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Marley

Vendredi

Edward était frais comme un gardon ce matin, il est entré dans le self avec un sourire gigantesque. Sourire qu'il n'a pas quitté de touuuute la matinée.

Nous avons finalement compris à la pause que lui et Ruby sont ensemble. Et en voyant les réactions des autres, j'ai directement compris que tout le monde attendait ça depuis un bout de temps. Je n'ai pas réellement fait gaffe à leurs comportements, mon esprit étant dirigé vers une autre personne.

En début d'après-midi, je me suis installé dans un couloir en attendant le début du cours d'arts plastiques. Je voulais continuer le dessin d'Isac et moi. Soudainement, mon carnet s'envole dans les airs et je remarque que Esther et son acolyte me l'on prit. Je me lève d'un bond.

-Rends-moi mon carnet, immédiatement, dis-je d'un ton sévère.

-Regarde-moi ça, la petite est sentimentale, on dirait.

-Rends-le-moi.

Elle me regarde et rigole, elle commence à le feuilleté. Je m'approche dangereusement d'elle. D'un coup, je la colle au casier et la soutien par la mâchoire.

-Tu vas gentiment me rendre ce carnet si tu veux pas que je brise les os.

Je vois la peur naître dans son regard. Autour de nous, plus aucun bruit, je sens néanmoins les regards sur nous. Sa copine essaye de l'aider, mais d'un seul coup, je la balaye et elle tombe au sol.

-T'es complètement folle.

Je crois que c'était le mot de trop. Je lui prends mon carnet des mains et la lâche. Elle s'écroule à son tour au sol. J'essaie de ne pas m'énerver au max devant les autres. Je range mon carnet dans mon sac et quand je me retourne, je reçois un milkshake vanille sur la gueule. NON MAIS C'EST UNE BLAGUE? C'est quoi votre problème avec vos boissons dans ce centre?

J'entends les gens autour de nous rire. Elles viennent de m'humilier devant la quasi-totalité des élèves. Je lâche mon sac et en une foulée, je saute sur l'une des deux pétasses.

Je me retrouve au sol avec Esther, elle me tire les cheveux et me crache dessus pendant que j'essaie de la stabiliser. Une fois qu'elle est bloquée, je lui murmure doucement :

-N'essaie plus jamais de m'affronter si tu veux pas finir dans un lit pour le restant de ta vie.

-C'est une menace?

-Une promesse.

Bon, je crois sincèrement qu'elle n'a pas compris puisqu'elle me crache de nouveau à la gueule et qu'elle me fout une baffe monumentale. Je vois rouge, ma colère ne s'estompe pas. J'ai clairement envie de la tuer, dans ce couloir au milieu de tout le monde. Je lui frappe le visage, en contrôlant un minimum ma force, je n'aimerais pas finir en cage non plus.

D'un seul coup, je me sens propulsée en arrière, quelqu'un me retient. Je n'arrive pas à me contenir j'ai vraiment envie de la fracasser. Vous allez me dire tout ça pour un vulgaire carnet? C'est tellement plus que ça, dans ce carnet il y'a toute ma vie. Tous les moments que j'ai passés, bons comme mauvais, sont inscrits dans ce carnet. Mes démons les plus profonds sont à l'intérieur. Et je n'accepte pas qu'on puisse fouiller ainsi dans ma vie privée, dans mes ténèbres. Je n'ai jamais montré ce carnet à quiconque. Pas l'intégralité du moins, juste les beaux dessins, qui me représente comme une fille heureuse.

Soudain, je me rends compte que j'ai craqué vulgairement devant tout le monde. Je commence à ressentir des tremblements dans mes jambes, ma tête tourne et je sens les larmes commencées à perler le long de mes joues. Des bras me soutiennent toujours, mais je ne reconnais pas la personne qui me tient. Je vais m'évanouir, j'ai besoin d'air.

Il m'est impossible de prononcer un mot. Sortez-moi de ce couloir seigneur. J'entends vaguement mon prénom, mais je ne peux répondre. Je secoue ma tête dans tous les sens pour empêcher les larmes de couler, mais en vain. Les regards se font plus persistants, je le sens. J'ai besoin d'air, vraiment. J'essaie de me libérer des bras qui m'entourent.

La crise de panique est inévitable, et autour de moi, je sens l'agitation. Sans m'en rendre compte, je m'écrase au sol, mes jambes m'ont lâché. Je ne perçois plus rien. Tout est flou. J'entends des voix, mais je ne reconnais pas leurs propriétaires. On me porte, dieu soit loué.

Peu de temps après m'être fait soulever, je me rends compte que je suis dehors. Le vent m'effleure doucement le visage, et je respire enfin, difficilement, mais je sens l'air rentrer à nouveau dans mes poumons, je perçois de façon floue quelqu'un en face de moi. Edward.

Il n'est pas seul, Félix et Ruby sont la eux aussi. Ed me prend le visage pour que je le regarde.

Il me parle, mais je n'entends pas, j'essaie de régulariser les battements de mon coeur. Je vois confusément Ruby partir. Edward essaye de me faire réagir, mais ça ne marche pas.

Je me répète constamment que je suis en sécurité, que je vais bien. Ruby revient, accompagnée de son frère. Il se poste en face de moi, prend mon visage dans ses deux mains. Je plonge mon regard dans le sien. Je m'accroche à lui comme si c'était ma bouée de sauvetage, je tiens ferment son tee-shirt et j'enfouis ma tête dans son cou. J'essaie de caler ma respiration sur la sienne. Je recommence doucement à respirer. Il me murmure doucement à l'oreille :

-Calme toi, Marley, ça va aller d'accord? Tu n'es pas seule, je suis là. Respire.

Ces mots m'apaisent. Le sentir contre moi me rassure. Malgré tous les larmes coulent toujours. Comme d'habitude, je n'ai pas maîtrisé ma colère, cette crise fut beaucoup plus puissante que celle de la dernière fois. Je n'en avais pas eu de comme ça depuis des mois. Isac reprend la parole :

-Il faut qu'elle se repose, je vais l'amener dans sa chambre, retourner en cours et dite à la prof que j'aurais du retard.

Je n'entends pas la réponse de mes amis, trop concentré sur la respiration du jeune homme. Après une bonne dizaine de minutes, je me sens mieux, j'arrive à respirer normalement. Isac me relève délicatement et m'entraîne vers ma chambre. Une fois à destination, il m'allonge dans mon lit et s'assied à mes côtés.

-Ca va mieux? Dit-il timidement.

Je mime un oui de la tête, il essuie mes joues de son pouce.

-Merci, est le seul mot que j'ai réussi à prononcer.

Il me prend la main et fait des petits cercles avec son pouce sur ma paume. Il n'est pas obligé de rester à mes côtés, surtout qu'il sort lui aussi d'un moment difficile. Mais je l'en remercie secrètement. J'ai besoin de sa présence, il m'apaise plus que quiconque. C'est peut-être lui le sauveur que j'attends depuis tout ce temps? C'est lui qui va m'aider à révéler la « vraie moi ».

Je le sais, je le ressens au plus profond de mon être.

Alors dans un élan de courage, je lui raconte ce qui s'est passé, je lui explique ma réaction, qui peut paraître disproportionné pour une personne normale, mais qui est totalement justifiée pour une personne brisée comme moi. Il m'écoute, il intègre chaque mot. Une fois ma tirade finie, il me dit simplement :

-Je te comprends, mais t'inquiète pas, tu sombreras plus.

Et après ses douces paroles je repense à une chanson que j'affectionne particulièrement :

« Surtout n'oublie pas qu'avant tu riais mais l'amour te libère, l'as tu oublié?

T'es rien dans l'univers et avant tu rayonnais, libère ta lumière »

L'amour peut nous libérer et nous redonner foi en l'humain ainsi que redonner confiance à quelqu'un. Il ne faut pas oublier la puissance de l'amour.

Isac, je crois que je t'aime.

Sur ces pensées, mes yeux se ferment et je m'endors.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant