Chapitre 42 : à deux doigts de partir

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J prend les commandes et commence à écarter l'aviso du quai. Près de lui, je surveille, je guette les réactions du voisinage. Au poste de commandement, quelques opérateurs lèvent les yeux vers notre manœuvre.

Je les pense intrigués, surpris par notre départ, puis l'un d'eux agite sa main comme pour nous souhaiter bonne navigation. Le soulagement s'empare alors de moi. Aucun problème à l'horizon. Il s'agit d'un geste de routine. J'y réponds et laisse J se concentrer sur son pilotage.

Pour sortir du débarcadère, le passage est étroit mais J négocie cela de main de maître. Je vois J se concentrer sur les commandes et jongler entre les touches, boutons et autres manettes. On dirait que J a fait ça toute sa vie.

— Tu t'en sors bien, J.

J m'adresse alors un clin d'œil.

— Naviguer c'est comme diriger une barque. Ça demande de la précision dans les doigts.

Je fronce les sourcils.

— Une barque, c'est un bateau. Et quand on navigue, on dirige un bateau. Ça veut dire la même chose, J.

J cligne à nouveau de l'œil.

— Possible. Mais ce n'est pas pareil.

Je secoue la tête.

— Tu es quelqu'un de spécial, n'est-ce pas ? Etrange, mais sympathique, dans le fond.

Encore une fois, J m'adresse un clin d'œil.

— C'est bien possible.

— Tu as une poussière dans l'œil ?

— Non, pourquoi ?

— Laisse tomber.

Je laisse J en paix pour la navigation. J sort de la zone portuaire réservée aux Armateurs puis dirige l'aviso vers la poupe de l'île flottante, en l'espèce la marina désaffectée et transformée en laboratoire pour le docteur Raoul.

En pensant justement à lui, J pose une question.

— On a investi le laboratoire du brave docteur maboul, mais où a t-il bien pu passer ?

Un flot d'hypothèses envahit mon esprit.

— Tu sais, tout est possible. Il a dû être retrouvé par les Patrouilleurs. C'est pour ça que les Armateurs ont lancé les Militants à notre poursuite. J'imagine qu'il est enfermé quelque part, puni pour son échec, en confinement comme nous avons pu l'être à notre époque. Peut-être qu'on lui a lavé le cerveau. Il est peut-être devenu aussi amnésique que moi.

— Je comprends. La route de la vie est souvent longue pour qui emprunte un chemin en relief. Tu as ton brevet de pilote marin ?

Je secoue la tête.

— Non.

J m'adresse alors un large sourire.

— Moi, je l'ai ! J'avais passé le diplôme avant ma mutation !

Je me gratte le front.

— Oui, c'est pour ça que tu es notre timonier et que j'ai demandé à ce que tu viennes pour sortir l'aviso du débarcadère des Armateurs. On met à profit des compétences.

J acquiesce mais n'ajoute rien. Nous naviguons alors le long de la coque. Nous sommes à deux doigts de partir d'ici et je sens mon cœur battre plus fort. Finalement, nous accostons à l'ancienne marina et tout le monde embarque. Le groupe a vu notre approche et s'est précipité dans notre direction, à l'extrémité d'un ponton, pour monter à bord. Il est temps de quitter ce gigantesque rafiot pour toujours !

L'aviso quitte alors lequai et s'éloigne rapidement de la coque du REM. Le paysage est alorsmagnifique, tant sur le plan émotionnel que visuel.


A suivre dans le chapitrez 43 : partir pour de bon.

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