Chapitre 41

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Mes membres me font mal, à force de se crisper. J'ai tellement peur de ce qu'il va se passer ensuite. Je me repose la même question. Que vais-je faire ? Une chose est sûre, ce n'est pas en restant perchée dans cet arbre que j'arriverai à réfléchir. Je n'ai pas peur pour moi, mais pour l'enfant que je porte. Il a suffi d'une seule fois, pour que ce petit être apparaisse. Cet enfant représente le lien qui existe entre moi et Ectellion. Les sanglots que je contiens depuis tout à l'heure restent bloqués dans ma gorge. Ce n'est qu'après avoir poussé un cri de douleur, qu'ils surgissent.

Je pleure depuis des heures, adossée contre le tronc de l'arbre, la perte d'Ectellion. Je hais Hélios encore plus pour cela. Il m'a pris mon bonheur, encore une fois. Il ne m'en reste plus qu'un, mais qui n'est même pas de la taille d'une graine. Cet enfant est la seule chose qu'il me reste dans ce monde. Je veux le protéger d'Hélios, qui je suis certaine, me l'enlèvera à la première occasion.

Soudain je sens une main sur mon épaule, et quelqu'un me prendre dans ses bras. Je me retourne brusquement, et constate qu'il s'agit d'une déesse, d'une personne que je pensais ne jamais revoir.

« – Athéna ?

– Artémis a entendu ton appel. Apollon était avec elle, il aurait tout de suite compris qu'elle venait pour toi. Alors je suis descendue à sa place. »

Je me jette dans ses bras, et pleure du plus profond de mes entrailles, les larmes qu'il me reste à déverser. La déesse de la sagesse me serre fort contre elle.

« – Ton enfant Akenna, tu dois le protéger.

– Je le sais...

– Il faut que tu partes d'ici, Hélios te cherche partout.

– Oui, mais où ?

– J'ai déjà tout prévu. Tu vas partir à Athènes. Là je pourrai continuer de veiller sur toi, et sur l'enfant. »

Je hoche la tête. Elle a raison, je ne peux pas rester ici. Maintenant qu'Hélios sait que j'habite à Larissa, il ne me lâchera pas. Il ne doit jamais me retrouver, sous aucun prétexte. Autrement la vie de mon enfant serait en danger...

« – Qu'as-tu prévu ? demandai-je.

– Le roi et la reine de la cité sont des personnes de confiance. Ils t'aideront, j'en suis convaincue.

– D'accord. Mais, comment y aller ? Hélios est le soleil, il me retrouvera facilement.

– C'est un risque à prendre. De toute manière, tu n'as pas vraiment le choix. Pour le voyage, il vaudrait mieux passer par la mer. Cela fera un détour plus long, mais Hélios aura beaucoup moins de chance de te retrouver ainsi.

– Et puis mon père veillera sur moi...

– Exactement. Mais il faut partir vite.

– Je vais m'en aller tout de suite.

– Il vaut mieux oui. Quelqu'un t'attend sur la grande place de la cité. Il t'escortera jusqu'à la côte et là, tu prendras un bateau. Les hommes te conduiront jusqu'à ma cité.

– Merci Athéna.

– Nous continuons de veiller sur toi, quoi qu'il arrive. »

Je prends mon amie dans mes bras, puis traverse la forêt en courant pour rejoindre la grande place de Larissa. J'ai bien l'intention de prendre ma vie en main. C'est ce qu'auraient voulu ma mère et Ectellion. À présent, je suis prête à tout pour protéger mon enfant, veiller à ce que rien, ni personne, ne lui fasse jamais de mal. Je ne peux plus rien faire contre un dieu, en particuliers lorsqu'il s'agit d'Hélios. Mais il m'est toujours possible de lui échapper, si je réussis à atteindre Athènes.

J'arrive sur la grande place, où là je cherche l'homme en question des yeux. Un voyageur se trouve près de la fontaine publique, avec deux chevaux. Peut-être que c'est lui... Dans tous les cas, soyons prudente. Je me rapproche du jeune homme, qui doit avoir dans la vingtaine. Son regard se porte directement sur moi. Il se rapproche discrètement, tout en amenant ses chevaux.

« – Akenna, je présume.

– Oui.

– Bien. Athéna m'a chargé de te conduire jusqu'au prochain port. Il vaudrait mieux partir tout de suite.

– D'accord. »

L'homme me tend les rênes d'un magnifique cheval blanc, et m'aide à y monter. Je me retourne une dernière fois vers Larissa. Cet endroit où je me sentais si bien, où j'avais retrouvé le bonheur grâce au soutien d'Ectellion. Cette cité, qui est devenue beaucoup trop dangereuse, et que je dois quitter au plus vite. D'un coup de rênes, le cheval part tout de suite au grand galop, direction le prochain port. Il doit bien nous falloir trois heures de route. J'observe le ciel, tandis que les sabots du cheval frappent la terre avec vivacité.

Je suis certaine que les dieux m'observent de là-haut. Mon père, Artémis, Athéna et Hermès. J'ai conscience que chaque seconde passée sur la terre ferme, est dangereuse. Une fois sur le bateau, et en mer, je me sentirai plus en sécurité. Pour le moment, je suis en danger, et j'ai l'impression que chacune de mes respirations est la dernière. J'ai tellement peur qu'Hélios me retrouve, et me prenne mon enfant. Il est semblable à Cronos, qui dévorait les fils de Rhéa. Tout ça par peur d'être un jour détrôné. Hélios agit aussi par peur. Je me demande si même au commencement, le dieu du soleil était déjà comme ça, ou si c'est Cronos qui lui a appris à tuer pour obtenir le fruit de ses désirs.

De nouvelles larmes s'écoulent, alors que les chevaux sont toujours au galop. L'enfant que je porte est mon ultime chance de ne pas me retrouver seule. S'il lui arrivait malheur, je ne pourrais plus le supporter. J'ai déjà perdu tellement à cause des erreurs d'Hélios... Tout est de sa faute. Et un jour, je suis certaine de lui faire payer tous ses crimes. Il souffrira autant que moi j'ai souffert. Pas tout de suite, mais un jour. Hélios finira par regretter ses actes, et demandera mon pardon, que je ne lui accorderai jamais. Trompeur, assassin, perfide, voilà comment je le vois à présent. Je ne trouve plus rien de bon chez lui. Il n'est plus que mon cauchemar, ma peur que je vais devoir continuer de combattre, encore et encore, jusqu'à ma mort.

Larissa fait à présent partie du passé. Voilà un nouvel endroit à effacer de ma mémoire. Peut-être qu'un jour, je pourrais y revenir, si la situation s'améliore. Même si je ne suis pas certaine d'y parvenir, je dois tout de même essayer. Comme le disait ma mère :

« – Rien n'est impossible, tant qu'on n'a pas essayé. »

Et je n'ai pas le choix. Je dois tenter ma chance, mais surtout réussir. Pour moi, pour Ectellion, et notre enfant.

AKENNA-TOME 1-La Mortelle divineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant