Chapitre 18 : le drame

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Un homme entre par une porte secondaire avec une carafe d'eau et deux verres. Nous le remercions. Marine me propose de la boisson et j'accepte.

— Tiens, un peu d'eau pour toi. Après ta folle cavalcade, tu dois avoir soif.

Ce n'est pas de refus et l'eau dans mon gosier donne une sensation agréable. Puis, je reviens à mes questions.

— Alors, quelle est la lutte de la LUPOR ?

Marine adopte un ton conspirateur.

— Gagner la liberté. Renverser le pouvoir des Armateurs.

Je vais enfin pouvoir définir clairement ces individus.

— Qui sont-ils exactement ?

— Les chefs de cet immense navire. Ils ont un poste à vie au sein du conseil administratif du bord et dirigent tout. Je les connais bien, ils ne changent qu'avec leur mort et je peux te dire qu'ils font tout pour l'éviter ! Tu connais Jean Luc, qui se faisait passer pour un bourreau, utilisant un faux nom ? Il emprunte justement celui du meneur des Armateurs : Emmanuel. Il trouve ça drôle. Mais il y en a d'autres : Nicole, Bruno, Elisabeth, Jean-Michel, Muriel, Gérard, Florence, Christophe... Sans oublier son bras droit : Edouard. Tous s'entendent à merveille. La fine équipe !

Dans un coin de ma tête, je note ces noms. Il faut s'en méfier. Je ferai attention si je les croise à nouveau.

— Quand j'ai pris un ascenseur pour quitter la cale, il a gravi quarante étages. Pourtant, j'imagine qu'il y a d'autres ponts plus hauts. Celui où vit Christian n'est pas le plus misérable mais j'ai l'impression qu'il y en a des plus luxueux.

Elle acquiesce.

— En effet, tu ne te trompes pas. Je ne saurais te dire exactement leur nombre car ça change de temps en temps, selon les besoins des Armateurs. Par contre, je peux te dire que eux, ils vivent tout au sommet, là où le Soleil abonde. Ils ont des plages de sable fin avec un grand lac où se baigner. Quand en bas nous devons travailler pour gagner un peu d'argent et payer nos besoins, tout est gratuit pour eux. Ils baignent dans l'opulence, bénéficient des meilleurs équipements et n'appliquent même pas le compte social ! Leur pont est un paradis sur terre. Ils ont d'ailleurs donné un nom à cet endroit : le Solarium.

Dans mon esprit, ça fait écho à l'Aquarium. Ils font de vrais efforts en termes de nom, ces gens.

— Alors, il faut renverser tout ça.

Elle adopte un sourire triste.

— Ta motivation est belle à voir mais c'est compliqué. Même moi, je n'ai jamais vu le Solarium qu'à distance. La classe qui peut y prétendre est proche, mais ne le voit que de loin. A ce titre, personne en dehors des Armateurs ne sait exactement où il se trouve. Je suspecte qu'ils le déplacent de temps en temps, pour garder le contrôle sur la population, surtout les prétendants à leurs postes. Ils pensent à tout !

— Le navire est si grand ?

Elle laisse son regard se perdre vers les murs proches, pensive.

— C'est peu de le dire. Je n'en ai jamais fait le tour. Je pense que personne n'a jamais pu le faire, d'une part à cause des confinements, mais aussi parce qu'il est trop grand.

Je ne connais pas la taille exacte réalisable d'un bateau pouvant voguer sur les eaux, mais j'imagine qu'il y a une limite aux possibilités.

— Il a forcément une taille finie.

— Oui. Mais ce navire n'a de navire que le nom. Il vogue très lentement, ce qui laisse croire deux choses : soit nous n'avons aucun but dans notre navigation, soit il est très lent. S'il est très lent, ça corrobore nos soupçons.

— C'est-à-dire ?

— A la LUPOR, nous pensons que le navire mesure plusieurs kilomètres de long, de large ou de tour, on ne sait pas exactement. En vérité, il faudrait plutôt le voir comme île mouvante.

— L'île des Armateurs...

Elle rit.

— Ce n'est pas le nom officiel, mais l'idée est pas mal ! Il faudrait leur suggérer, ça leur plairait !

Je tente d'envisager ce navire dans toute son ampleur. Je suis certainement en dessous de la vérité.

— Quel est le nom de cet endroit ?

— Il est souvent effacé et ne subsiste que le début du nom, un peu comme ton prénom, une sorte de diminutif. Tous l'appellent le REM. Mais dans la salle du gouvernement des Armateurs, il apparaît en entier : le Rempart.

— Dans ce cas...

Je ne peux terminer maphrase. La porte explose, un bruit atroce assaille mes tympans et des traînéeslumineuses envahissent la salle en même temps que de la fumée. La tête deMarine explose alors.


A suivre dans le chapitre 19 : comme un rat.

Les ConfinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant