Chapitre 35 : à l'aveugle

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Les Militants règlent la question de notre devenir à notre place. Ils approchent les vedettes rapides du chalutier et sautent à bord, armés de pistolets, de matraques électriques et de bâtons paralysants. Nous pourrions bien sûr tenter un baroud d'honneur et risquer notre vie pour les affronter et les jeter à la mer. Malheureusement, plusieurs d'entre nous périraient lors de cette tentative et nous ne serions même pas certains de réussir. La chance n'est plus de notre côté. La providence nous tire la langue effrontément. Nous n'avons pas d'autre choix que la reddition.

A contrecœur, nous levons les mains et n'opposons aucune résistance. Malgré cela, les Militants sont violents, brutaux et agressifs. Ils malmènent les rebelles improvisés. Ils frappent Camille et quand je veux intervenir, je me prends également des coups. Nous finissons par nous recroqueviller sur le pont, ne boule, sans bouger, dans l'attente de la fin.

Elle finit par venir, quand tous les individus à bord sont menottés au bastingage, incapable de s'échapper, de se défendre ou d'opposer une quelconque forme de résistance. Nous sommes même bâillonnés. Nous ne pouvons plus parler entre nous.

Nous pouvons encore échanger des regards, ça nous réconforte, mais les Militants finissent par passer des sacs sur nos têtes. A croire qu'ils ont un matériel incroyable à bord de leurs vedettes rapides ! Nous sommes totalement isolés les uns des autres. C'est le pire confinement que nous ayons vécu !

La suite sera décrite avec une certaine approximation. Après tout, je vis le reste avec un sac sur la tête, un bâillon dans la bouche et les mains menottées dans le dos. Pas évident pour décrire ce qui m'arrive ! Pour faire simple, voici l'historique des événements.

Nous naviguons toute la journée vers une destination inconnue. Je ne sais pas si nous avons changé de direction, mais ça bouge beaucoup.

Le Soleil tape sur nos têtes et le sac ne suffit pas toujours à m'en protéger. J'ai mal au crâne !

La nuit tombe et nous restons sur le pont. J'entends des Militants patrouiller et de temps en temps j'écope de coups de pieds.

Au petit matin, je les entends tirer une sorte de corde en plastique. Je comprends son utilité quand ils nous arrosent avec le tuyau destiné au nettoyage du pont. J'en entends même nous invectiver à ce sujet.

— Tenez ! Voilà de la flotte comme vous l'aimez, bande de poissons dégénérés.

De rage, je sers les poings. On doit me voir faire car on me donne un grand coup contre la tempe.

— Toi, tu vas rester tranquille, on te l'a déjà dit !

Ma tête tourne. Mon bourreau reprend.

— C'est Alex, c'est ça ? La personne en fuite qui a fait des ravages sur le REM ? Tu vas passer un sale quart d'heure.

Je ne vais pas m'étendre sur la torture que je subie, ça sera préférable pour tout le monde. En tout cas, ils me font mal et décuplent ma rage. Si je parviens à me libérer, ce sont eux qui passeront un sal quart d'heure !

Nous passons ainsi une journée et une nuit de plus. Je commence à avoir très faim !

Bien sûr, je pense également à Camille. J'espère que rien ne lui a été fait. Camille me manque.

Finalement, le chalutier ralentit et accoste quelque part. On nous transbahute alors sans ménagement. On nous traîne sur un quai en fer. Ça griffe. Puis, on nous jette dans une sorte de bac. Quand il tremble et avance, je comprends qu'il s'agit d'un véhicule, probablement destiné au transport de marchandise, peut-être une voiture de jardinerie ou une benne à déchets. On ne nous ménage pas. On nous humilie, même !

Le véhicule s'arrête finalement et se penche. Nous dégringolons. Ils devaient donc s'agir d'une benne. Nous roulons maladroitement, nous nous cognons régulièrement, je l'entends aux complaintes de mes camarades. Nous ne pouvons pas nous protéger des chocs et nous allons finir avec des ecchymoses.

Nous tombons quelque part où plus rien ne bouge. Le calme est inquiétant.

Peut-être une heure plus tard, des gens libèrent nos mains, retirent le sac et hôte le bâillon. Nous sommes trop fragiles pour fuir. Quand je regarde autour de nous, je remarque aussitôt Camille, le visage tuméfié par les chocs du transport. Nous nous précipitons pour nous rejoindre et nous nous embrassons. Puis, nous prenons soin de l'autre.

Quand je regarde autourde nous, je comprends enfin où nous nous trouvons. Nous sommes dans une grandefosse dégoûtante, peut-être autrefois une citerne à essence ou à graines, maisreconvertie depuis bien longtemps en cellule redoutable. Nous pouvons y êtreentassés par dizaine, même si mon groupe est le seul pour l'instant. Les murslisses sont particulièrement hauts. Le sol est boueux et répugnant. Au sommetdes cloisons, je vois des barrières et des gens qui patrouillent avec desfusils tranquillisants. Cette cuve est ma nouvelle cellule !


A suivre dans le chapitre 36 : la mutation.

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