« – Qu'est-ce que tu viens faire ici ? demandai-je froidement.
– Et bien...j'ai appris pour ta mère. Alors je suis venu voir comment tu allais.
– Comme tu peux le voir je vais très bien, et je n'ai pas besoin de toi. »
Je me retourne, puis marche vers la cité, mais une main me retient. Cette poigne ferme contre mon épaule a fait sursauter mon cœur. J'ai imaginé ce contact tellement de fois, et maintenant que je l'obtiens, c'est encore plus douloureux de savoir que je ne l'aurais plus jamais. Car il repartira, encore...
« – Ne t'en vas pas Akenna.
– Pourquoi ?! hurlai-je en me tournant vers Poséidon et en dégageant sa main.
– Il faut qu'on parle.
– Parler ? Mais je n'ai aucune envie de te parler et encore moins de t'écouter. Parce que ta voix m'est étrangère et insupportable !
– Akenna...
– Tu n'as jamais été là ni pour moi ni pour maman ! Tu ne t'es même pas soucié de nous ! Alors qu'est-ce que tu fais là ?!
– Tu ne comprends pas Akenna.
– Si je comprends tout ! Je ne suis plus une enfant alors je sais parfaitement comment marche la vie. Tu as fait ton choix et tu es parti en laissant maman.
– Je le sais, et je le regrette.
– Tu n'as aucune excuse.
– Ta mère était d'accord !
– Tu mens !!
– Tu vas m'écouter maintenant ! »
Soudain je sens la terre trembler, comme si elle allait se fissurer à tout moment. Je fixe Poséidon, alors que j'entends sa respiration s'intensifier.
« – Tu crois que je suis indifférent à la mort de ta mère ? Évidemment que non. Je l'ai aimé comme je n'ai jamais aimé personne. Seulement j'ai dû repartir parce que j'avais des devoirs mais aussi parce que ta mère a dit que ça serait mieux pour toi. Elle voulait que tu mènes une existence normale jusqu'au jour où tu serais prête à prendre tes responsabilités.
– Mes responsabilités ?
– Oui. Ton devoir est de prendre ta place sur l'Olympe avec moi et le reste de ta famille.
– Ma place est ici.
– Ça c'est ce que tu crois. Mais en réalité tu es promise à un destin tellement plus glorieux qu'une vie simple de mortelle. Ta mère et moi avions prévu ça pour toi depuis le jour de ta naissance. Elle aurait voulu que tu viennes avec moi.
– Va-t'en. »
Je me retourne une nouvelle fois tout en croisant les bras. J'entends derrière moi Poséidon pousser un long soupir. Il se rapproche, puis murmure près de mon oreille :
« – Si jamais tu changes d'avis, ce qui sera très certainement le cas, il te suffira de plonger du haut de la falaise tout en serrant ce collier très fort.
– Quel collier ? »
Mais lorsque je me retourne, Poséidon a déjà disparu. Au sol, je distingue un objet qui ressemble à un collier. C'est lorsque je le prends que je comprends que c'est un médaillon, celui dont Poséidon m'a parlé. Une tête de cheval, l'un des symboles du dieu de la mer est placée au centre du médaillon. J'hésite entre le rendre à son propriétaire en le jetant à l'eau, ou bien le garder. Après tout ce n'est qu'un collier. Ce n'est pas parce que je le garde que je vais forcément accepter la proposition de Poséidon.
En rentrant chez moi, je me pose tout de même énormément de questions. Pourquoi ma mère ne m'a jamais dit les projets qu'elle préparait pour moi ? Que dois-je faire ? Est-ce que je dois respecter les volontés de ma mère et aller sur l'Olympe ? Mon père est-il sincère ? Ces questions me donnent mal à la tête. Je ne suis pas en état de réfléchir. Demain ça ira mieux et je pourrai étudier la question.
Je traverse les ruelles vides et calmes. Tous les habitants sont au festin sur la place. Cela me dégoûte de penser à ces gens qui s'amusent, boivent, rient et dansent alors que ma mère vient de mourir. Lorsque j'arrive devant chez moi, je vois un jeune homme, à peine éclairé par les torches qui me regarde, appuyé contre une charrue. Ses cheveux blonds en bataille tombent sur son front, alors que ses yeux bleus me transpercent telles des lames. Ses lèvres légèrement étirées dans un sourire séducteur appellent aux baisers. Il a une carrure de guerrier. On pourrait le confondre avec un dieu tellement cet être est physiquement parfait. Je ne l'ai jamais vu dans le coin.
Et puis pourquoi est-ce que je m'intéresse à cet étranger ?! Peut-être parce que son regard se fait trop insistant et que son sourire ravageur ne laisserait aucune femme indifférente. J'accélère le pas jusqu'à la maison, puis fais claquer précipitamment la porte comme s'il allait débarquer d'un moment à l'autre et pénétrer chez moi. J'ai l'impression d'avoir peur de tout et cela commence vraiment à devenir pénible. Je dois être épuisée à cause de cette journée plus qu'éprouvante. Je ferais mieux de dormir et de laisser surgir les souvenirs de ma mère. J'en ai assez de réfléchir et de m'inquiéter pour rien.
Je me dévêtis, puis m'allonge dans le lit de Galena, là où je peux encore humer son parfum si réconfortant. Malgré la fatigue, je n'arrive pas à fermer mes paupières. Des voix se font entendre de l'extérieur et cela me terrifie. Peut-être que c'est l'assassin de ma mère qui vient terminer le travail... J'ai l'impression d'être redevenue une petite fille craintive qui lorsqu'elle a fait un cauchemar vient se blottir contre sa mère pour y retrouver du réconfort. Seulement la mienne n'est plus là pour me protéger. Un nouveau sanglot m'échappe alors qu'un torrent de larmes tombe en cascade le long de mon visage jusqu'à en mouiller mon matelas. J'aimerais tellement que ma mère soit là, pour me consoler, me dire que ça va aller, sentir sa main caresser mes cheveux comme elle le faisait lorsque j'étais petite. Il y a tellement de choses que j'aurais voulu lui dire, lui demander. C'est souvent lorsqu'on perd un être cher qu'on ressent des regrets. On se dit « j'aurais dû... », mais il est déjà trop tard et on ne peut pas revenir en arrière pour réparer ces manques. La seule chose qu'on puisse faire pour se consoler est se remémorer les souvenirs heureux de cette personne ou de la retrouver en rêves pour lui confier tous nos regrets et nos craintes. Peut-être que cela m'arrivera cette nuit, c'est ce que j'espère.
Finalement la fatigue finit par l'emporter sur ma réflexion, et me plonge dans un profond sommeil, alors que les larmes continuent de couler abondamment.
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AKENNA-TOME 1-La Mortelle divine
ParanormalDans la Grèce antique, une jeune femme de sang-mêlé vit une existence simple de mortelle. Heureuse avec sa mère, mais se sentant néanmoins abandonnée par son père, Poséidon, elle pense rester parmi les Hommes toute sa vie. Seulement, la mort de sa...