J'ouvre enfin les yeux, sans comprendre ce qu'il m'arrive. Mes mains ont disparues sous un amas de plumes, tout comme mes bras, et mes cheveux. Mon corps entier est recouvert de plumes. Par reflexe, je bats des ailes et ma chute s'arrête net. Deux autres oiseaux me rejoignent.
« – Une mésange bleue, très bon choix, me félicita Artémis.
– Mais ça ne vaut pas mieux que mon fidèle colibri, se venta Hermès.
– N'importe quoi ! Mon rouge-gorge est encore plus beau que ton stupide volatile !
– Je fais quoi maintenant ?! m'écriai-je paniquée.
– T'as juste à battre des ailes c'est tout. Reste calme surtout. Artémis reste en-dessous, on ne sait jamais.
– Compris. »
Le beau rouge-gorge prend sa place, alors qu'Hermès reste à mes côtés.
« – Tout va bien. Tu as des ailes, tu voles, tu t'es métamorphosée. Maintenant tu as juste à les lever et à les baisser, c'est tout simple. Tu te débrouilles déjà très bien, alors continue.
– Comment fait-on pour parler ?
– On communique entre nous, mais les mortels ne peuvent pas nous comprendre. Pour eux, nous ne sommes que de simples oiseaux ordinaires, ria Hermès.
– Je veux descendre...
– Alors laisse-toi tomber et bats des ailes lorsque tu veux rester stable.
– D'accord... »
Suivant le conseil d'Hermès, je replis mes ailes et me laisse tomber dans le vide. J'ai l'impression qu'à tout moment je peux reprendre ma forme d'origine, et que je m'écraserai au sol. Mais si je reste calme, tout ira bien.
Je m'approche du sol, où on ne voit que du bleu. C'est la mer. Je n'ai pas envie de m'arrêter, mais de tenter quelque chose d'autre. Alors je concentre mes pensées sur ma métamorphose, et juste avant de plonger dans l'eau, mes ailes, mes plumes, mes pattes et mon bec disparaissent. Je sens l'eau prendre possession de la moindre parcelle d'air qu'il reste. Je vois une nageoire, que je suis parfaitement capable de reconnaître. Je me suis transformée en dauphin. Je ris aux éclats tout en nageant dans tous les sens, en remontant et sautant à la surface, jusqu'à ce qu'Hermès et Artémis me rejoignent enfin. Le dieu est un requin, alors que la déesse est une otarie.
« – Non mais ce n'est pas possible, tu ne prends que des animaux valorisants toi !
– Ne sois pas rancunier Hermès, le requin aussi est un animal très noble, me moquai-je.
– Ne fais pas trop la maligne toi. Un coup de dents et c'est fini pour toi.
– Mais j'irais tellement vite que tu ne réussirais pas à me rattraper.
– On parie ?
– On fait la course jusqu'à la terre ferme. Le premier à sortir entièrement de l'eau sous sa vraie apparence a gagné.
– Tu vas perdre à coup sûr.
– Nous verrons ça. »
Artémis se place sur une ligne imaginaire pour donner le départ. Elle lève une nageoire, et l'abaisse d'un coup. C'est le signal du départ. Avec Hermès nous nageons à toute allure, droit devant nous. J'ai bien l'intention de le battre. Le dauphin nage bien plus vite qu'un requin, mais contrairement à Hermès, je viens tout juste de découvrir ma faculté à me métamorphoser. Le messager des dieux a l'air bien déterminé à me battre, ce qui me fait rire. Ma queue monte et descend énergiquement, ce qui me permet de me propulser efficacement. D'ailleurs, je m'en rends tout juste compte, mais je dépasse Hermès.
Un peu plus loin, j'aperçois la terre ferme. J'y suis presque. Pour battre le dieu, je dois redoubler d'efforts. L'adrénaline est suffisamment là pour que mes mouvements se fassent encore plus rapides et efficaces. Ça y est, je viens de dépasser Hermès, mais rien n'est encore gagné. Je dois me transformer avant lui, autrement j'aurais perdu la course.
Plus que quelques mètres et je commence déjà à me concentrer sur ma métamorphose. Je sais ce que je dois faire pour y arriver, alors il me suffit de garder toute mon attention sur ma transformation. Soudain j'arrive au bord de la plage. Je prends mon élan et nage vers la surface pour sauter. Une fois dans l'air, je sens mes nageoires pectorales s'allonger, et je peux à présent bouger mes doigts. Ma queue aussi s'est étirée, mais surtout, elle s'est séparée en deux. Je peux maintenant sentir mes jambes et mes orteils.
Des mèches mouillées de mes longs cheveux blonds viennent se coller sur mon visage. J'atterris sur le bord de la plage, dans mon apparence d'origine, à quatre pattes sur le sable. Je me tourne vers Hermès, qui vient juste d'arriver. Il s'allonge sur le sable, à bout de souffle.
« – J'ai gagné, haletai-je.
– Je ne joue plus jamais avec toi, ria Hermès.
J'éclate de rire à mon tour et m'allonge sur le sable, fin et chaud.
– Alors, tu as trouvé ça comment ?
– C'était fantastique. Je veux faire ça tous les jours.
– Moi aussi j'aime beaucoup faire ça. Je me laisse tomber du haut de la falaise, jusqu'à ce que je sois à deux doigts de m'écraser au sol. Et puis après ça, je me métamorphose. J'aime frôler la mort. Ça me rappelle que je malgré le fait que je sois un dieu, je suis aussi vivant. »
Je tourne mon regard vers le ciel. Les nuages dansent et se mélangent avec leurs semblables pour ne former plus qu'un seul et même cumulus.
« – Je me sens comme ces nuages maintenant.
– Boursoufflée ? se moqua Hermès.
– Non ! dis-je en lui donnant un coup de coude. Je me sens légère.
– Ah, alors oui tu n'es pas boursoufflée... »
J'éclate de rire tandis qu'Hermès se lève en vitesse et se métamorphose à nouveau, avant s'envoler vers l'Olympe, tout en me lançant un regard joueur. Sa première défaite ne lui a pas suffi on dirait. Je secoue la tête, puis me lève à mon tour, et cours le long de la plage, avant de sauter en l'air et de me transformer en mésange bleue. Je m'envole vers les cieux pour rentrer sur l'Olympe. Au fond, peut-être que ma mère avait raison. Ma place est là-bas, et j'arriverai à être à la hauteur de tout ce qu'elle a pu imaginer pour moi. Non maman, je ne te décevrai pas.
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AKENNA-TOME 1-La Mortelle divine
ParanormalDans la Grèce antique, une jeune femme de sang-mêlé vit une existence simple de mortelle. Heureuse avec sa mère, mais se sentant néanmoins abandonnée par son père, Poséidon, elle pense rester parmi les Hommes toute sa vie. Seulement, la mort de sa...