Ça y est ! J'ai fini mon cursus obligatoire à La Sorbonne. Trois ans c'est long mais ça en valait la peine. Maintenant il me reste plus qu'à attendre une réponse des 4 universités pour lesquelles j'ai postulé : Oxford, Diderot, Leicester et ma cible première, Hindoustani University en Inde. On me demande souvent : « Pourquoi en Inde ? »
Si seulement il savait. Je ne veux pas rester en France. J'y suis née, j'y ai grandi, toutes mes proches y vivent, des copines inexistantes y vivent aussi. La vérité est que j'aimerais voir le monde, voyager, découvrir de nouvelles cultures. Et ce n'est pas ici que je vais découvrir quoi que ce soit. Quoi que, si ce n'est pour découvrir Monsieur et Madame Delafourche en maillot de bain sur leur balcon à 9 heures du matin en pleine banlieue.
Non merci sans façon.
Pour moi le meilleur endroit, c'est l'Inde. Un tout nouveau pays, un tout nouveau paysage, un nouveau peuple. Toute ma vie tourne autour de ce pays. Je connais sur le bout de mes doigts leurs films, leur culture, leurs nourritures — une tuerie — et je parle leur langue comme si c'était ma langue maternelle.
Quelque chose que ma mère n'approuve pas vraiment.
Elle se plaint souvent que je ne parle pas notre langue en disant, je cite :— "Quand on te demande de parler comorien, il n'y a plus personne. Tu es là à apprendre "shihindi", tu n'as pas honte ? Tu vas parler indien avec ta grand-mère peut-être ?"
C'est dit crûment mais c'est véridique. Le seul point positif est que je comprends le comorien. Comme ça, s'il y a des tantines qui commèrent et que j'ai envie d'écouter, elles vont croire que je ne comprends pas alors que si. C'est de là que commencent les potins croustillants. Les comoriens méritent l'Award des commérages.
Enfin bref, ça ne m'a pas empêchée de prendre des cours d'Indien pour approfondir ce que je savais déjà. J'ai appris grâce aux séries sur YouTube et sur Internet. Franchement les Indiens, ils sont bons, parce qu'eux au moins mettent leurs épisodes sur YouTube un jour après sa diffusion sur leurs chaînes et en plus le tournage à lieu une semaine avant. Comme je disais, je veux voir le monde et pour ça, il faut que j'aie cette bourse sinon je sens qu'il y en a un qui n'attend que ce moment pour que je rate cette occasion de partir.
Qui ? Mon père, bien sûr.
Je pense qu'il n'y a pas pire situation que la mienne, étant donné que je suis la seule fille de la famille. Et par là, je veux dire : 2 grands frères de 30 et 25 ans et 2 petits frères de 17 ans et 3 ans et demi. Il veut me caser avec un comorien bien sûr. Un détail qui jusqu'ici me va bien. Mais à partir du moment où il ne parle pas français, il ne comprend même pas quand tu lui parles et n'a même pas les papiers ? Là je sèche.
L'amour, le mariage, ça n'a jamais été du tout mon truc. Avant de penser à tout ce baratin, j'aimerais avoir d'abord mon Master et un boulot. Papa m'a toujours chouchouté, j'étais sa petite princesse, il ne voulait même pas que j'aille à l'école juste parce qu'il voulait rester avec moi. Ça a continué jusqu'à maintenant. Il n'a pas voulu que j'aille à la Sorbonne parce que c'était beaucoup trop loin à son goût. Surtout qu'il n'approuve pas trop mon choix de métier.Par contre pour me trouver un mari, là, il n'a pas peur de me voir partir.
***Il y a 4 ans, fin juillet...
J'entendais crier dans la cuisine, je suis sortie de ma chambre pour voir ce qu'il se passait. Je n'ai même pas fini de poser mon pied dans cette cuisine que mon père m'interpella et me dit d'un ton presque accusateur :— Tu n'iras pas là-bas c'est loin. Tu as pensé à moi ? Ma seule et unique fille qui s'en va ? Il en est hors de question ! Ma fille qui ne connaît pas du tout Paris, toute seule et même pas de logement, pas de mari. Qui va s'occuper d'elle ? Je ne lui paierai pas d'appartement ! hurlait mon père.
— Qui t'a demandé de lui payer quoi que ce soit, elle habitera chez Farid avec Khadija et leur fils à Puteaux. C'est grand et Khadija n'attend que ça, c'est elle-même qui a proposé de la loger, intervient ma mère.Je l'aime ma belle-sœur d'un amour inconditionnel. Je n'ai jamais vraiment approuvé les choix pris par mon grand frère. En temps normal, il n'a vraiment pas de goût mais là, je lui tire mon chapeau. Khadija, je l'aime comme la grande sœur que je n'ai jamais eue. Elle est douce, prévenante, elle aime prendre soin de vous sans même vous le demander. Mais c'est une femme qui ne se laisse pas du tout faire. Elle a été capable de mener Farid par le bout du nez. Enfin quelqu'un qui a su le dompter.
— Mais ma chérie, elle n'a jamais quitté Le Mans, comment va-t-elle s'adapter ?
Non mais je rêve. Il me prend pour vraiment une imbécile dépaysée !
— Si tu ne la laisses pas partir, comment veux-tu qu'elle grandisse ? Qu'elle apprenne à se débrouiller seule ? Elle n'est plus une enfant, elle devient une femme et je veux qu'elle soit forte et dépendante de personne, dit ma mère avec beaucoup de fierté dans les yeux.
— Mais ..., protesta-t-il.
— Mais rien du tout, le coupa-t-elle, elle ira, point final, j'ai déjà lancé son inscription pour la licence de 3 ans. Et si tu l'ouvres, le canapé t'attend pour un bon moment. Juste pour te rappeler que dans 2 ans, on est censé déménager à La Réunion à cause de ton travail et que j'abandonne mes pauvres patients pour toi, Saïd.
— Tu l'envoies à l'autre bout de la France pour qu'elle devienne traductrice de livre quand même. Tra-duc-tri-ce ! Tu te rends compte ? Ce n'est même pas écrivain mais traductrice de livre, insista-t-il.Il veut me faire ou quoi ?
— Papa, qu'on soit bien clair, c'est mon choix, mon avenir, c'est moi qui serais payée. Je préfère mille fois un travail où je gagne peu mais qui me plaît et où je m'épanouis. Tu ne m'encourages même pas, tu me rabaisses. Ton métier c'est manager dans une filiale associative, c'était ton choix, ce que tu voulais faire. J'ai aussi le droit de choisir ce qui me plaît. Tu ne pourras pas toujours me couver comme un bébé. Je sais que tu m'aimes beaucoup, même plus que tes 3 autres fils, mais j'ai 18 ans, je viens d'avoir mon bac. Il faut bien que j'étudie. T'as encore un fils de 13 ans qui a encore besoin de toi. Alors s'il te plaît, fais un effort pour une fois, dis-je d'un trait sans respirer."
Fallait que sa sorte... Je remarque en vitesse le crissement de son poing quand je dis trois fils. Oui trois, et je ne compte pas celui que ma mère porte en ce moment dans son ventre.
Ma mère me regarda et m'à fait signe de sortir. Je sais qu'en ce moment dans sa tête, elle devait certainement être fière de moi, pour avoir défendu mes projets et mes rêves parce qu'elle sait que lorsque mon père veut m'imposer ses choix, je dis toujours oui même quand je n'en ai pas envie. Je ne veux pas le décevoir mais elle sait que parfois son mari exagère et qu'il ne faut pas hésiter à le remettre à sa place quand il dépasse certaines limites.
En tout cas, je sais qu'à un moment donné, il va finir par goûter le cuir du canapé. Faut pas contrarier ma mère surtout lorsqu'il s'agit de ses enfants. Dans notre famille, nous sommes à peu tous des personnes fières et très protectrices surtout elle ; c'est une mère après tout. Elle peut être très gentille mais peut devenir très dangereuse. Ne dépassez pas les bornes surtout si elle porte son turban bleu aux motifs africains qui signifie "discussions importantes" et son ventre arrondi, mon futur...petit frère. Encore. Il faut énormément de courage pour contredire une femme enceinte. Je sais ce que je dis.Je sais d'où vient mon caractère impulsif maintenant. Et ce caractère qui va me coûter très cher.
***
Et puis, dans ma vie et les événements à venir, ce ne sera pas tout.Me prendre une gifle pour la deuxième fois de ma vie par quelqu'un que je commençais à « estimer » ? Fait.
Avoir la situation la plus gênante devant un homme comme avoir sa période rouge ? Fait, Fait et Fait !!Qu'est-ce que la vie a bien pu prévoir pour moi ? Ah oui ! Me perdre au milieu de l'océan Indien.
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Naufragée, vraiment ?
Fanfiction« Je n'aurais jamais dû mettre les pieds dans cet aéroport de malheur. Non mais sérieusement. Il s'agissait de la chance de ma vie et la voilà qui part en fumée. Non, au vu de ma situation, qui se noie plutôt. Ce que je veux, moi, c'est savoir pour...