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Edward

Soirée et nuit de Samedi à Dimanche

Il est 21h, je viens de finir de me préparer. J'ai mis le paquet, j'ai sorti le costume. Je souffle un bon coup et regarde mon reflet une dernière fois. Je décolle, sors de ma chambre et me dirige vers la salle de réception. Je me remémore la soirée d'intégration, il y a quelques années de ça déjà. Le speech que j'ai fait à Ruby avant qu'elle se fasse officiellement tatouer le "cygne". Je me rappelle son appréhension, elle ne savait pas à quoi s'attendre. Elle était déstabilisée, oui Ruby déstabilisée, c'est possible.

J'arrive dans la salle. C'est la cérémonie du tatouage, les nouveaux vont y passer, ils n'ont pas le choix, c'est la règle du centre. Je me souviens de ma cérémonie :

« J'entre dans la salle, la musique fait vibrer le sol, l'alcool coule à flots, tout le monde semble s'amuser. Puis un gars me prend par le bras et me jette littéralement à l'intérieur. Je ne sais pas du tout ce qui m'attend, j'ai peur. Le tatoueur me regarde bizarrement et me balance : "Alors bonhomme, tu viens ? Je vais pas t'attendre toute la soirée!" Je m'assieds, et il me badigeonne de mousse à raser. Il prépare ma peau. Avant de commencer son oeuvre d'art, il me sert un shot de vodka et me dit que je vais en avoir besoin. Je prends le verre, je sens le goût amer de la vodka couler dans ma gorge. Il commence son travail. La souffrance est faible, je m'attendais à pire, surtout au poignet. À la fin, il me félicite, et je sors du petit salon. »

J'entre dans la salle, je cherche Ruby. Je fais une fois le tour et prends un verre. Je l'aperçois enfin. Qu'elle est belle ce soir. Je ne veux pas dire qu'elle n'est pas belle habituellement, mais là, dans sa jupe, elle est sublime. Ses courbes ressortent. Je souris et me dépêche de finir mon verre.

J'arrive vers elle, lui touche délicatement l'épaule. Elle se retourne, elle est vraiment magnifique. Je vois son doux regard me parcourir de haut en bas, je sais exactement ce qu'elle pense, oui j'ai mis un costume. Je me joins à eux, nous dansons, je reprends un verre même si je sais que ma douce n'aime pas ça. Elle essaye parfois de me l'enlever des mains.

J'aimerais la prendre dans mes bras et l'embrasser toute la nuit, mais elle me repoussera forcément. Je connais Ruby, elle ne comprendrait pas mon acte.

Je sens le doux effet de l'alcool dans mon corps. Je danse encore et encore avec Ruby près de moi. Les musiques défilent, je me retire de la piste et me mets à l'écart suivi de Ruby. Je la vois s'énerver et quand je suis son regard, j'aperçois à l'autre bout de la salle la raison de sa colère. Isac et Marley sont "trop proches". Je sais comment elle réagit vis-à-vis de son frère, je sens qu'elle va foncer sur Marley. J'essaie donc de la retenir, elle tente d'abord de me repousser mais j'arrive à l'empêcher de se défaire de ma poigne.

-Laisse les faire, Ruby. Isac mérite d'avoir une vie propre, et tu ne peux pas être éternellement sur son dos. Lâche-le. Marley est une chouette fille. Et je sais que tu l'apprécies, alors ne te braque pas parce qu'elle a la chance de plaire à ton frère, ou parce qu'il l'attire. On n'a pas toujours l'occasion de plaire à celui ou celle qu'on aime. Laisse-leur au moins une chance, d'accord?

J'aimerais avoir cette chance, j'aimerais plaire à Ruby. Mais j'ai peur. Ce n'est pas que j'ai peur d'être amoureux. J'ai juste peur de ne pas être aimé en retour. Mais ça, je ne peux pas le lui dire.

Elle hoche la tête, je la tire vers moi et nous commençons à danser sur un bon son bien rock. Je la fais tournoyer dans tous les sens. Nous ne sommes plus qu'un, nous sommes en osmose. Et puis là, le DJ lance un slow. Moment opportun pour me rapprocher de Ruby. Elle commence à partir vers le bar, mais je la retiens. L'incompréhension se lit sur son beau visage, je la tire vers moi, pose mes mains dans son dos. Je ne suis pas sûr de ce que je fais, je suis juste mon instinct.

-M'accordez-vous cette danse, miss?

Je suis tendu, j'ai les mains moites, mon coeur bat la chamade. Elle pose sa tête sur mon épaule, je suis rassuré qu'elle ne me repousse pas. Je prends la danse en main, et nous tournons ensemble en rythme avec la musique. A ce moment précis il n'y a qu'elle et moi, tous les gens autour disparaissent.

Je me concentre sur mes pas, sur elle. Je hume son doux parfum, je pose légèrement ma joue contre ses cheveux. J'aimerais sceller mes lèvres aux siennes. Pour toujours. Mais si j'ose, je m'en prendrai une. C'est déjà une aubaine qu'elle ait accepté de danser un slow.

La musique s'arrête subitement, me sortant de ma rêverie. Un gars remet de la musique. YMCA, quel con !

Ruby se dirige vers le bar, et j'ai le sentiment qu'elle me fuit . Je la suis, puis Isac arrive pour la prévenir qu'il va dormir. Putain Isac, tu gâches le moment là ! Elle lui marmonne qu'elle aussi puis se sauve et me laisse en plan. Elle ne me jette même pas un regard.

Je ne sais vraiment pas comment le prendre, et me dirige alors vers sa chambre. Je reste une bonne dizaine de minutes devant sa porte. Et puis je laisse tomber, retourne dans ma piaule. Je me déshabille, m'allonge sur mon lit.

Je ne peux pas dormir, les événements de cette soirée traversent mon esprit et je ne peux m'empêcher d'y penser. Je regarde le plafond et me perds dans mes pensées.

Pendant quelques minutes, l'alcool m'a rendu plus téméraire que jamais. J'ai été à deux doigts de l'embrasser. Je l'ai tenue là, tout contre moi. Depuis que je suis revenue, je la touche plus souvent, et elle se laisse faire. Je ne sais pas si je dois espérer ou laisser tomber mes illusions. Je ne suis pas sûr de sa réaction. Je sais juste que je l'aime, et que je n'oserais jamais le lui dire.

Et pourtant, chaque fois que je l'aperçois, mon coeur se sert et je frissonne. Elle est plus belle, plus mature, plus forte qu'à mon départ. Je me souvenais d'une jeune fille dont j'étais tombé amoureux, malgré mes deux ans de plus. Et j'ai retrouvé une jeune femme incroyable, sûre d'elle, et qui m'a ensorcelé plus encore que je ne l'étais déjà.

Ce soir, tenir sa main dans la mienne pour danser, la serrer contre moi, sentir son coeur accélérer, voir ses joues rougir... Tout cela m'a fait plus d'effet que je ne le pensais. Je sais maintenant que je n'en aimerai aucune autre qu'elle. Elle est mon autre moitié, et ça, je l'ai senti quand on dansait.

Mais moi, est ce que je suis sa moitié ? Est ce qu'elle l'a ressenti, elle aussi, ce vide quand on s'éloigne ?

Cygnes, dans l'ombre, la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant