« – Akenna !! »
Je me lève du banc où je suis assise, alors que la voix m'interpelant me rejoint. Hermès arrive, à bout de souffle, alors que des gouttes de sueur perlent de son front. Il a l'air totalement paniqué. Je cours vers lui, commençant à m'inquiéter.
« – Que se passe-t-il ? demandai-je une fois à sa hauteur.
– Un homme...il veut tuer sa famille...
– Quoi ?! Mais pourquoi veut-il faire cela ? »
Hermès est tellement essoufflé qu'il n'arrive même plus à parler. Je n'ai pas le temps d'attendre si on doit agir. Alors sans demander son autorisation, je pose ma main sur son front et me concentre sur ses pensées.
* Il veut tuer sa femme et ses deux enfants parce que son épouse veut le quitter et emmener les petits. L'homme est devenu complètement fou et veut les tuer tous les trois.*
« – Mais pourquoi viens-tu me voir moi ? demandai-je. »
* Parce que tu es la déesse de la réflexion, tu peux le faire changer d'avis. Tu es la seule à pouvoir aider cette famille Akenna. Je t'en prie, vas-y.*
« – Conduis-moi à eux tout de suite. »
Sans perdre de temps, je suis Hermès jusqu'à la falaise où il saute sans aucune hésitation. Mais moi, je ne suis pas aussi confiante que lui. On m'a peut-être attribuée le titre de déesse de la pensée, de la réflexion et du choix, mais je ne suis pas sûre d'être douée dans ce domaine. Savoir convaincre ou persuader quelqu'un afin qu'il ne tue pas sa famille, ce n'est peut-être pas pour moi. Mais si Hermès est venu me voir, c'est qu'il m'accorde sa confiance. Quant à la famille, elle compte sur moi. Parce que je suis la seule à pouvoir la sauver.
Une fois devant la maison, je vois l'homme en question, une torche à la main. Son regard est braqué vers l'une des fenêtres, où sa femme pleure, ainsi que ses enfants. Mais ce que je remarque surtout dans ses yeux, c'est de la folie, de la colère et de la souffrance. Convaincre ou persuader, voilà le dilemme auquel je vais devoir me plier. J'observe quelques instants l'homme, dont la respiration est puissante, les mains tremblantes, et le vêtement trempé de sueur. Cela prouve bien qu'il hésite malgré sa folie. Mais je sais très bien qu'elle finira par prendre le dessus. Alors, plus rien, ni personne ne pourra l'arrêter.
Je m'avance vers lui, doucement. Il ne faut surtout pas le brusquer, autrement il prendra peur et commettra l'acte irréparable. L'homme se tourne vers moi et pointe la torche dans ma direction. Soudain, nous entendons un hennissement puissant, venant du ciel. Les chevaux d'Hélios...
« – N'approche pas ! cria l'homme.
– D'accord, très bien. Je reste là où je suis. »
Je lève les mains en l'air, pour montrer que je ne suis pas armée. Mais visiblement, cela ne le rassure pas. Au contraire, son regard indique de la méfiance, de l'hostilité mais surtout de la peur.
« – Va-t'en, laisse-moi.
– Avec ce que tu t'apprêtes à faire, je ne puis accéder à ta requête.
– Ce n'est pourtant pas si compliqué. Tu fais demi-tour et tu pars fillette !
– Non. Car autrement je serais complice de ton meurtre.
– Et bien reste si tu le souhaites, mais je ne changerai pas d'avis.
– Pourquoi ? Que comptes-tu faire ?
– Les tuer.
– Tuer qui ?
– Ma femme et mes fils !!
– Ah, ta famille. Et pour qu'elles raisons commettre un acte aussi atroce ?
– Parce que c'est à cause de ma femme.
– Qu'a-t-elle fait ?
– Elle veut m'enlever mes enfants !!
– Mais pourquoi voudrait-elle faire cela ?
L'homme ne répond plus. Sans doute parce qu'il ne connaît pas les raisons de sa femme pour prétendre pouvoir garder ses enfants.
– Tu m'énerve avec tes questions, grogna-t-il.
– Très bien, comme tu veux. Plus de questions pour moi. Tu peux m'en poser à moi alors si tu le souhaites.
– Pourquoi devrais-je faire cela ? ria-t-il.
– Parce que je sais ce que c'est de perdre un être cher. On est en colère, triste, je dirai même brisé, voire anéanti. Veux-tu connaître cela en tuant ta propre famille ?
– Ils l'ont mérité.
– Admettons que ta femme oui. Mais tes enfants. Crois-tu que c'est en leur ôtant la vie que cela arrangera la situation ? Tu seras encore plus malheureux parce qu'on finit toujours par regretter ses actes. Tu les aimes, je le sens en toi. »
L'homme a l'air de réfléchir. Nous sommes passés dans la deuxième phase, la réflexion. Je m'avance un peu plus vers lui, alors que de nouvelles paroles me viennent à l'esprit.
« – Tu les aimes, et le fait de te dire que tu ne vas plus les voir te fait souffrir. Seulement tu ne dois pas laisser la colère prendre le dessus sur tes sentiments. N'oublie pas que tu les aime tous les trois malgré tout. Voilà pourquoi nous sommes là, maintenant, à cet endroit précis.
– Je...je ne veux pas les tuer. Pas mes enfants. Mais elle...
Il se retourne vers la fenêtre, où sa femme est toujours enfermée, plus apeurée que jamais.
– Elle ne survivra pas, dit l'homme.
– En privant tes enfants de leur mère, c'est comme si tu les tuais tout de même.
– Comment peux-tu savoir cela ?!
– Parce que j'ai perdu ma mère. Et je dois supporter le poids de ma tristesse tous les jours. Cauchemars, crises de nerf, regrets, voilà les maudits serpents qui me suivent tous les jours et m'étranglent. Tes enfants souffriront tout comme toi tu souffres. Il existe tellement d'autres solutions pour arranger cette situation.
– Comme quoi ?
– Le dialogue. La violence ne fait qu'effacer nos problèmes durant quelques secondes. Mais ils réapparaissent comme si rien ne s'était passé. Ils te poursuivront jusqu'à ta mort. »
Les jambes de l'homme tremblent comme une feuille, alors qu'il finit par se briser et éclater en sanglots. Tout en m'agenouillant à ses côtés, je fais signe à la famille de sortir de la maison et de partir. La mère emmène ses enfants à l'extérieur, suivis par des citadins. Je pose une main sur l'épaule de l'homme, alors qu'il laisse tomber la torche à terre, dont les flammes étouffent dans la poussière. Il a fait son choix, la troisième et dernière étape. Je soupire de soulagement, alors que des soldats emmènent l'homme. Il a peut-être fait le bon choix, mais il doit assumer les conséquences de ses actes. Il sera sans doute considéré comme individu ne possédant pas de libre arbitre, et sera emmené dans un asile pour l'aider à guérir. Du moins, c'est ce que j'espère...
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AKENNA-TOME 1-La Mortelle divine
ParanormalDans la Grèce antique, une jeune femme de sang-mêlé vit une existence simple de mortelle. Heureuse avec sa mère, mais se sentant néanmoins abandonnée par son père, Poséidon, elle pense rester parmi les Hommes toute sa vie. Seulement, la mort de sa...