Chapitre 10 : le barrage

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La cabine progresse encore quelques secondes mais finit par s'arrêter à destination. Quarantième niveau pour un voyage en quarantaine, voilà de quoi apporter un peu d'humour à ma situation. Pourtant, quand je considère les sangles autour de mon torse, je cesse tout de suite de sourire intérieurement.

La porte s'ouvre en sifflant sur un étage bien éclairé. Je me débats afin de me libérer. Depuis mon réveil dans ma cellule, chaque rebondissement a été pour me placer à chaque fois dans un nouvel état contraignant. Je commence par en avoir assez. Je veux respirer à l'air libre, je veux être libérer des restrictions, je veux quitter ces lieux maudits. Est-ce trop demander ? Je ne le pense pas.

Je me démène dans cette camisole imposée par la cabine d'ascenseur quand je sens soudainement céder les lanières de cuir. Ce n'est pas de mon fait. Je n'ai pas réussi à me libérer par la seule force de mes bras, encore moins de ma volonté. Les attaches se sont simplement débloquées et les bandes ont regagné leur logement dans la cloison de la cabine. Je baisse les yeux vers le dispositif : à la disparition des sangles, des caches sont venues obstruer les minces interstices. Sans savoir, on ne se douterait de rien.

Je lève alors les yeux vers le plafond de la cabine et le néon fatigué encore en fonction. J'imagine facilement la machinerie d'ascenseur derrière lui. Je lui adresse même des mots. J'ai besoin de parler à quelqu'un. En l'absence de quiconque, le dieu technologie fera très bien l'affaire.

— Tu es cohérent avec ce que j'ai pu voir de cet endroit. Contraignant, appliquant un confinement sans poser de question, absolument pas à l'écoute des gens et de leurs besoins. J'aurais très bien pu tenir sur mes jambes pendant l'ascension, inutile de me fixer au mur comme un vulgaire bout de viande. Je suis une personne et mon nom est Alex !

Evidemment, je n'obtiens aucune réponse de sa part. La voix artificielle des ascenseurs n'entend pas. Elle se contente de débiter des messages enregistrés. Considérer les désidératas des passagers n'est pas à considérer.

Je sors alors de la cabine. Je veux éviter de la voir repartir vers un autre étage, sur l'appel d'un habitant. Je n'ai pas envie de sangler à nouveau mon corps contre le mur.

Je me retrouve dans une sorte de rue étroite, terminée par un coude à quelques mètres de là. Je trouve cela étrange de passer directement d'une zone sensible à un quartier plus classique, mais lorsque je me retourne vers l'ascenseur, je comprends. Des digicodes et des lecteurs de cartes régulent l'accès aux cabines.

Je veux d'ailleurs tester immédiatement les restrictions de cette nouvelle zone. La porte de ma cabine vient de se refermer, alors je presse les boutons d'appels. Un son typique me signale alors le refus de la commande et une voix artificielle résonne en sourdine.

— Demande refusée. Veuillez présenter votre badge d'accès et saisir votre code personnel de reconnaissance. En cas de trois échecs répétés, les patrouilleurs des Armateurs seront appelés et la capitainerie du pont sera alertée.

Je grimace. Les patrouilleurs doivent être les forces de police locale. Je ne tiens pas spécialement à les rencontrer. J'ai réussi à semer les gardes de la prison, mais ça peut n'être qu'un répit de courte durée. Il faut que je poursuive, que je m'échappe, que je déguerpisse le plus loin possible et que je me mette à l'abri.

La voix artificielle des ascenseurs me tire de ma rêverie en prononçant de nouveaux mots. Les paroles semblent identiques aux précédentes, mais en prêtant attention, je me rends compte de légères différences.

— Nouvelle saisie non reconnue. Badge non scanné. Veuillez renouveler votre demande avec exactitude. En l'absence de réponse de votre part, les patrouilleurs des Armateurs seront appelés et la capitainerie du pont sera alertée. Un compte à rebours a été enclenché.

Je peste. J'en apprends un peu plus sur moi : ma curiosité est un vilain défaut. Ça m'apprendra à vouloir tester le rappel d'un ascenseur pour vérifier mes hypothèses. Résultat : je vais rameuter tous le quartier. La prochaine fois, je me contenterai de gestes qui ne risquent pas d'alerter les autorités. A nouveau, je dois donc fuir.

Je m'éloigne vers le bout de la ruelle et le virage. Les murs autour de moi sont hauts et sans fenêtre. J'ai l'impression de me trouver dans une impasse d'un quartier industriel, avec des entrepôts de chaque côté, mais je me trompe peut-être.

Je cours et je passe levirage... Jusqu'à me raviser in-extremis ! Je plonge à terre dans ladirection dont je viens. Puis, je me relève et me plaque contre le mur. Ai-jebien vu ? Je passe discrètement un œil au coin de la rue. Je suis dans debeaux draps !


A suivre dans le chapitre 11 : le poste de contrôle.

Les ConfinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant