Jour - 3600

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- Que ressens-tu par rapport à la perte de tes parents ?

La question de la psychologue ne me prend pas par surprise. Ça fait un mois et demi qu'on tourne autour, il y a bien un moment où elle allait me la poser frontalement. Je me souviens ce qui s'est passé la dernière fois que quelqu'un m'a posé cette question. Mais cette fois, je vais en parler.

- Je sais pas. Un vide. Je m'en rappelle pas trop.

- Tu avais cinq ans Maëlle. Tu te rappelles forcément de petites choses.

- J'ai... J'ai aucun souvenir de avant. C'est... Le noir. Je sais ce qu'il s'est passé parce qu'on me l'a raconté, pas parce que je l'ai vécu. C'est... C'est comme ça.

Elle fronce les sourcils mais ne dit rien. Moi, je me sens plus légère. Je ne l'avais jamais dit à personne.

- C'est pour ça que tu appelles ton oncle et ta tante papa et maman, tu ne te rappelles pas de ton père et de ta mère. Tout ce que tu sais, tu l'as appris sur les photos.

J'acquiesce, refusant de m'étendre là-dessus. Elle soupire et se renfonce dans son fauteuil. Elle se mordille la lèvre. Qu'est ce qu'elle va me dire, maintenant ?

- Tu... Tu as pensé à ce dont je t'ai parlé la dernière fois ? À propos de l'anorexie ?

Évidemment.

- Oui... Mais je ne suis pas anorexique. Pas encore. Je... Je ne veux pas le devenir d'ailleurs. J'essaie de recommencer à manger normalement. C'est dur, mais bon.

C'est à son tour de hocher la tête.

- Il faut que tu manges bien, en effet. Même si ce n'est pas la meilleure période pour toi. Tu verras que ton poid va être... Un sujet sensible pour quelques temps. Et j'espère que tu as conscience qu'il y a très peu de chance pour que tu retrouves l'ancien...

- Je sais.

Je pose une main protectrice sur mon ventre.

- Comment ça se passe, le lycée ?

- Ça va. Les autres m'ont lâché la grappe. Mais ça fait longtemps. Aimée me parle plus. Mais c'est plus un soulagement qu'autre chose. Je me suis rapproché d'une fille, Olivia. On a déjeuné ensemble hier. Ça m'a fait bizarre de plus être en solitaire. Mais elle est cool. Elle est dans ma classe. Je l'aime bien.

- Tant mieux. Tu souhaites me parler de quelque chose en particulier ?

Je cherche dans ma mémoire mais ne trouve rien. La période sombre de ma vie est derrière moi. Enfin je l'espère. Je ne suis pas remontée sur le toit depuis une éternité. Bon, j'ai beaucoup pleuré, mais Delphine m'a dit que c'était normal, c'est à cause des hormones. J'essaie d'arrêter d'appeler Delphine et Thibault, mon oncle et ma tante, Papa et Maman.

- Bon, et bien on se dit à la semaine prochaine dans ce cas Maëlle.

- Ok, super, même jour même heure ?

- Ça me paraît bien.

- Aurevoir.

Je passe la porte et expire tout l'air contenu dans mes poumons. Je ne pensais pas que la thérapie allait me libérer ainsi. Je me sens mieux après chaque séance. Mon chemin vers la rédemption.

Lueurs solitairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant