Chapitre 19

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« – Je te préviens Artémis ! s'énerva Hélios en pointant la déesse du doigt. Si jamais tu la blesses avec une de tes flèches, je te plante ma lance en plein cœur et je te fais faire le tour de la Grèce à la place du soleil !

– Oh c'est bon, je sais ce que je fais quand même. Je te la ramène en vie, je te le promets. »

Malgré les paroles d'Artémis, Hélios ne me laisse pas partir. Je reste toujours prisonnière de ses bras, alors qu'il ne me quitte plus des yeux. Je prends son visage entre mes mains et lui dis en souriant :

« – Tout ira bien. Après tout n'est-elle pas la déesse de la chasse ? Personne ne sait manier l'arc mieux qu'elle.

– Peut-être. Mais j'aurais préféré que tu passes la journée avec moi...

– Demain je te laisserai me kidnapper de nouveau sur ton char. Et nous ferons le tour de la Grèce suivis par le soleil.

– Lui aussi est amoureux de toi déesse, murmura Hélios en se rapprochant dangereusement de mes lèvres.

– Mais moi je n'aime qu'un seul dieu.

– Ah oui ? Lequel ?

– Hum...laisse-moi réfléchir...

– Tu as intérêt de dire que c'est moi sinon tu restes ici.

– C'est ce qu'on va voir. »

Je le pousse et cours vers la grille. Atémis est déjà en bas, et doit m'attendre. Je me retourne sans pour autant m'arrêter, et me mets à rire aux éclats lorsque je vois qu'Hélios me poursuit. Je plonge dans le vide sans réfléchir, et juste avant de disparaître dans les nuages, j'entends Hélios crier :

« – Déesse de la tricherie oui !! »

J'éclate de rire de nouveau, alors que je brave la force du vent. Mes ailes se déploient, et mes plumes me chatouillent la peau. Me voilà métamorphosée en moineau. Artémis m'attend, son arc sur l'épaule. Elle m'observe, sous mon apparence d'origine.

« – Je pourrais te tuer sale petit volatile, sourit la déesse.

– Le soleil te ferait cuire sur place petite chasseresse, dis-je après avoir repris mon apparence normale.

Artémis rit aux éclats et m'indique la forêt.

– C'est ici qu'on va aller. J'ai un territoire qui m'est spécialement dédié. On sera tranquille. »

Je la suis, alors qu'on s'enfonce de plus en plus profondément dans la forêt. Les rayons du soleil ne peuvent plus passer. Seuls quelques éclaircissements arrivent à se frayer un chemin parmi les épicéas. Je comprends mieux à présent pourquoi c'est le domaine d'Artémis. L'épicéa est l'arbre dédié à la déesse. Il est aussi l'arbre des naissances.

« – Tu sais bien que je n'aime pas trop la chasse...dis-je à mon amie qui a l'air déjà concentrée.

– Oh il n'y a rien de mal à faire ça. On les mange ces animaux, et puis je fais toujours attention à ce que je chasse pour respecter l'équilibre de la nature.

– Comment ça ?

– C'est pourtant facile à comprendre. S'il y a trop de perdrix, comme aujourd'hui, et bien j'en tue une ou deux comme ça l'équilibre est rétabli.

– Je ne suis toujours pas convaincue.

– Et bien moi je sais ce que je fais. »

Soudain Artémis me pousse derrière un buisson. J'allais me plaindre, mais elle place une main sur ma bouche pour m'empêcher de parler. Elle montre une famille de perdrix grise qui se balade dans l'herbe. Artémis garde son regard fixé sur les volatiles et sort son arc de sur son épaule. Elle retire une flèche du carquois, puis la place sur l'arc. Tout en tirant sur la corde, je la vois fermer son œil directeur et tendre son bras gauche. Un grand silence s'installe, hormis la respiration d'Artémis, qui est lente et régulière. Je ne l'ai jamais vue aussi concentrée qu'à cet instant.

Soudain elle décoche la flèche, qui part instantanément et vient toucher la perdrix qui tombe au sol, alors que les autres s'envolent. Mais Artémis ne s'arrête pas là. Elle se remet droite et décoche une nouvelle flèche sans que je n'aie pu la voir se préparer. Je ne quitte plus des yeux la seconde perdrix touchée durant son vol, qui tombe bien plus loin.

« – Ce n'est pas vrai, râla Artémis je l'ai perdue de vue. La branche me gâchait la vision.

– Heureusement que je suis là, autrement la Grande déesse de la chasse perdrait sa renommée.

– C'est ça moque-toi, et bien vas donc la chercher !

– Avec plaisir. »

Je ris, alors que je m'élance à travers les arbres pour retrouver la perdrix perdue. Je me sens toute petite à côté de ces majestueux épicéas. Un rayon me caresse le visage à mon passage et cela me fait sourire. Malheureusement Hélios ne peut pas me voir. J'aurais été plus rassurée si je le savais près de moi. J'entends de l'eau couler, signe que je me rapproche d'une cascade. J'espère que la perdrix n'est pas tombée dans un endroit inaccessible.

Soudain je plisse les yeux en voyant quelque chose un peu plus loin. On dirait une personne. Que fait-elle sur le territoire d'Artémis ? Je me rapproche, non sans méfiance et me racle la gorge pour attirer l'attention de la personne. Celle-ci se rend compte de ma présence et se tourne vers moi, tout en restant accroupie. C'est un jeune homme qui doit avoir deux ans de plus que moi. Quelques mèches de ses cheveux bruns tombent sur son front, alors que ses yeux noisette me scrutent, comme s'il cherchait quelque chose sur moi.

« – Tu n'as pas le droit d'être ici, dis-je.

– Ah oui ? Et pourquoi cela ?

– Tu es sur le domaine de la déesse Artémis.

– Je pourrais en dire de même pour toi, ria le jeune homme.

Il se relève et s'essuie les mains sur son chiton et me fixe d'une manière hostile.

– J'ai parfaitement le droit d'être ici, me défendis-je.

– Ah oui ? Tu as obtenu son autorisation peut-être ? ria-t-il. »

Les moqueries de cet homme prouvent qu'il ne sait pas qui je suis, et c'est mieux ainsi. Je baisse les yeux pour regarder ce qu'il faisait. Il posait des pièges.

« – Retire ces pièges tout de suite, dictai-je.

– Je n'ai pas à obéir à une enfant pourrie gâtée.

– Comment ?!

– Tu m'as très bien entendue. Ne fais pas ta maligne juste parce que ton père gagne assez d'argent.

– Tu ne sais rien de moi !

– J'en vois assez pour dire que tu es la petite fifille à ton papa. »

Je lance mon regard le plus noir que je puisse donner, alors que le jeune homme se contente de lancer un sourire fier. Si ça ne tenait qu'à moi je l'aurais déjà transformé en pierre. Mais ce n'est qu'un orgueilleux et un prétentieux.

« – Ne m'appelle pas comme ça.

– Alors comment dois-je vous nommer votre majesté ?

– Dis-moi d'abord ton nom.

– À vos ordres votre majesté, ria le jeune homme en imitant une révérence. Mon nom est Ectellion.

Je fais demi-tour et me retire sans répondre, alors que cet Ectellion me lance :

« – Lorsqu'on se reverra, tu me diras ton nom ! »

J'espère ne jamais recroiser cet être insupportable. 

AKENNA-TOME 1-La Mortelle divineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant