AKENNA-TOME 1-La Mortelle divine

Chapitre 25

Les cauchemars reviennent. S'agit-il d'un mauvais présage, ou d'un avertissement ? J'ai revu cet homme noir, au poignard, orné de la tête de Méduse. Il est encore rentré chez moi, et j'ai pu entendre de nouveau le cri insupportable de ma mère, sans que je ne puisse rien faire. Je n'ai pas encore parlé à Hélios de mes visions. Il n'est même pas au courant que j'ai déjà consulté le miroir à l'aide de mes pouvoirs. Je me disais que je devais attendre. Mais pour quelles raisons ? Je n'en sais strictement rien. Peut-être parce que je me disais que ces visions pouvaient seulement être le fruit de mon imagination. Mais à présent j'en suis certaine. Tout ce que j'ai vu est vrai.

Je me retourne dans le lit pour voir Hélios. Il dort paisiblement, le souffle régulier et discret. Je meurs d'envie de tout lui dire. Ce que j'ai sur le cœur, ce à quoi je pense, ce dont j'ai peur. Mais réveiller cet ange qui dort si paisiblement serait un acte égoïste.

Je décide alors de me lever, et d'aller prendre l'air sur le balcon. Aucun nuage ne nous camouffle du monde des mortels. Ainsi, la mer m'est accessible. Parfois, je m'imagine prendre mon bateau, partir en pleine mer, et me perdre. Une étendue bleue à perte de vue, personne qui puisse me faire du mal. Rien que moi et l'univers marin. Ne plus penser à rien, voilà ce que je voudrais faire parfois. Le calme, la solitude, la mer, le remède idéal pour se retrouver.

Soudain la vision de l'homme noir s'affiche devant mes yeux sans que je ne puisse la faire partir. Je dois devenir folle. Qu'est-ce que je ne comprends pas ?! Qu'est-ce qui m'échappe ?!

« – Tout va bien chérie ?

La voix d'Hélios me sort de ma torture intérieure, à mon plus grand soulagement.

– Non.

– Dis-moi ce qui ne va pas. De quoi te soucies-tu ? »

Mon mari vient s'appuyer contre le muret du balcon, et se tourne vers moi, alors que mon regard reste figé dans le vide. Il ne peut pas comprendre ce que je ressens, mais il peut toujours m'aider à penser correctement. Cette fois-ci je suis déterminée à tout lui dire.

« – Je veux retrouver l'assassin de ma mère.

– Akenna...tu sais que c'est impossible. Il n'y a eu aucun témoin à Pylos.

– Je n'ai pas besoin de ça.

– Alors de quoi as-tu besoin ?

– D'un miroir.

– De quoi tu parles ?

– J'ai des visions. Lorsque je me place devant un miroir et que je tends ma main, une image se forme dans ma tête. Et c'est tellement réel Hélios.

– Chérie...ce sont des rêves, pas des visions.

– Moi aussi au début je pensais comme toi. Mais maintenant je suis convaincue que ce sont des indices qui s'offrent à moi.

– Et qu'as-tu trouvé comme indices ?

– Le tueur de ma mère portait une cape noire et un poignard orné de la tête de Méduse. »

Hélios se tourne vers la chambre et examine le miroir de loin, comme s'il cherchait à découvrir quelque chose. Il pousse un soupir qui ressemble à de la frustration.

« – Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je.

– Heu...rien. Seulement, je suis sûr que ce ne sont pas des visions Akenna.

– Alors quoi ? Tu penses que je suis folle ?!

– Bien sûr que non mon amour. Je suis certain que tu vois des choses, mais pas ce à quoi tu penses.

– Qu'est-ce que ça veut dire ?

– C'est sûrement quelqu'un qui te joue un mauvais tour, pour te pourrir la vie. Il te fait avoir des hallucinations qui te font penser qu'elles sont réelles.

– Mais enfin qui pourrait me provoquer des « hallucinations » comme tu le dis ?

– Je n'en sais rien moi, mais ce dont je suis sûr, c'est que tu dois arrêter de tomber dans le piège et passer à autre chose.

– Je veux retrouver l'assassin de ma mère Hélios.

– Mais tu ne le retrouveras jamais enfin ! Il doit être loin maintenant ça fait des mois qu'il a eu le temps de partir ! Et puis admettons, même si un jour par miracle tu arrives à le retrouver, que vas-tu lui faire ?

– Le tuer.

– Le tuer ? ria Hélios. Et avec quoi ? Tu ne sais même pas te servir d'une arme.

– Tu n'as qu'à m'apprendre.

– Pardon ?

– Apprends-moi à me servir d'une arme puisque je dois passer par là.

– Non mais je dois rêver ce n'est pas possible !!

– Hélios ! »

Le dieu du soleil rentre en furie dans la chambre, se dirige vers le miroir et le fait tomber au sol. Je l'entends se briser contre la mosaïque.

« – Je ne veux plus que tu utilises un miroir pour te remplir la tête de sottises, tu entends Akenna ?!

– Tu n'as pas le droit de m'empêcher de faire ça !!

– J'ai tous les droits sur toi je te rappelle ! Tu oublies le meurtrier de ta mère, tout comme ton passé et tu te concentres sur ton avenir. Et ton avenir c'est moi !! »

Hélios quitte la chambre en claquant la porte, furieux. Je ne l'ai jamais vu dans cet état. Pourquoi s'est-il emporté ainsi ? Je m'assois sur le lit, alors que mon cœur se serre et que les larmes montent. C'est la première fois que je me dispute avec Hélios, et surtout, je ne l'ai jamais vu s'exprimer avec une telle autorité dans sa voix.

La scène de notre dispute repasse en boucle dans ma tête, alors que des sanglots m'échappent. Les malheurs reviennent, et c'est moi qui en suis la cause. Au fond, peut-être qu'Hélios a raison. Je devrais arrêter de me torturer l'esprit et aller de l'avant. Mais je n'y arrive pas. J'ai beau essayer je n'y parviens pas. C'est plus fort que moi, je dois savoir pourquoi quelqu'un a essayé d'assassiner ma mère. Et surtout, qui est-il ? C'est son identité que je veux connaître et l'affronter une bonne fois pour toute.

Ectellion avait raison sur une chose. Tout ne se règle pas par la parole. Parfois il faut savoir prendre les armes lorsqu'on ne nous en donne pas le choix. Ectellion... Peut-être que ce mortel orgueilleux pourrait m'aider, puisque même Hélios ne le veut pas. Il m'apprendrait à me servir d'une arme, et ainsi je pourrais venger ma mère. Ce n'est qu'après en avoir terminé avec cet homme noir que je pourrai enfin dormir en paix.