Nuit 8

78 11 2
                                    

Je me tourne et retourne dans mon lit. Mais cette fois, la chaleur n'est pas en cause. C'est plutôt le tourbillon de questions qui agite mon esprit. La plus importante étant : qui suis-je ? Parce que j'ai beau eu dire à Aimée toute la journée que je le savais, et bien c'est faux. Peut être que je m'améliore dans le mensonge finalement.

Mais ce soir, hors de question de monter sur le toit. Pour peu que Jules y soit et recommence à me poser des questions indiscrètes sans que je ne sache rien de plus sur lui, non merci. De toute façon, Maman m'a à nouveau enfermée. Je ne sais pas quand elle arrivera à nouveau à me faire confiance, mais visiblement ce n'est pas en bonne voix.

Mon ventre gargouille. À nouveau. Je n'ai pas beaucoup mangé ce soir, en partie à cause des yeux scrutateur de ma mère, mais également parce que Aimée était là. Je ne voulais pas qu'elle croit que je ne fais que manger.

Je me tourne à nouveau, commençant à compter pour la quatrième fois les moutons, quand ma main rencontre quelque chose de doux. Curieuse, je me redresse et allume la lampe. Une couverture inconnue apparaît dans mon champs de vision. Les sourcils froncés, je m'assieds en tailleur et tapote mon menton en cherchant où est-ce que j'ai bien ou l'avoir.

Jules. Encore lui. C'est la couverture qu'il m'a donnée. Je la serre contre moi et repense au malaise que j'ai ressenti quand Aimée m'a posée des questions sur lui.

- Et il vient d'où ?

- Comment ça, il vient d'où ?

-  Bah, il a emménagé il y a deux ans non ?

- Ah... Aucune idée.

- Et il fait quoi dans la vie ?

- Il est à l'université.

- Mais quel cursus ?

- Ah... Je sais pas.

- Et pourquoi il a des changements d'humeur ?

- Il ne m'a pas dit.

- Et pourquoi il est allé dans ce bar, la semaine derniere ?

- Qu'est ce que j'en sais moi ?

- Tu sais rien de lui en fait.

Désormais seule dans mon lit, je grince des dents. Cette journée a été une catastrophe. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de pardonner à Aimée. Elle m'a détruite, et moi, en cinq minutes j'oublie tout. En plus, Maman n'a pas trouvé de meilleure idée que de l'inviter à dîner, et elles ont passé tout le repas à chercher les moments les plus embarrassants de mon existence. Au moins,.Aimée n'a pas une nouvelle fois révéler mon secret.

Je soupire et relâche ma tête en arrière, oubliant la présence du mur derrière moi.

- Aïe !

Une douleur aiguë traverse mon crâne et me fait grimacer. Ma chambre se met à tourner autour de moi, et je secoue la tête plusieurs fois pour me remettre les idées au clair.

June.

C'est le nom de famille de Jules. Il me l'a dit hier. Après m'avoir menti. Je suis sûre qu'il a quelque chose qu'il ne veut pas me dire. Incapable de contenir ma curiosité, j'allume l'antique ordinateur portable qui trône sur mon bureau et attend cinq minutes qu'il veuille bien ouvrir Google.

Je ne sais pas pourquoi je fais ça. Parler à Jules est devenu trop dangereux pour moi. Il possède une arme que je n'ai pas, il sait ce qu'il n'est pas sensé savoir. Personne n'a jamais su ce qu'il s'était passé sur le toit ce soir là. Même pas Mathias. Même pas Aimée. Même pas Maman. Même pas Papa.

Ils ont déduit des choses. Ils ont raconté des versions éronné de la vérité. Mais jamais je ne leur ai dit la vérité. Alors j'ai fini par croire que j'avais rêvé. Maintenant je vis avec, et ce secret restera toute ma vie dans mon esprit. Et je n'ai pas envie de retomber dans la tourmente d'il y a deux ans. Je suis au plus bas, mais je sais que, dans ces moments là, le fond n'existe pas. Ce n'est qu'une chute libre. Constante. Et un jour tu t'écrases. Parce que tu l'as décidé, parce que tu en as marre de tomber.

Jules June : 122 résultats

Il a une page Wikipedia. Elle s'affiche en grand devant moi. Je sais que c'est la sienne, il y a une photo de lui. Après l'avoir laborieusement traduite en français parce qu'elle est évidemment écrite et anglais, je digère les informations.

Jules June est né en 2000 à Londres, en Angleterre. Dès son plus jeune âge il présente une prédisposition à la natation. En 2015, âgé de 16 ans, il devient champion du monde junior. Mais, suite à un saut trop audacieux dans le sud de la France, il se blesse gravement et met fin à sa carrière.

Je retourne sur les résultats de Google et cherche un article expliquant sa blessure. Je finis par tomber dessus et lis avidement.

Le 18 juillet 2017, Jules June, 18 ans et nageur professionnel a voulu sauter d'une falaise dans la mer Méditerranée, mais le saut était trop audacieux et le choc avec l'eau trop violent. Il se brisa les deux jambes à si qu'un bras suite au choc avec l'eau et faillit se noyer. Il ne doit sa vie qu'à un plongeur émérite qui observait les fonds marins à proximité. Ses jambes et son bras devenus trop fragiles, il renonça à sa carrière professionnelle tout de suite après.

Me mordillant la peau du pouce, je continue mes recherches de moins en moins sûre de moi. J'ai l'impression de violer son intimité. Tout ce qu'il sait sur moi, je lui ai raconté. Je n'étais pas forcément en pleine possession de mes moyens, mais je lui ai raconté. Là, j'ai enquêté sur lui dans son dos. Ce n'est pas son choix, c'est le mien.

En revanche, je comprends mieux pourquoi il ne voulait pas me donner son vrai nom de famille. Après sa chute, il y a eu énormément d'articles sur lui, qui regrettaient la perte d'un jeune prometteur. Ça me fait doucement sourire. S'il n'avait pas sauté, ils n'auraient fait que détailler sa nage, pas sa vie. Désormais elle est étalée à la une de nombreux journaux. Certes ils sont anglais et difficile à traduire, mais je suis plutôt bonne dans cette langue, et c'est facile de faire copier-coller sur Google traduction.

Incapable de m'arrêter, je vois sa vie défiler devant mes yeux. Il a vécu à Londres jusqu'à ses quatre ans, ensuite il est parti à Bristol jusqu'à dix ans, puis ses parents ont divorcé. À onze ans il est arrivé à Paris avec sa mère, il ne voyait son père que très rarement. Mais ce n'était pas bien pour sa carrière nautique. Il a déménagé dans le sud, à côté de Marseille. Il a commencé de nombreux sports nautiques comme la planche à voile ou le kite surf. Il a continué les compétitions sportives. Jusqu'à sa chute. Et il a déménagé en dessous de chez moi.

J'ai une belle biographie. Je me recule dans mon fauteuil et éteins mon ordinateur. Ma curiosité a été assouvie. Je ne sais pas si j'ai bien fait. J'aurai du attendre qu'il me le dise. Sauf qu'il ne me l'aurait jamais dit puisque j'ai décidé de ne plus lui reparler.

Il faudrait savoir ce que tu veux Maëlle !

Je me mordille la lèvre, indécise. J'ai peur de lui. Et je ne sais rien de bien intéressant. Même si ça m'étonnerai qu'il crie sur les toits qu'il s'est blessé. Mais d'un autre côté, une blessure en cache toujours une autre.

Qu'est ce que Jules June me cache encore?

Lueurs solitairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant