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Marley

Jeudi

Il est tôt, peut-être 6h, je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit.

Peut-être par peur d'oublier l'incroyable moment que j'ai passé avec Isac hier? Oui sûrement à cause de ça.

Je crois que l'avoir poussé à sortir et prendre l'air lui a été bénéfique. J'ai vu son sourire rayonner, ce sourire si doux et si apaisant. Nous avons rigolé franchement. Je me suis ouverte à lui : « pourquoi ? » M'avait balancé ma conscience au moins une vingtaine de fois.

Parce que j'ai étrangement confiance en cet homme, il me fait sentir plus vivante que jamais.

Durant toute ma vie, j'ai eu un sentiment d'abandon, puis le sentiment de ne pas être aimée et comprise. Toutes ces années ou j'étais seule, ou j'ai appris à cacher mes émotions, à cacher mes faiblesses. Je me suis créé une carapace digne de ce nom.

Mais depuis que je connais Isac, j'ai envie de montrer la « vraie moi ». La vraie Marley, celle qui croit au bonheur et à une fin heureuse. Celle qui peut se permettre de rêver et de sourire. C'est d'ailleurs ce que je ne cesse de faire quand je suis à ses côtés, sourire. Isac casse petit à petit cette carapace que je me suis construite à la mort de mon petit frère. Il brise les remparts de mon âme et de mon coeur.

Normalement, je ne parle pas de mon passé, même ma tante, Gina, ne sait pas tout ce que j'ai traversé. Elle sait juste pour mon frère et pour mes crises. Et elle pense que les deux sont liés. Cependant je renferme en moi tellement d'autre chose pire encore. Isac est la seule personne à qui j'ai tout raconté. Il a instauré une confiance inouïe entre nous. Je pourrais lui confier toutes mes peurs, tous mes doutes. Comme ceux que tu as à l'instant? Connasse de conscience.

J'ai des doutes, c'est indéniable. Ma vie se résume à des doutes. J'ai toujours quinze mille questions qui trottent dans ma tête. Est-ce qu'il a autant apprécié ce moment dans le parc que moi? Est-ce qu'il sombre dans ce sentiment de bien-être comme moi?

J'entends soudainement du bruit venant du couloir. Je jette un coup d'oeil furtif à ma montre : 7h

J'ai tellement de questions qui se bousculent en moi que j'aurais pu rester toute la journée à cogiter sur ce foutu lit sans m'en rendre compte. Je me lève, prends un jeans dans mon tiroir, je sors un tee-shirt blanc du placard et je me dirige vers les douches. Je croise le regard froid de Graam comme chaque matin à la même heure. Et je me faufile dans une cabine.

Ce mec est grave chelou. Il a un regard étrange en plus.

L'eau chaude ruisselle sur ma peau et je revois, encore une fois, les moments passés avec Isac hier. Quand en sortant de l'étang son corps dégoulinait d'eau, et que ses cheveux lui retombait sur le visage. Il avait un air enfantin tout bonnement adorable. Puis il y'avait dans son regard un soupçon de gêne qui m'a (je dois l'avouer) totalement fait fondre.

Je cogite encore beaucoup trop vis-à-vis d'Isac.

J'éteins l'eau, me sèche et m'habille rapidement. Je dépose mon bordel dans ma chambre et décide de descendre au self mon carnet dans les mains. Comme prévu personne n'est encore là, alors avant le début du service, je décide de mettre sur papier le moment que j'ai partagé avec Isac. Je dessine. Je n'oublie aucun détail.

Une vingtaine ou une trentaine de minutes après mon arrivée, j'entends des bribes de conversation, signe que l'heure du déjeuner arrive. Je referme vivement mon carnet, j'aperçois Félix qui arrive. Il s'installe en face de moi et nous discutons de mon « adaptation » dans le centre.

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant