Chapitre 15 : la vie à bord

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J'éprouve un certain sentiment d'apaisement. Une bonne nouvelle pour moi ? Pour changer !

— Quelle est cette bonne nouvelle ?

— Tu es entre de bonnes mains. Je connais Emmanuel parce qu'il a déjà permis d'autres évasions. Il a infiltré le corps judiciaire des Armateurs et peut ainsi agir de l'intérieur. Il offre la possibilité aux prisonniers politiques de sortir du système, avant leur exécution. Pour tout ça, il porte un nom d'emprunt.

Je tique.

— Un nom d'emprunt ?

— Oui. Il ne s'appelle pas vraiment Emmanuel. En fait, c'est le nom de l'un des Armateurs. Celui qui est venu te sauver s'appelle Jean Luc. Nous faisons partie de la résistance !

Je ne m'attendais pas à ça. D'accord, Emmanuel est en fait Jean Luc, et tout ce petit monde incarne la résistance contre les Armateurs.

— La résistance ?

— Oui. Une rébellion connue sous le nom de LUPOR.

Il m'agace un peu. Je dois lui tirer les vers du nez pour en apprendre un peu plus.

— Ça veut dire ?

— Ligue Universelle Pour Obtenir la Liberté. C'est un mouvement anti-confinement. Nous prônons la liberté pour tous. Les mesures visant à restreindre nos mouvements doivent cesser. Nous visons dans cette situation depuis toujours. C'est intolérable !

Je comprends : au moins depuis sa naissance, ou aussi loin qu'il se souvienne.

— J'étais donc en prison pour activisme politique ?

J'espère pouvoir en apprendre un peu plus sur moi.

— Ça, Alex, je ne saurais te dire. Je ne te connaissais pas avant de recevoir pour mission de te sortir de là. Mais notre cheffe pourra peut-être t'en dire davantage. La LUPOR connait beaucoup de choses car il compte de nombreux membres. Si tu veux, je peux t'emmener la rencontrer, mais pas tout de suite, on doit attendre le bon créneau pour passer entre les mailles du filet des patrouilleurs.

— D'accord. Rencontrons la cheffe de la LUPOR.

Je m'installe sur l'une des chaises disposées autour d'une petite table étroite. Il passe dans sa cuisine, revient avec une bouteille d'eau et deux verres et les remplit.

— Tu dois avoir soif avec cette fuite. En attendant notre départ, as-tu des questions ?

Bien sûr, des tonnes de questions m'assaillent, mais je sais aussi que je n'aurai pas le temps d'obtenir une réponse pour toutes. Je dois les sélectionner, opter pour les plus pressantes. Sinon, on y passera des jours.

— J'ai entendu parler d'un compte social. Qu'est-ce que c'est ?

Je vois son visage s'assombrir. Il parait même rapidement en colère mains contient sa rage.

— A la naissance, nous obtenons un quota de points de sociabilité. A notre majorité, nous pouvons le faire évoluer à la hausse ou à la baisse. Ça fait office de niveau social. Pour toute mauvaise action, nous perdons des points. Pour tout bon agissement, nous en gagnons. Quand nous atteignons un certain palier, nous pouvons changer de pont et accéder à des conditions de vie plus avantageuses. Ta capture, par exemple, permet de gagner suffisamment de point pour monter au pont supérieur. Parait qu'il y a de la végétation sur la promenade. Le manque de coopération, au contraire, fait perdre des points. On peut alors écoper de sanctions ou se voir remiser à fond de cale. C'est un système très cruel.

— C'est pour ça que j'étais en prison ?

— J'imagine que tu as dû perdre tous tes points. La sédition vide le compte social en une fois. Notre cheffe, en l'occurrence, perdrait tout d'un coup si elle était prise.

— Ce système est une véritable horreur.

— Oui. C'est comme si nous vivions constamment sous le joug d'un confinement mental. Nous ne sommes libres ni de nos mouvements, ni de nos actions. Et parfois, même pas libres de nos pensées. Nous devons rencontrer régulièrement un psy homologué par les Armateurs qui décortique notre mental et évalue notre conformité. C'est anxiogène !

— J'imagine bien.

— C'est pour ça que les gens sont très conformistes. Ils tiennent à garder la vie sauve, même écrasés sous le poids d'une dictature injuste.

— En même temps, il n'existe pas de dictature juste.

— Le sujet mériterait un débat, mais je vois que tu tiens déjà des propos très politiques !

Ça pourrait sans doute éclairer sur mon passé, à condition de pouvoir creuser le sujet.

— Il semblerait bien que j'ai un tempérament rebelle.

Il regarde sa montre et se lève d'un coup.

— Alex, assez discuté, l'heure est venue. Je vais te mener à notre cheffe. Nous ne devrions rien craindre, mais fais quand même preuve de discrétion sur le trajet. On ne sait jamais. Allez, suis-moi.

Il ouvre la porte de sa cabine, scrute le couloir où les patrouilleurs ne tarderont pas à mettre les pieds, puis me fait signe de le suivre.


A suivre dans le chapitre 16 : la planque de la rébellion.

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