Chapitre 17

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Après avoir annoncé la nouvelle à mon père, on aurait dit que sa tristesse s'était totalement évaporée. On a fait que parler de l'organisation, de la décoration, du repas, de la robe, de la coiffure. Mon père était dans ses pensées, me décrivait l'endroit comme s'il y était déjà. Sa réaction me fait sourire alors que je passe la grille de l'Olympe. Tout s'est bien passé comme l'avait prévu Hélios. D'ailleurs, il doit déjà être rentré puisque le soleil se couche. Il finit se dériver jusqu'à l'autre bout de la Grèce, détaché de sa chaîne qu'il doit porter au quotidien. J'ai tellement hâte de retrouver Hélios pour lui annoncer le consentement de mon père. Poséidon partage mon bonheur, je le sais maintenant, et je me sens soulagée, plus légère. Tout est parfait désormais.

Je vais dans le jardin pour remplir une jarre, mais je suis interpelée par Artémis, qui est assise dans l'herbe, contre un arbre. Une autre personne se tient à ses côtés, sans que je ne puisse la reconnaître. Ce n'est qu'en me rapprochant que je comprends qu'il s'agit d'Apollon, le frère jumeau d'Artémis. Son regard est toujours aussi fuyant et gêné. Je ne sais pas ce qu'il a contre moi, mais il devient de plus en plus étrange et distant. Je me demande s'il arrive encore à supporter le fait que je respire le même air que lui.

« – Où étais-tu ? me demanda Artémis. Je ne t'ai pas vue de toute l'après-midi.

– J'étais sur la plage avec mon père. J'avais...quelque chose à lui dire.

– Ah oui ? Quoi ? »

Je me mords la lèvre inférieure, alors que le regard d'Artémis se fait de plus en plus insistant. Je voulais attendre encore un peu avant de lui annoncer, mais je suis bien trop excitée pour lui cacher. La déesse de la chasse commence à sourire, sans doute parce qu'elle comprend que je suis sur le point de céder. Décidément je ne sais pas garder les secrets.

« – Bon d'accord, je ne peux pas te le cacher plus longtemps, c'est trop dur. Mais vous ne devez en parler à personne. C'est compris ? »

Artémis secoue frénétiquement la tête, rongée par l'impatience, alors qu'Apollon quant à lui, ne réagit pas. Il reste le regard plongé dans le vide, qui a l'air bien plus intéressant que moi. Je ne m'inquiète pas pour lui, je sais qu'il saura tenir sa langue comme il sait si bien le faire.

« – Alors ce matin, Hélios m'a demandée de l'épouser.

Artémis ouvre la bouche, et se lève d'un bon pour me prendre dans ses bras. Elle crie et saute de joie tout en m'étranglant dans son embrassade. Apollon lui, me regarde en fronçant les sourcils.

– Il t'a demandé quoi ? dit-il.

– De l'épouser.

– Ne me dis pas que tu as accepté.

– Évidemment que j'ai dit oui. »

Soudain Apollon change de comportement. Il paraît perturbé. Est-ce ma nouvelle qui le met dans cet état ? Décidément j'ai de plus en plus de mal à comprendre le dieu des arts. Il se lève précipitamment tout en marmonnant à sa sœur :

« – J'ai un truc à faire. »

Il s'éclipse sans prêter attention à nous. Malgré le comportement inquiétant de son frère, Artémis continue de crier de joie sans me lâcher.

« – Tu devrais aller le voir, dis-je en prenant la déesse par les poignets pour qu'elle se calme.

– Oh mais laisse-le. Depuis quelques mois, il est grognon tout le temps. On s'en moque. Je suis tellement heureuse pour toi !

– Merci, je le suis moi aussi.

– Je t'avais dit que ça allait finir comme ça.

– Combien de fois tu m'as torturée les oreilles avec Hélios, dis-je en riant. D'ailleurs sais-tu où il est ?

– Je crois bien qu'il est dans sa chambre.

– D'accord, merci.

– On reprendra cette conversation plus tard. »

Artémis me lance un clin d'œil, alors que je rentre pour rejoindre Hélios. Je veux passer la soirée avec lui, profiter de cet instant de bonheur. J'imagine déjà sa réaction lorsqu'il apprendra la réponse de mon père. Il me prendra dans ses bras et me fera tournoyer dans les airs, alors que nous rirons aux éclats.

J'entre dans le couloir menant à la chambre du dieu du soleil, le sourire aux lèvres. Peut-être que lui aussi a hâte de me voir. J'espère tellement qu'il ressente le manque que j'éprouve lorsqu'il part le matin sur son char... Je me rapproche de plus en plus de la porte de la chambre d'Hélios, alors qu'une voix forte se fait à présent entendre. D'où vient-elle ? Je m'arrête un instant pour écouter l'origine de ce son. Il s'agit d'un homme, pour cela j'en suis certaine. Mais ce n'est pas mon problème. Je reprends alors ma marche vers la chambre d'Hélios. Seulement, plus je me rapproche de mon but, et plus la dispute se fait forte. On dirait...qu'elle vient de la pièce vers laquelle je me dirige. Je me poste devant la porte, et me mets à écouter. Maintenant j'ai bien la confirmation que la dispute provient de l'intérieur. J'entre discrètement sans frapper et me cache derrière une haute colonne ionique, pour observer la scène.

Je peux à présent voir Hélios, qui est de dos et appuyé contre le muret de son balcon. Ses poings sont serrés contre le marbre. Non loin de lui, se tient Apollon, qui lui, a l'air effrayé. Mais pas par la colère d'Hélios, par autre chose...

« – Ne t'énerve pas Hélios. Je te dis seulement que c'est une très mauvaise idée...

– Je fais ce que je veux.

– Ce mariage est néfaste et tu sais très bien pourquoi.

– Je ne vois pas de quoi tu parles.

– Non, tu fais semblant de ne pas comprendre. C'est dangereux et tu le sais.

– Je n'ai pas fait tout ça pour rien ! ragea Hélios en frappant le marbre du poing. Maintenant sors ! »

Dans un profond soupir, Apollon quitte la pièce, alors qu'Hélios reste appuyé contre le muret. Il passe ses mains sur son visage et le garde caché. Il a l'air tellement mal. Je me rapproche du dieu du soleil et lui caresse les cheveux. Malgré la nuit qui tombe, j'arrive à distinguer la colère et la frustration chez mon amour.

« – Que se passe-t-il ? demandai-je.

– Rien, ne t'inquiète pas.

– J'ai entendu ta dispute avec Apollon.

Hélios émet un petit rire sinistre. À ce moment-là, il me ferait presque peur.

– Il est jaloux c'est tout.

– En quoi suis-je dangereuse ? demandai-je.

Hélios me regarde droit dans les yeux, et se redresse pour me caresser le visage.

– Tu n'es pas dangereuse mon amour. Il ne connait pas notre bonheur, c'est pour ça qu'il s'en prend à toi sans aucune raison. »

Je baisse la tête, vexée par la haine d'Apollon. Pourquoi me déteste-t-il autant ? J'ai beau chercher, je ne trouve aucune raison pour expliquer l'antipathie du dieu des arts envers moi. Hélios me relève le menton et se rapproche de mon visage.

« – Akenna, fais-moi confiance.

– Je te fais confiance.

– Jamais de ma vie, je ne pourrais te faire de mal. Je t'aime plus que tout au monde mon amour.

– Moi aussi je t'aime. »

Oui, je le crois. Toutes ses belles paroles sont des actes qui me rendent encore amoureuse d'Hélios...

AKENNA-TOME 1-La Mortelle divineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant