que tout va à peu près bien. C'est grâce à lui si je ne laisse personne me toucher depuis mes onze ans, c'est grâce à lui si à ce jour, je suis coupée de toute vie sociale. Grâce à lui que je me retrouve ici, grâce à lui que ma vie est un cauchemar, grâce à lui que ce lieu sera celui qui verra ma mort.

J'attends la chance d'essayer à nouveau depuis quelques mois déjà, et cette fois, hors de question de me réveiller dans un hôpital, cette fois, ce sera pour de bon.

Je finis par m'allonger sur mon lit, et je décide que je vais attendre que tout le monde soit couché pour aller prendre une douche et nettoyer ma plaie. Manquerait plus que ça s'infecte et qu'on rajoute à mon dossier -long comme le bras d'un géant- que j'ai des excès de violence.

Aux alentours de minuit, j'attrape mes affaires -au préalablement rangées et organisées- et me rends en toute discrétion dans la salle des douches. La mixité de cette pièce me gêne au plus haut point, alors hors de question de tomber sur un garçon ou sur qui que ce soit. Je m'enferme dans une cabine de douche, fais reposer en équilibre mes affaires sur le coin entre le mur et la porte, me déshabille, et me lave en vitesse lumière.

Une fois l'opération terminée, je me sèche et enfile mon pyjama, en l'occurrence, un pantalon à dinosaure Toy Story et un gros pull assorti, oui, nous sommes au printemps, oui, il fait chaud, mais je ne peux pas risquer qu'on voit une parcelle de mes bras, de mon dos, ou de mes cuisses, c'est impensable.

Lorsque je sors, je réalise que j'ai dû prendre plus de temps que prévu, parce que Graam est là, appuyé contre les lavabos, la serviette basse sur les hanches. L'eau est encore ruisselante et fait briller sa peau hâlée, soulignant son corps plutôt bien bâti, ainsi que les tatouages qu'arbore sa peau.

Je suis étonnée lorsque, en me rapprochant, j'aperçois des traces blanches sur son torse, son dos, ses bras. Des cicatrices, en fait. Lorsqu'il lève la tête vers moi, je suis à nouveau frappée par la profondeur de ses yeux verts. Ses cheveux noirs sont en bataille et tombent sur son front en bouclettes trempées. L'eau ruisselle sur son visage et se prend dans ses longs cils, glisse sur ses joues, s'attardent sur sa bouche aux lèvres rouges et charnues, et s'échappe sur son cou en passant par sa mâchoire incroyablement marquée. Une cicatrice à son arcade m'indique qu'il a certainement eu l'occasion de se battre souvent. Il porte un anneau à son oreille et..

Je suis repérée en pleine contemplation. Je reste de marbre même si au fond, je suis incroyablement gênée d'être prise sur le fait. Je suis devenue experte pour ne rien laisser transparaître, c'en est presque pesant. Son regard est moqueur et un petit rire s'échappe de ses lèvres tandis qu'il secoue la tête.

-Sympa, le pyjama, dit-il calmement.

J'aimerais lui demander ce qu'il fait là, à cette heure, lui dire de ne pas se moquer, rire à sa remarque, mais rien de sort de ma bouche, je suis bloquée. Alors que je reste là, statique, son regard se porte à mes mains, il aperçoit ma blessure et j'ai un mouvement de recul.

Ce type me perturbe, j'ai horreur de ça, et je suis tiraillée entre l'envie de garder tout contrôle quitte à ressembler à un robot, et de tout lâcher auquel cas, j'ignore si je rirais, pleurerais ou hurlerais. J'opte pour le contrôle et m'enfuis de la pièce sans demander mon reste. J'ai déjà passé une mauvaise journée, hors de question de l'aggraver encore en me laissant aller.

De retour dans ma chambre, je me glisse dans mon lit après avoir enroulé de la bande autour de mon poing. Je lis ensuite quelques pages et m'endors pour un sommeil peu réparateur et sûrement plus atroce que la réalité.

Marley-Rose

Nuit de Dimanche à Lundi

Quand je suis arrivée ici, Isac m'a tout de suite abordée. Il m'a fait visiter les lieux et nous avons un peu discuté. Il est sympa, je l'apprécie bien et je pense que je pourrais bien m'entendre avec lui.

Le repas s'est passé très bizarrement. J'ai fait la connaissance de Phoebe et Félix, deux anciens, comme on les appelle ici, puis j'ai rencontré Ruby la soeur d'Isac. Elle est cool si on ne prend pas en compte son côté  « Attention : tu me touches, je t'explose".

J'ai vraiment eu l'impression qu'elle voulait limite me tuer quand je suis arrivée, mais après un repas ensemble, je me suis rendu compte qu'ici, elle peut m'être vraiment d'une grande aide. J'ai aussi fait la connaissance de Rio, un gars sympa assez chelou. Mais bon qui ne l'est pas, dans ce putain de centre ?!

Je tourne en rond dans mon lit depuis une heure déjà, le sommeil ne vient pas, je décide donc de m'échapper du bâtiment par une porte que j'ai aperçu tout à l'heure en mangeant. Je n'oublie pas mon carnet de dessins, mon iPod et mes clopes. En sortant de ma chambre, j'aperçois la lumière des douches allumée. Qui peut bien se laver à cette heure? Puis je vois apparaître cette fille Lily, je ne sais pas quoi, avec un pyjama Toy Story, wha classe.

-Tu ne dors pas? Elle sursaute, je lui ai fait peur, c'est l'effet Marley.

Elle reste muette. Elle a quoi?

-Je ne vais pas te mordre t'inquiète pas cocotte, ça va? J'ai vu ce qui s'est passé au self tout à l'heure...

Elle ne répond toujours pas, puis d'un coup elle se met à courir vers sa chambre.

Étrange. En arrivant dans le self vide, je me sens bien. Il n'y a pas tout le chahut de tout à l'heure, les gens qui agressent les autres, etc...Ca fait du bien, ce silence. Je sors doucement sur une sorte de terrasse, je me pose sur une chaise et je mets mes écouteurs. Je démarre ma playlist et je commence à dessiner.

Je suis dehors depuis deux bonnes heures. J'allume une clope, je regarde le ciel avec Jared Leto dans mes oreilles.

Il est déjà 3h du mat, bordel. Fait chier, je vais être crevée demain

Je prends mes clics et mes claques et retourne dans ma chambre, et j'arrive, étonnement, à m'endormir.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant