Chapitre 12 : la promenade

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Je n'en crois pas mes yeux, mais cette fois c'est pour une bonne raison ! Devant moi se révèle un paysage unique, inattendu et spectaculaire. Qui aurait pu imaginer une telle chose ? Assurément pas moi. Peut-être que je manque de perspicacité ? Est-ce un trait découvert de ma personnalité ?

J'avance vers la sortie de la ruelle. Elle donne occusur une avenue large, perpendiculairement. Ici, des habitants en petit nombre déambulent, mais ce n'est pas le plus surprenant. Après le poste de contrôle, je m'attendais à en croiser. Non, le plus impressionnant reste la vue incroyable.

Face à moi, aucun bâtiment ne me masque plus le paysage. A la place, une immensité infinie, étendue à perte de vue, jusqu'à l'horizon lointain. Et partout, de l'eau en abondance, une étendue maritime dont rien ne vient jamais briser l'onde calme.

Je suis face à un océan sans fin qui commence depuis ce quai et s'étend partout où porte mon regard. Le spectacle est suffisamment surprenant pour me réconforter. Il existe autre chose que cette ville confinée où tout est fait pour oppresser.

Je m'approche alors du quai et veille à rester loin des passants. Je ne tiens pas à attirer l'attention avec ma tenue. Par chance, le nombre réduit des bonnes gens facilite ma progression. D'ailleurs, ils ne regardent pas leurs voisins. Ils avancent tête baissée, la démarche rapide, comme pressés. Ça m'arrange.

Je m'arrête près du parapet et pose mes mains dessus. Je penche la tête vers l'eau. En contrebas, aucune plage n'accueille le moindre touriste. En vérité, le niveau de l'eau stagne d'ailleurs bien plus bas que ce quai. Par conséquent, ce n'en est pas un quai, mais une promenade.

En étudiant de plus près le point de contact entre l'eau et la terre ferme, une idée germe dans mon esprit. Le mur plonge verticalement dans l'eau et disparait rapidement dans les profondeurs, à plusieurs mètres de là. Pourtant, ce n'est pas le plus surprenant. Quand j'examine les flots, je remarque des vagues induites par un déplacement. Attention, la mer ne se déplace pas ; mais nous avançons parmi les flots de manière à dessiner un courant et de l'écume. L'évidence me saute alors au visage : nous sommes sur un navire !

Je penche alors mon regard sur la gauche et la droite. Le même constat s'impose. La coque d'un immense navire s'étend sur des centaines de mètres. Jusqu'où ? Je ne peux pas savoir. Le Soleil rend l'acier éblouissant sur les longues distances. Je sais seulement que cette cité flottante et capable de naviguer est d'une taille prodigieuse. Plusieurs kilomètres ne me surprendraient pas.

Je me retourne et incline la tête de façon à appréhender la hauteur des structures proches. Ici, ça n'a rien à voir avec la ruelle sans fenêtre. Ici, des ouvertures de la taille de hublots apparaissent dans les hautes murailles d'acier. Elles délimitent certainement autant de cabines, bureaux, logements et autres pièces d'une taille homologuée et identique à sa voisine. Partout où porte mon regard, tout souffre de la même standardisation. Tout est fait pour présenter une même apparence.

Je ne vois d'ailleurs personne aux hublots, en pleine contemplation du large. L'ouverture doit se révéler trop petite ou l'accès au hublot trop compliqué pour pousser les habitants à cela.

Un haut-parleur proche se met soudainement à grésiller et me fait sursauter. D'une voix féminine mais robotique, il diffuse un probable message répétitif.

— Les Armateurs vous rappellent que la contemplation est une perte de temps. Travaillez au bon fonctionnement de votre ville et assurez la survie de la communauté. Rendez-vous utile pour rendre utile votre existence.

Si ces mots ne sont pas les témoins d'un régime dictatorial, je ne m'y connais pas. Je me trouve sur un immense navire, une île flottante plus étendue que le plus grand des paquebots de tous les temps. Je me situe dans un quartier d'habitations, pas le plus luxueux à en juger par les équipements, la décoration des rues et la taille des hublots. Ici comme ailleurs, je n'en doute pas, les habitants riches ou décisionnaires possèdent des conditions de vie plus avantageuses. Toutes les civilisations fonctionnent pareillement.

Le haut-parleur a débité son discours sur le ton de la monotonie, sans présenter un réel intérêt pour les passants. Aucun n'a semblé réagir. Ils doivent entendre ça tous les jours. Les pauvres...

Je concentre alors mon attention sur les dispositifs de surveillance. Il y en a beaucoup ! Au loin, je vois d'autres postes de contrôle, ils délimitent certainement les quartiers et régulent l'accès. Clairement, on ne peut pas aller partout sans les accréditations spécifiques !

Je remarque aussi des caméras de surveillance. Amovibles, à l'angle de vue circulaire, elles peuvent tout voir, tout scanner, tout repérer. Elles suivent d'ailleurs les passants à leur proximité. On n'est pas si libre que ça, ici, finalement ! Voilà une nouvelle forme de confinement, même à l'air libre !

Tout à coup, je remarque une caméra inquisitrice, qui me fixe de son objectif terne et sombre. A nouveau, je m'inquiète. Je suis dans de beaux draps si elle m'identifie, également si elle n'y parvient pas !

Et le drame survient.


A suivre dans le chapitre 13 : la traque.

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