J'ouvre la porte discrètement mais elle grince et je ne m'y attendais pas. Dans la pièce, la lumière est tamisée. Ma cible travaille à son pupitre, le visage penché sur des feuilles. Une lampe de bureau éclaire le plateau.
Il entend mon entrée mais ne lève pas la tête, concentré sur sa tâche.
— Vous avez oublié quelque chose ?
Je ne réponds pas, me dirige vers lui et sors mon arme.
— Je vous ai posé une question !
Il lève les yeux et se fige quand je sors de la pénombre et pointe le canon de mon arme sur lui. Il n'en mène pas large et pleurniche aussitôt.
— Non ! Ne me faites pas de mal ! Je n'y suis pour rien !
— Je ne vous ai pas encore accusé...
Il lèvre les mains et se protège la tête.
— Je ne fais qu'obéir aux ordres. Ce n'est pas de ma faute s'ils sont morts au cours de la trépanation !
— Et à quoi vous sert une trépanation en cas de contamination par un virus.
Il ricane et abaisse un peu sa garde.
— On voit bien que vous n'êtes pas scientifique...
— Vous allez baisser d'un ton.
Je le frappe avec la crosse. Il pousse un cri de stupeur puis se protège.
— Voilà. Vous serez plus coopératif, comme ça.
— S'il vous plait, ne me faites pas de mal ! Je vais vous dire tout ce que vous voulez savoir !
Je tire une chaise et m'installe face à lui, mon arme pointée bien en évidence.
— Parfait. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de virus ?
Je détaille un peu le docteur. Il semble avoir une soixantaine d'années. Par ailleurs, il néglige son apparence. La barbe salle, les cheveux longs, il semble consacrer davantage d'énergie à ses recherches qu'à son image. Il a l'apparence du chercheur fou.
— Tout a commencé il y a plusieurs années. Le navire AIR-PET-CET a signalé des cas à son bord. Quelques individus montraient les signes d'une contamination par virus. Ils ont alors placé l'ensemble du navire en confinement afin d'enrayer l'épidémie, mais ça n'a pas suffi. Apparemment aléatoirement, des cas de contamination se manifestaient parmi la population. Les malades ne guérissaient jamais. Ils ont alors tenté l'exécution des cas mais ça n'a rien changé, l'épidémie poursuivait sa progression.
— Quelle horreur...
— D'autres navires ont ensuite signalé des cas. Ils se sont isolés à leur tour. Pourtant, ça ne semblait jamais suffire. De nouveaux pas apparaissaient toujours, de plus en plus loin du foyer initial de contamination. Notre premier cas a été identifié il y a des années. Je travaille sur le sujet depuis cette époque.
Je repense à l'individu décortiqué dans la salle de chirurgie.
— Est-ce vraiment une épidémie due à un virus ?
— Il semblerait bien. L'origine a été identifiée : un pêcheur saltimbanque possédait un oustiti apprivoisé. Un jour où l'animal a été particulièrement espiègle, il l'a jeté de rage dans le bassin de ses axolotl. Nous ne savons pas exactement quelle a été la relation entre ses deux animaux. En tout cas, quand l'humain a repêché son oustiti, il a été contaminé par un virus, probablement suite à un saut d'espèce.
— On guérit des virus. Il suffit de prendre des antiviraux.
— Pas dans ce cas.
— Et pourquoi ça ?
— Le virus entraîne des mutations radicales chez son hôte. Elles sont irréversibles.
— C'est-à-dire ? Quels sont les symptômes ?
— Des branchies apparaissent sur le corps des contaminés.
Je n'en crois pas mes oreilles. Ces mutations génétiques font tellement peur aux autorités qu'elles ordonnent partout l'isolement de la population. Je comprends un peu mieux mon enfermement. J'ai probablement dû me révolter contre cette injustice. Hors de question de laisser de pauvres victimes payer pour quelque chose d'incontrôlable. Je dois néanmoins en apprendre un peu plus.
— Et ces contaminés... Ils meurent rapidement ensuite ?
La réponse est encore plus horrible. Raoul et ses sbires perdent toute crédibilité.
— Non, justement. Ils vivent très bien. Dans un monde tel que le nôtre, j'ose même dire qu'ils vivent mieux que nous.
Quelle atrocité. Ma décision est prise. Je ne peux pas savoir et ne rien faire. Je dois passer à l'action.
Je dois libérer lescobayes.
A suivre dans le chapitre 27 : une menace et un accord.
VOUS LISEZ
Les Confinés
Teen FictionEn cette période de confinement, n'oublions pas que la situation pourrait être pire. Cette histoire visera à nous le rappeler sur le ton de l'humour et de la légèreté, à travers un récit haut en couleurs destiné en premier lieu à un public adolescen...