Nuit 1

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Je me tourne et retourne dans mon lit, en essayant de trouver une position confortable pour dormir. Ma couette est descendue à moitié à cause de la chaleur ambiante, et j'ai encore l'impression d'être dans un four.

Impossible de trouver le sommeil. Ma journée défile sans cesse devant mes yeux, des hurlements de ma mère ce matin, en passant par le regard noir d'Aimée lorsqu'elle s'est aperçue que j'étais présente, jusqu'à mes pleurs d'il y a deux heures quand j'ai entendu mes parents se disputer une énième fois.

Renonçant à avoir un nombre d'heures de sommeil correct, je me lève et jette un coup d'œil à mon réveil. 1 heure 34. Je m'approche de ma fenêtre sur la pointe des pieds pour éviter de réveiller mes parents qui dorment en dessous. Le ciel noir est éclairé par de petits points blancs. J'aimais me dire que, à des millions voir des milliards d'années lumière, quelqu'un contemple notre soleil et le voit comme une étoile. Et moi, je contemple son soleil et le vois comme une étoile.

La lune est décroissante, il ne reste plus qu'un petit quart. J'ouvre discrètement la fenêtre et laisse le vent faire voler mes longs cheveux châtains clairs. Il fait une quinzaine de degrés, maximum, à l'extérieur, ce qui crée un contraste avec les, au moins, trente degrés de ma chambre. J'inspire profondément dans le noir de la nuit, les yeux vissés sur le ciel.

Prise d'une inspiration subite, je détache mon regard de ce spectacle céleste, attrape mon plaid rouge sang, prends mes lunettes que je visse sur mon nez, chausse mes tongs et descend les escalier de mon duplex le plus silencieusement possible, ce qui est assez difficile à cause de la semelle de mes  chaussures qui produisent un claquement à chaque pas.

Arrivée dans ma cuisine, je ferme la porte et allume la lumière qui m'éblouit instantanément. Les yeux plissés, je cherche à tâton les tasses dans le placard et me prépare un chocolat chaud.

- Maëlle ?

Je sursaute et pousse un cri étouffé. Mon grand frère, Mathias, se tient dans l'embrasure de la porte, l'air endormi. Je lui fais signe d'entrer et de fermer la porte derrière lui, par peur d'alerter nos parents.

- Qu'est ce que tu fais ? chuchote-t-il finalement. Tu m'as réveillée en descendant l'escalier. Pourquoi est ce que tu te trimballes en tongs et...

Il avise mon plaid, posé maladroitement sur mes épaules.

- Avec un plaid sur les épaules ? termine Mathias de plus en plus perplexe.

Je mets en marche le micro-onde et m'assois à la table centrale.

- J'arrive pas à dormir, j'ai trop chaud dans ma chambre. Je pense que je vais essayer de monter sur le toit par l'escalier de service...

Il fronce les sourcils et s'assoit en face de moi. Le four ayant fini de chauffer mon chocolat, il émet le bip caractéristique. Je saute, ou presque, dessus et l'ouvre pour arrêter le bruit assourdissant. Inquiète, je jette des coups d'œil affolés vers la porte, pour vérifier que mes parents dorment toujours.

- Détend-toi, Maman a avalé son médicament je-ne-sais-pas-quoi pour dormir et Papa ne se réveille jamais...

Je pose brutalement ma tasse sur la table en bois en fixant mon frère d'un air lassé.

- Je sais bien, mais on ne sait jamais. Bon, tu vas rester toute la nuit à me regarder ou tu repars dormir ?

Il lève les mains d'un air coupable et se lève pour se diriger vers la porte.

- Et pas un mot aux parents. le préviens-je, mauvaise.

Il acquiesce et disparaît dans l'escalier qui mène au second étage. Je reste quelques secondes fixée sur l'endroit où il est parti. Il partage avec moi mes cheveux châtains clairs et mes yeux marrons, en revanche pour le reste, y compris mentalement, il n'y a pas plus opposé que nous deux, ce qui est la source de nombreuses rivalités, j'espère donc qu'il tiendra sa langue.

Lueurs solitairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant