Chapitre 38 : le réservoir

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Nous n'avons pas quinze mille solutions pour régler notre problème. Il faut virer la grille. Je me penche alors vers elle et l'étudie. Il s'agit d'un grillage de fer plutôt rudimentaire et simple dans sa conception. Clairement, cet endroit n'était pas destiné à l'accueil de prisonniers, mais devant l'urgence de la situation induite par notre capture, il fallait un endroit suffisamment isolé et assez grand pour nous y loger tous.

La grille est fixée au fond de la cuve avec des rivets rouillés. Peut-être peuvent-ils céder, l'idée ne me semble pas saugrenue. Je tente alors de forcer, je saisie le grillage et je tire. Ça grince légèrement et les boulons me donnent l'impression de résister, mais de ne pas pouvoir le faire durablement. Nous pourrions tester cette opportunité.

— F, rassemble tout le monde. Chacun va saisir une partie de la grille et tirer. En combinant nos forces, nous avons des chances de réussir à la faire céder.

F reste dubitatif.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Je lui montre les parois de la cuve.

— Déjà, notre environnement. Nous ne sommes pas dans une prison traditionnelle. Ensuite, la rouille des rivets. Ils ont été abîmés par l'eau qui remplit habituellement ce bassin. Avec nos efforts conjugués, nous pourrions libérer le passage.

Aussitôt, nous rameutons le groupe. Tous viennent : J, P, N, Ja, Nico, B et F, même le vieux Lionel caché dans son tonneau depuis belle lurette. Il est bien content de pouvoir retrouver la liberté. Avec Camille, nous travaillons côte à côte. Cette proximité nous renforce.

— Trois, deux, un, tirez !

A mon signal, nous tirons de toutes nos forces sur la grille. Elle grince, elle semble se tordre et jouer sur son support. Les rivets couinent. Par chance, le bruit n'est pas suffisant pour attirer l'attention de nos surveillants.

Peinant sous l'effort, je lève néanmoins les yeux dans leur direction. J'ai bien reconnu leur uniforme. Il s'agit des zélés Militants. Je n'ai aucun doute : s'ils découvrent notre tentative de fuite, nous allons passer un sale quart d'heure.

Brusquement, la grille finit par céder. Elle nous fait tous tomber en arrière. La réception sur les fesses est douloureuse, mais bienvenue. Je me redresse, masse mon arrière-train puis m'approche de l'ouverture enfin disponible. Un tuyau lisse s'enfonce dans le sol et dessine rapidement un coude arrondi, vers notre unique chance de salut.

Je regarde alors mes amis et les interroge. Il va falloir se lancer vers l'inconnu et au-delà.

— Qui commence ? Qui passe en premier ? Un ou une volontaire ?

Je réalise l'idiotie de ma remarque. Etant hermaphrodites, ils sont à la fois homme et femme, selon les besoins et le moment.

— Personne ?

Ils rechignent à se lancer. Je prends alors les devants.

— Très bien. Je vais le faire. Suivez-moi de près, nous n'avons aucun intérêt à rester ici.

Lionel y va de son commentaire expérimenté.

— Oui, les Armateurs aiment maîtriser les choses. Ils comptent souvent les effectifs. Les Militants doivent avoir pour consigne de nous comptabiliser fréquemment. Ils remarqueront vite si l'un de nous manque à l'appel.

Puis, sans hésitation, je m'assieds au bord du puits et m'élance. Je pousse sur mes cuisses et je glisse contre la paroi. Je fonce alors le long du tunnel lisse et presque vertical, les bras ramenés en croix contre mon torse. Au virage, la direction change mais le voyage reste le même. J'ai la sinistre impression d'être en confinement dans un cercueil.

Dans mon dos, j'entends Camille m'imiter, puis tout le groupe.

La glissade dure une demi-minute durant laquelle le vent siffle à mes oreilles et l'obscurité la plus totale coupe ma vision. Puis, je finis pas plonger dans un réservoir rempli d'eau. Le liquide est sombre et froid, mais ce n'est pas le plus grave danger. Je ne peux plus respirer !

Par chance, Camille mesuit de près et m'attrape dans ses bras. Comprenant ma vulnérabilité, Camille posesa bouche contre la mienne et utilise ses branchies. Camille pompe de l'air etl'injecte une fois sur deux vers moi, sans même passer par ses poumons. Camilleme permet ainsi de survivre. Néanmoins, il va falloir trouver une sortie àcette citerne remplie à ras-bord.


A suivre dans le chapitre 39 : case départ.

Les ConfinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant