Chapitre 1

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Tout le monde a entendu, au moins une fois dans sa vie les noms de Zeus, Poséidon, Hadès, Athéna ou encore Aphrodite. Certains affirment que ces dieux n'ont jamais existé, d'autres n'osent pas se prononcer, ou bien se posent des questions. L'existence des dieux de l'Olympe ne peut être prouvée par l'Histoire, mais par l'esprit. Nous sommes libres d'avoir nos propres pensées concernant ce sujet-là. Après tout, peut-être bien que mon histoire est elle-même une légende... Alors libre à vous de me croire ou non.

Je suis Akenna, fille de Galena et de Poséidon. Ma mère est une pêcheuse, tout comme moi d'ailleurs. Elle a rencontré mon père lors d'une tempête, alors qu'elle naviguait seule en pleine mer. Le vent puissant a fait chavirer le bateau et ma mère est tombée à l'eau. Mais le dieu de la mer et des océans a sauvé Galena et l'a ramenée seine et sauve sur le rivage. Ils sont tombés amoureux à l'instant même où ils se sont vus. Quelques mois plus tard, je suis née mais Poséidon a dû repartir pour l'Olympe. Galena m'a donc élevée seule. Je n'ai jamais pu voir mon père, mais je sais qu'il veille sur moi depuis l'Olympe. Je le sens au fond de moi. Il m'arrive de rêver de lui, où nous sommes assis tous les deux, au bord d'une falaise, face à la mer. Alors le matin, à mon réveil je gravis la colline et m'installe, les pieds dans le vide, sur cette falaise que je vois dans mes rêves, espérant apercevoir mon père. Mais à chaque fois, c'est ma mère qui vient de chercher car je suis restée trop longtemps loin d'elle. Galena est la personne la plus douce, la plus compréhensive, mais aussi la mère la plus aimante au monde. J'ai tout d'elle. Ses longs cheveux blonds, ses yeux bleus océan, son sourire chaleureux, sa joie de vivre et son courage.

Je suis heureuse de vivre avec elle, et je resterai à ses côtés toute ma vie. C'est ce que je lui ai promis. Pourtant je suis une sang-mêlé, je devrais monter sur l'Olympe avec mon père, mais je préfère avoir une vie de mortelle et la passer avec ma mère, plutôt que de vivre éternellement mais de devoir la quitter. Car Galena est avant tout ma génitrice, mais également ma meilleure amie. Elle m'a transmise tout son savoir, ses secrets, et sa passion pour l'océan. Je n'imagine pas ma vie sans Galena, car elle est tout ce qui compte pour moi. Sans elle, je ne saurais pas où aller ni quoi faire.

Je sors la tête de l'eau, tirée de mes pensées par la chaleur accablante que le soleil procure sur mon visage. Visiblement Hélios, le dieu du soleil est bien trop près de la Terre. Je plonge sous l'eau pour sentir une dernière fois la fraicheur des gouttes d'eau salées sur mon visage et m'isoler là où aucun son extérieur ne passe. Je finis par nager jusqu'au rivage et enfile ma robe. D'après la hauteur du soleil, il doit être plus de dix-sept heures, ma mère va s'inquiéter. Je me tourne une dernière fois vers la mer, alors qu'un léger sourire se dessine sur mes lèvres, je prononce d'une voix presque inaudible :

« – À bientôt père... »

Sur ce, je remonte la plage et marche jusqu'à chez moi. La cité de Pylos est remplie de marchands qui chantent tout la journée pour attirer des clients. Je traverse l'allée, qui est toujours bondée de monde, puis arrive enfin devant ma maison. J'ouvre la porte et la referme aussitôt, avant de pousser un soupir d'agacement.

« – La ville est toujours aussi bondée hein ? ria ma mère en voyant ma réaction.

– Ces marchands ne partiront donc jamais.

– Ils sont près de la mer...

– Mais complètement à l'ouest, alors que toutes les richesses se situent plus vers l'est.

– Ils restent près de Sparte. Ce sont des bons acheteurs.

– Surtout des bons consommateurs. »

Ma mère se met à rire face à mon agacement. Je m'installe à table et croise les bras. Galena vient s'asseoir juste en face de moi et me prend les mains.

« – Il faut que tu te fasses à l'idée qu'il ne viendra pas Akenna.

– Qu'est-ce que tu en sais ?

– Je sais que ton père a des responsabilités et qu'il doit faire des sacrifices.

– Il a eu le choix, et il est reparti au lieu de rester avec nous.

– Je pourrais dire la même chose de toi.

– Comment ça ?

– En tant que fille d'un dieu ton devoir est d'être à leurs côtés.

– Et bien moi j'ai choisi ma famille !

– Tout comme lui. »

Je pousse un nouveau soupir. Sur ce coup-là, ma mère n'a pas tord. Mais je n'arrive pas à me faire à l'idée que je ne le verrai sans doute jamais.

« – Si jamais...il te proposait de venir vivre avec lui sur l'Olympe, que répondrais-tu ?

– Maman...

– Réponds-moi.

– Je resterai avec toi sans hésiter une seule seconde. »

Galena hoche la tête, alors qu'un léger sourire lui échappe. En me posant cette question, elle a dévoilé sa plus grande crainte, celle de me voir partir. Mais pourquoi devrais-je la quitter pour vivre dans un monde que je ne connais pas, et avec un père qui n'a jamais été là pour moi ? Poséidon a fait son choix, et moi j'ai fait le mien. Peu m'importe ce que les autres peuvent penser. Si les habitants de Pylos savaient qui j'étais, ils m'auraient sûrement déjà dit :

« – Je ne te comprends pas Akenna. Tu pourrais être une déesse et vivre dans le luxe jusqu'à la fin des temps ! Mais au lieu de cela tu préfères rester parmi les mortels et pêcher du poisson toute ta vie. Tu es vraiment idiote de laisser passer une telle chance. »

Peut-être que je ne vivrai pas dans la richesse, avec des pouvoirs et tout ce dont un être humain peut rêver, mais moi au moins je serai avec une personne que j'aime vraiment. Je me trouverai dans un endroit apaisant, que j'ai toujours connu, avec ma mère. Et si je dois rester pêcheuse tout le reste de ma misérable vie, alors tant pis.

Je lève le regard vers ma mère, qui ne me quitte pas des yeux. Ses mains sont toujours liées aux miennes alors qu'elle me sourit tendrement.

« – Tu sais Akenna, un jour nous devrons être séparées par la mort.

– Bien sûr que non, car je te suivrai où que tu ailles, même dans le Tartare s'il le fallait.

Galena lâche l'une de mes mains et caresse ma joue comme elle le faisait lorsque j'étais petite.

– Tu me ressembles peut-être beaucoup à l'extérieur, mais intérieurement, tu es bien comme ton père. Tu as son courage et tu es aussi obstinée qu'il l'était lorsque je l'ai rencontré. »

Elle a raison, je suis obstinée à vouloir vivre avec elle jusqu'à la fin de ma vie. Et elle ne pourra pas m'empêcher de la rejoindre dans la mort si elle finissait par l'emporter. Je n'ai pas peur de voir Hadès ou Charon.

« – Akenna, promets-moi une chose...

– Laquelle ?

– Quoi qu'il puisse m'arriver, je veux que tu vives.

– Mais...

– Promets-le-moi !

– D'accord, je te le jure devant les dieux. »

Il ne me reste plus qu'à espérer que ma mère devienne immortelle...

AKENNA-TOME 1-La Mortelle divineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant