Je cligne des yeux pour m'assurer de ne pas rêver. Non, je ne rêve pas. C'est bien un cauchemar qui se présente devant moi, un cauchemar pour quiconque rêve de liberté.
J'étudie la scène avec attention. Devant moi se dresse un barrage, mais pas n'importe quel barrage. Une petite ouverture se dessine dans un haut mur temporaire, fait de tôles d'acier. Soutenu par des pilonnes solides, il est surmonté d'une sorte de chemin de ronde où un homme en arme patrouille et monte la garde.
Au niveau de l'ouverture dans le mur, au niveau du sol, le passage est suffisamment large pour ne laisser passer qu'une personne à la fois. Celui-ci filtre les passages avec contrôle attentif de leur identité. J'y vois d'ailleurs un patrouilleur – un policier à en juger par son uniforme officiel – étudier scrupuleusement la carte d'un candidat sur son lecteur portable. Evidemment, je ne vais pas pouvoir me faufiler par là. Il me faut emprunter une autre voie.
Revenir en souterrain et choisir un autre chemin ? Je ne préfère pas. Quitte à être dehors, même sous le coup d'un confinement entre de hauts bâtiments étouffants, je préfère y rester. Ici, au moins, je peux voir le Soleil. Il brille d'ailleurs dans le ciel bleu.
Je lève ma tête vers lui, ferme les yeux et apprécie la sensation. Il ne parvient pas jusqu'à moi mais je sens malgré tout l'effet de ses rayons. Apriori, j'aime le Soleil. Voilà un autre de mes traits de caractère, j'imagine. Pourtant, je dois revenir à la réalité. Ma fuite n'est pas assurée, l'ascenseur va bientôt me signaler. Je dois poursuivre.
J'ouvre les yeux et mon regard est immédiatement attiré par un élément du décor. En hauteur, des margelles délimitent les niveaux des bâtiments latéraux sans fenêtre. Si je parvenais à escalader pour en atteindre une, je pourrais franchir le barrage en toute discrétion. Je ne sais pas si j'ai des talents dans le domaine, mais c'est l'occasion de tester.
J'avise un tuyau de gouttière qui plonge dans le sol d'acier. Si je peux monter par ce biais, je pourrais rejoindre la margelle. Je vérifie une nouvelle fois les deux patrouilleurs en poste. Celui qui contrôle est tout accaparé par sa tâche, les yeux rivés sur ses mains et la carte présentée sur son lecteur. Il lit un écran minuscule. L'autre observe la rue en contrebas et ne lève jamais la tête. Je peux tenter ma chance.
Je me précipite à pas mesurés vers le tuyau et m'en saisit. Puis, agrippant fermement la surface ferreuse, je pose mes pieds sur le mur et entreprend l'escalade. J'ai dû faire ce genre d'exercice par le passé car des habitudes semblent me revenir, des réflexes musculaires, et je peux monter avec une rapidité surprenante. Je ne me fatigue presque pas et chaque mouvement bénéficie d'une maîtrise parfaite. Je versais dans l'acrobatie ? Question intéressante.
Je progresse jusqu'au troisième étage. Cette hauteur me semble satisfaisante, surtout que je commence à fatiguer. Le but est de poursuivre, pas de tomber d'épuisement. Qui plus est, le risque de chute reste réel et je préfère me blesser plutôt que mourir, si ça arrive.
De là, je peux gagner la margelle. Je plaque mon dos contre le mur d'acier et avance lentement en décalant mes pieds latéralement. Je réalise mes premiers pas à plusieurs mètres du sol.
En passant au-dessus du poste de contrôle, je baisse les yeux vers les patrouilleurs. Ils ne regardent pas dans ma direction. J'en profite pour confirmer un soupçon : je ne souffre pas du vertige. Tant mieux. Inutile de s'encombrer de défauts particulièrement contraignants.
Je poursuis ma progression méthodique et m'éloigne du poste de contrôle. A une dizaine de mètres de là, j'entends soudainement une alarme s'enclencher. Je suis surpris, sursaute et manque de glisser mais mes réflexes me sauvent la vie. Je reprends mon souffle et mes esprits et me concentre davantage. Je tends ensuite l'oreille.
Une sirène distante retentit, au niveau des cabines d'ascenseurs. Je comprends alors. Je n'ai pas présenté ma carte d'identification dans les temps, alors le système a déclencher une alerte. Je vois alors les deux patrouilleurs se retourner dans cette direction. Je n'en espérais pas tant ! Celui posté sur le chemin de ronde ne regarde plus du tout la rue et braque son arme vers les ascenseurs. Voilà une opportunité à saisir !
Je gagne en quelques secondes un tuyau d'évacuation d'eau des gouttières et me laisse glisser jusqu'en bas. Puis, une fois au sol, je m'élance vers la suite sans demander mon reste. Personne n'a remarqué ma présence. La ruelle est toujours aussi déserte et la vue bloquée par d'autres bâtiments sans fenêtre. Leur hauteur est étrangement uniforme. Le sentiment d'oppression est omniprésent dans cette ville !
Un dernier virage me permet de perdre de vue le poste de contrôle. Je suis tranquille de ce côté-là ! Il ne me reste plus qu'à poursuivre et œuvrer en discrétion. Devant moi, la ruelle se termine soudainement par une vue à couper le souffle. Je me fige, en plein émoi. Je ne m'attends pas à ça !
Devant mes yeux se dresse un paysage unique et exceptionnel...
A suivre dans le chapitre 12 : la promenade.
VOUS LISEZ
Les Confinés
Teen FictionEn cette période de confinement, n'oublions pas que la situation pourrait être pire. Cette histoire visera à nous le rappeler sur le ton de l'humour et de la légèreté, à travers un récit haut en couleurs destiné en premier lieu à un public adolescen...