Chapitre 25 : les armateurs

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Je me faufile en toute discrétion. La nature et la nuit jouent en ma faveur. Je longe une haie et parviens jusqu'à un buisson touffu où je peux me cacher et écouter à loisir la conversation des deux hommes. Malgré l'aspect festif de la soirée, ils s'entretiennent sur des sujets de la plus haute importance.

Je tends l'oreille et parviens à entendre distinctement l'ensemble de leurs paroles. Je ne peux pas les voir clairement mais leurs voix sont suffisamment différentes pour que je puisse faire une retranscription mentale exacte de la discussion.

— On ne pourra pas dire que ta fête n'a pas été une réussite. Les autres ne pourront que te féliciter pour ça.

— Et pourtant, diriger la REM ne me voue pas à organiser des fêtes.

— Ils te seront reconnaissant pour les bienfaits que tu leur octroies. Ils savent auprès de qui ils sont redevables. Pour leur place, leur rang et leurs avantages en nature.

— Tu veux dire, comme Marine ?

— Elle s'est fourvoyée. Elle a perdu de vu l'intérêt général. Mais la question est désormais réglée, je te l'ai dit, Emmanuel.

— Et concernant l'autre ? Quelles nouvelles de cette personne en fuite ?

— Pas de trace récente. Elle doit être planquée dans un coin.

— Je ne veux pas des excuses, Edouard, mais des réponses, des actions et une résolution rapide. Nous luttons déjà contre d'autres fléaux. Je n'ai pas besoin d'une distraction alors que nous sommes déjà en guerre contre un ennemi invisible.

— Je sais... Je sais. Je te promets que nous mettrons la main sur cette personne.

— On en sait un peu plus à son sujet ?

— Nous savons son surnom : Alex. En prison depuis quelques jours, mais nous ne connaissons pas sa provenance. C'est une énigme.

— Tes services ont foiré sur toute la ligne, Edouard.

— Si on veut être précis, il s'agit des services de Christophe. C'est lui le directeur des Patrouilleurs. Il supervise toutes les commanderies.

— On ne va jouer sur les mots. Tu es mon premier lieutenant, par conséquent les autres lieutenants sont placés sous ton autorité. Faut-il que je modifie mon gouvernement pour obtenir des résultats ?

— Ce ne sera pas nécessaire...

— Et concernant notre autre problème ?

— Le virus ?

— Oui ? Avons-nous tellement d'autres problèmes que tu ne puisses plus savoir quel sujet j'aborde ?

— Non, en effet. Le virus est sous contrôle.

— Ta réponse est ridicule. En quoi un virus peut-il être sous contrôle ? Que contrôlons-nous à ce sujet ?

— Les scientifiques travaillent dessus.

— Et ils n'ont pas l'air de trouver une parade. Ils ne parviennent même pas à s'entendre.

— Les travaux du docteur Raoul semblent prometteurs. Il parvient à des résultats intéressants. Les malades montrent des signes positifs...

— De rémission ? J'en doute. Leur mal est incurable. Et puis, appelons un chat, un chat. Des malades ? Non.

— Les contaminés ?

— Si tu veux. Mais je préfère la terminologie mutant. Que pouvons-nous faire pour endiguer la contamination ? Je n'ai pas envie de voir le REM finir en tant que navire fantôme.

— Nous pourrions accroître le confinement. Ça a toujours fonctionné par le passé. Dans la situation actuelle, on pourrait limiter drastiquement les déplacements, interdire l'accès aux zones aquatiques, lac intérieur, ports, marinas, plages extérieures...

— Ça fonctionnerait.

— Oui. Rajoutons à cela l'obligation temporaire pour tous de rester enfermer chez soi, le temps de la gestion de cette double crise.

— Les citoyens l'accepteront ?

— Si nous insistons sur l'aspect temporaire, oui. Il est toujours plus facile de faire passer des mesures considérées comme nécessaires et temporaires. Après, cependant, il faudra donner un coup de fouet à notre économie. Nous en profiterons pour faire passer de nouvelles mesures.

— Parfait, Edouard. Faisons comme ça. Je te laisse gérer. Pour ma part, j'irai rendre une petite visite demain au docteur Raoul. Je le trouverai toujours au même endroit ?

— Oui, son laboratoire n'a pas bougé. En poupe, à l'extrême pointe de la marina, dans l'ancienne capitainerie désaffectée.

Dans un coin de mamémoire, je notais toutes ces informations. Je comptais moi aussi rendre unepetite visite à ce Raoul, mais bien avant le passage d'Emmanuel.


A suivre dans le chapitre 26 : des malades en observation.

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