- Où est-ce que tu nous emmènes encore Maëlle ?
Le ton mi-amusé mi-énervé de Lucy me fait soupirer. Elle sait très bien où je les emmène. De un parce qu'elle connaît le chemin par cœur, de deux parce que je lui ai dit, et de trois parce qu'il suffit de faire marcher ses neurones. Mais patiemment, je m'arrête en pleine course pour lui réexpliquer.
- On va sur le toit de chez Delphine et Thibault pour rencontrer Jules. Ça fait deux ans que je te le dis. Et Novi le répète en boucle depuis une semaine.
Un rire lui échappe, et le poid qui pesait sur mon cœur disparaît immédiatement.
- C'est vrai excuse moi je suis un peu fatiguée. En même temps il est approximativement... Minuit.
C'est à mon tour de rire. À l'époque, je n'avais pas pensé à l'heure... Matinale ou tardive, ça dépend des points de vue, à laquelle on allait se retrouver. Elle me pince la joue. Elle n'a pas perdu ce tic malgré mes nombreuses protestations. Elle sait qu'au fond, ça ne me gêne absolument pas. Et ça ne fait pas mal.
- Maman, on va voir Papa ?
La voix de November me fait pivoter la tête dans sa direction. Je souris tendrement devant son air sérieux. Elle m'a souvent demandé qui était son père. Alors je lui ai dit. Je lui ai aussi dit qu'il ne savait pas qu'elle existait, et qu'elle allait le rencontrer. Elle l'a... Plutôt bien pris. Avec la présence de Lucy, elle n'a jamais ressenti un vide, et même si elle est curieuse, elle n'a pas trop d'attente. Mais si Jules ou elle veulent garder le contact, je ne m'y opposerai pas, bien au contraire.
- Oui ma chérie.
- Alors pourquoi on est devant chez Delphine et Thibault ?
- Parce que c'est en haut qu'on va le voir.
Je pousse la porte d'entrée et commence l'ascension des marches, ma femme et ma fille à ma suite. Personne ne dit rien. Moi, l'angoisse commence à me prendre la gorge. Il va avoir changé, tout comme moi, mais si c'était en mal ? Et si, pire que tout, il ne venait pas ? Et comment va-t-il réagir à la présence de Nov ? Et à celle de Lucy ? Peut être espère-t-il qu'on se remette ensemble...
- Respire Maé... chuchote Lucy en arrivant à ma hauteur.
J'acquiesce et prend une grande bouffée d'oxygène. Ça va aller. Nous arrivons devant la porte coupe feu et sans attendre, je la pousse et gravit la dernière volée de marche. J'ai peur de ce qui m'attend en haut, mais je suis curieuse. Je dois affronter mes peurs, je le sais. Pour le meilleur et pour le pire.
Il est là. De dos. Il regarde l'horizon. La lumière de la Lune découpe sa silhouette dans le ciel noir. Il a les mains dans les poches. En nous entendant, il se retourne vers nous et allume la lampe de son téléphone. J'entends Lucy grogner à côté de moi, sûrement éblouie, et Nov vient me serrer la main aussi fort qu'elle le peut. Je n'arrive pas à empêcher un sourire s'épanouir sur mon visage.
Il s'avance vers nous d'une démarche qui se veut nonchalante mais qui laisse transparaître une angoisse bien présente. Ça me fait encore plus sourire. Ma femme allume à son tour la lampe de son téléphone, dévoilant le visage de la personne qui nous fait face. Il n'a pas tellement changé. Une barbe de deux jours orne ses joues, et il a peut être pris un peu d'épaules, mais à part ça...
- Salut.
Sa voix me fait l'effet d'un electro-choc, et je repars dans le corps de la Maëlle s'il y a dix ans. Une pression de la main de Lucy me ramène à la réalité.
- Salut.
Il sourit, embarassé.
- Ça fait... Longtemps.
- Dix ans. Je murmure. Ça date pas d'hier quoi.
Il rit doucement.
- Tu me présentes les personnes qui t'accompagnent peut être ?
A mon tour de rire. Je m'assieds et ils me suivent tous. Lucy pose une main possessive sur ma cuisse. Elle est jalouse. Cette pensée me fait rire. Jules suit son mouvement, et je le vois aussi sourire. On est sur la même longueur d'onde.
- Jules, voici Lucy, ma femme.
Elle fait un signe de sa main libre. Le brun attend que je développe.
- C'est... La femme de ma vie. Je l'aime. Je suis sûre que toi aussi tu vas l'aimer.
- J'en suis convaincu.
C'est au tour de Nov. Ça y est, je suis à nouveau stressée. Comment va-t-il réagir ?
- Et voici November ma...
Le mot à du mal à sortir. Son regard passe sur Novi, qui sourit timidement.
Prends ton courage à deux mains ma vieille !
- Ma fille.
Un éclair de surprise passe dans ses yeux.
- Et...
- C'est toi. je le coupe.
Pour être direct, c'est direct. Un hoquet de stupeur lui échappe, puis il se tourne vers elle et se penche pour lui dire deux mots à voix basse. Ma fille rit, ce qui est bon signe, j'imagine.
- C'est... Inattendu. finit-il par dire à mon intention. Mais bienvenue. Je te suis reconnaissant de l'avoir gardé et élevé seule...
Lucy tousse dans sa main. Jules rit, puis reprend :
-... Avec Lucy, pendant toutes ces années. Je suis déçu d'avoir raté toutes ces années, mais j'imagine... Qu'on va pouvoir rattraper ça ?
La question s'adresse plus à November qu'à moi. D'ailleurs la petite acquiesce vivement. Je souris, heureuse.
- Et toi, ça va comment ?
Il se met à me raconter sa carrière de nageur. Je me rappelle quand je l'ai vu à la télévision, il y a quelques années. Il paraissait aussi heureux que lorsqu'il m'en parle. Je suis convaincue, au plus profond de moi, qu'il a fait le bon choix. Et ça me rend heureuse. Parce que sinon, ma vie n'aurait pas été la même.
- C'est cool. termine-t-il.
Jules se met à fixer un point au loin.
- Tu sais quoi ? lancé-je.
Il fait non de la tête et se concentre à nouveau sur moi.
- Tu as recollé mon cœur brisé en mille morceaux. je reprends. Et je t'en serai éternellement reconnaissante. Parce que Lucy et Novi ont pu le faire battre. Parce que j'ai pu vivre. Parce que je n'ai pas abandonné. Merci pour tout, Jules, je te dois la vie...
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Lueurs solitaires
Teen FictionMaëlle ne dort pas, elle en est incapable. Insomniaque depuis sa tendre enfance, elle montait régulièrement sur le toit, avant d'arrêter brutalement. Mais la vie est faite de rebondissement... Deux ans plus tard, cerclé par ses démons, elle ne tient...