Chapitre 20

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Le grand jour est enfin arrivé. La nuit tombe, et je suis déjà épuisée. Pourtant la cérémonie n'a même pas encore commencé. Il faut attendre qu'Hélios rentre et se prépare. De toute manière le mariage n'aurait pas pu se faire l'après-midi. Nous sommes peut-être des dieux, mais nous devons tout de même respecter les traditions. Les mariages se font le soir, à la clarté des flambeaux, les deux époux main dans la main. C'est essentiel.

Les nymphes finissent d'ajuster ma robe, alors qu'Artémis, Athéna et Héra admirent ma tenue en souriant. Seule Aphrodite reste dans l'ombre, me dévisageant avec une haine profonde. La tradition l'oblige à rester dans la même pièce que moi, à mon plus grand malheur. Une fois prête, je m'admire dans le grand miroir mural. Je porte une robe blanche à manches fendues, dont ma taille fine est marquée par une ceinture en or. Mes bijoux sont de la même matière que ma ceinture, ainsi que l'imposante couronne de feuilles d'olivier qui orne ma tête. Un léger voile blanc transparent traîne le long de mon dos.

« – Tu es juste sublime, me complimenta Athéna.

– Sublime est un mot bien faible pour la qualifier, objecta Artémis.

– Elle est parfaite, intervint finalement Héra. »

Aphrodite croise les bras tout en me foudroyant du regard. Elle peut bien faire ce qu'elle veut, elle ne gâchera pas mon mariage. J'ai appris à cohabiter avec elle, et ses remarques ne me blessent plus.

La porte s'ouvre sur mon père, qui passe la tête dans l'embrasure. Son regard océan se pose directement sur moi. Il m'observe de la tête aux pieds, alors qu'un sourire se dessine sur son visage.

« – J'imagine que tu as reçu assez de compliments pour décrire ta beauté, alors je vais m'abstenir.

– Ton sourire m'en dit suffisamment.

– Je l'espère. Sortez toutes je vous prie. »

Les déesses et nymphes s'exécutent, me laissant seule avec mon père. Il se poste devant le divan et m'invite à m'asseoir à côté de lui. Pourquoi a-t-il demandé à se retrouver seul avec moi ? Je viens m'installer sur sa droite et lui lance un regard interrogateur.

« – Quelque chose ne va pas père ?

– C'est plutôt à moi de te demander cela.

– Pour ma part tout va pour le mieux.

Poséidon fronce les sourcils. Il n'est pas convaincu de ma réponse. Mon visage est-il aussi expressif ?

– Et si...je faisais une erreur ?

– Akenna. Je vais te poser une seule question. Est-ce que tu aimes Hélios ?

– De toute mon âme.

– Alors tu fais le bon choix. Il est normal de douter le jour de son mariage, mais dis-toi que ton destin est déjà tracé et que tu ne peux rien y changer. »

Il est vrai que ma vie est déjà entièrement organisée. Mon destin est comme un fil tendu, alors que moi je représente une perle qui traverse ce fil jusqu'à en atteindre l'extrémité, ou bien jusqu'à ce que des ciseaux viennent le couper... Si mon père me dit qu'il est normal que je doute, alors je le crois. Mes paupières se ferment, alors que le vent se lève. La main de mon père vient attraper la mienne, pour la protéger de la peur, et du froid.

Comme j'aurais aimé que ma mère vienne serrer ma main libre. Mes deux parents réunis...j'aurais voulu connaître cela. Elle m'aurait chuchotée des mots réconfortants, j'aurais oublié ma peur, mon angoisse. Mais malheureusement son âme est aux Enfers, et son corps réduit en cendres, dispersé dans la mer Ionienne. Plus le temps passe, et plus j'ai l'impression que son souvenir s'éloigne de moi. Même son image me paraît trouble. Pourtant je me suis promis de ne pas l'oublier...

« – Peux-tu me laisser seule un instant ? demandai-je à mon père.

– Bien sûr, prends ton temps. »

Poséidon se lève et quitte ma chambre. Une fois face à la solitude, je me place devant mon miroir et pose ma main sur le verre toujours glacé. Les ondulations reviennent, alors qu'un nouveau décor s'offre à moi.

Cette fois-ci personne ne parle. Je suis envoyée dans ma maison, où ma mère dort paisiblement. Soudain je suis tirée en arrière pour revenir dans la grande ruelle. Un homme portant une cape noire, au visage dissimulé par une large capuche, me bouscule. J'ai pu voir un poignard accroché à sa ceinture. Un motif était dessiné, ressemblant à la tête de Méduse. Cette enchanteresse aux cheveux de serpents, transformant quiconque oserait la regarder en pierre. L'homme entre chez moi et j'entends ma mère crier. J'essaie de courir tout en hurlant pour la sauver, mais je suis enchaînée à quelque chose. Je suis éblouie par une lumière et me retrouve dans ma chambre. Mon cœur bat à tout rompre et ma poitrine est en feu. Je n'ai même plus de souffle pour réussir à parler.

L'homme en noir...c'est lui qui a tué ma mère. Et ce poignard à la tête de Méduse, c'était l'arme du crime. De nouvelles informations s'offrent à moi sous forme d'énigme. L'homme noir et la tête de Méduse... Est-ce un message sur le meurtrier que je dois déchiffrer, ou bien est-ce la réalité que j'ai vu en rêve ? Dans ces cas-là le tueur avait un poignard portant la tête de Méduse. Je dois trouver le meurtrier de ma mère et lui faire payer son crime...

« – Akenna ? Les musiciens viennent d'arriver, tout le monde est prêt, déclara Hermès en faisant irruption dans ma chambre. »

D'un signe de tête, je remercie mon ami, qui me gratifie d'un sourire encourageant. J'ai voulu paraître la plus naturelle possible, même si une dose d'angoisse s'est échappée. Hermès a dû croire qu'il s'agissait du mariage, mais ce n'est plus le cas. Cette vision m'a montrée qu'un jour, je trouverai le meurtrier de ma mère. Je suis prête à aller jusqu'aux Enfers pour découvrir la vérité. Il le faut, pour ma conscience et pour que ma mère repose en paix. Je n'arrêterai pas tant que je n'aurais pas découvert l'identité de ce mystérieux homme noir. Je quitte le miroir des yeux, et reviens à la réalité.

J'ouvre la porte de ma chambre, et trouve mon père qui m'attend, adossé contre le mur. Il me sourit chaleureusement et me tend sa main. Ce n'est pas parce que je viens de faire ressurgir mon passé, que je ne dois pas profiter du présent. Car je sais qu'Hélios m'aidera à retrouver l'assassin de ma mère. Il comprendra et me conseillera. Parce qu'il m'aime, parce que je l'aime, nous serons toujours là l'un pour l'autre, quoi qu'il puisse arriver. 

AKENNA-TOME 1-La Mortelle divineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant