Jour 12

67 10 2
                                    

- Maëlle dépêche toi je t'emmène ce matin !

Le cri de ma mère me réveille. Personne n'a pensé à me réveiller, et il est presque l'heure de partir. En grommelant, je sors de ma couette et attrape à l'aveugle des vêtements. On passera sur le style aujourd'hui.

Je m'habille à la quatrième vitesse et descends l'escalier en mettant mes chaussure. Maman, qui m'attend en bas les poing sur les hanches, hausse les sourcils mais ne dit rien. Pour une fois. Elle me tend ma traditionnelle pomme, mais aussi une tartine trop beurrée, et s'apprête à sortir de l'appartement, mais je ne prend que le premier aliment, et lui  laisse le deuxième, non sans lui lancer un regard assassin.

- Laisse tomber Maman c'est pas comme ça que tu vas me convaincre de recommencer à manger. Je suis bien comme je suis maintenant, mais je ne compte pas reprendre du poid.

Je la dépasse et sors de l'appartement en croquant dans ma pomme, telle Eve dans le jardin d'éden. Bon j'exagère. Telle une fille descendant des escaliers. Maman me suit de près. Je décide de l'ignorer. La pilule d'hier -ou de ces deux dernières années d'ailleurs- n'est toujours pas passée.

Les portières claquent, le moteur démarre, et on est parties. Je vois Maman chercher ses mots en tapotant le volant tandis que je vérifie mon sac de cours pour être sûre de n'avoir rien oublié.

- Maëlle... Je suis désolée. Je sais que ces mots ne signifient rien pour toi, mais je le suis vraiment. Je... La... Mort d'Automne m'a détruite. Comme tout le monde. Automne est... L'enfant inespéré. Nous avions arrêté d'essayer d'en avoir. Et... Elle est arrivée. Vous savez Mathias et toi, qu'on vous aime de tout notre cœur avec Thibault, mais c'est différent. Tu sais aussi qu'on vous considère comme nos propres enfants, mais c'est aussi different.

Ses mots se frayent un chemin jusqu'à mon cœur, et je me tourne à presque involontairement vers elle pour l'écouter.

- Automne... Je l'aime, et je l'aimerai toujours. Savoir que tu étais responsable de sa mort m'a bouleversée. Je me souviens encore du téléphone qui sonnait sans discontinuer, de ton père qui me secoue. De Mathias qui crie. Des escaliers que j'ai dévalé sans réfléchir. De toi, penchée au-dessus de son corps, de tes mains pleines de sang, de tes yeux pleins de larmes. Je me souviens du regard que tu m'a lancée. Il y avait du regret, de la tristesse et puis... Autre chose. Je sais pas. Comme de la colère. De la satisfaction.

Sa voix se brise. Je récupère le volant entre ses mains tremblantes et arrête la voiture sur le bas côté. Je veux l'entendre finir.

- J'ai vrillé. Complètement. J'ai fait des déductions et je n'aurai pas du. Et je me suis acharnée. Car pour moi... Tu étais sa meurtrière. Tu étais responsable de la mort de ma petite fille. Alors j'ai tout fait pour détruire ta vie, comme tu as détruit la mienne. Je sais que c'est immature, je sais que c'est stupide, mais je ne réfléchissais pas. Je suis désolée Maëlle.

Je la regarde attentivement. Tout ce que je vois, c'est une femme perdue. Une femme détruite. Elle l'est depuis deux ans, mais j'étais trop aveuglée par ma rage, ma douleur, et ma tristesse pour cela. J'ai envie de lui pardonner. Vraiment. Mais je sais aussi que c'est bien trop tôt pour ça.

***

Je vais devoir aller à ce fichu rendez-vous avec la psy du lycée. Comme j'ai été absente ces derniers jours, je suis obligée y aller aujourd'hui. Mais je n'ai absolument pas envie. Je marche en traînant des pieds dans le couloir de mon lycée en direction de l'infirmerie. Mes chers camarades m'ont laissée à peu près en paix ce matin et ce n'est pas pour me déplaire, j'étais déjà à bout de nerfs. Pas sûre que ça s'arrange.

Lueurs solitairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant