Jour 6

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Le petit déjeuner se déroule dans un silence pesant. Je suis redescendue du toit peu de temps après avoir fondu en larmes devant le regard médusé de Jules. Mon frère m'a a nouveau enfermée, et le tour était joué. Ma mère, quant à elle, n'a rien entendu pour mon plus grand soulagement et m'a même réveillée une heure plus tôt afin que j'arrive à temps à l'école. Mais il y a quand même ce silence, qui démontre le caractère exceptionnelle de cette paix tacite.

- Maëlle tu prends le bus avec moi ce matin ? C'est le même pour aller au lycée et à l'université...

Je me mords la langue pour retenir une remarque acerbe, voyant les oreilles de ma mère se tendre dans ma direction. Au lieu de cela, je souris doucement et acquiesce. Maman se renfrogne, comme si elle avait espéré que je réponde et qu'elle puisse avoir quelque chose à redire.

Je mange encore deux bouchées de pomme, avant de me lever de table et d'aller me préparer. Le temps avance  et n'attend personne. À moi d'aller plus vite que lui. Le temps s'est nettement rafraîchi, je sors donc ma doudoune rembourrée de mon armoire, et mets deux pulls en plus de mon tee-shirt. Je suis un petit peu frileuse.

Mais surtout j'ai en horreur d'avoir froid. De frissonner. De claquer des dents. C'est le seul moment où je me sens perdre le contrôle. Par élimination, je déteste aussi le ski, la montagne, l'hiver, Noël. Ironie du sort, il y a deux ans j'aurai dit que c'était ma période préférée de l'année. Quand j'étais encore, jeune, innocente, naïve. Quand je ne voyais que le meilleur en chacun avant de d'abord chercher le pire. Quand je pensais que la vie devait se vivre à fond, sans regrets. Quand je pensais être quelqu'un de bien.

***

Je monte dans le bus derrière mon frère, la capuche rabattue sur mon visage. Le bus est plein, comme à son habitude durant les heures de pointes. Je m'accroche à la première barre que je vois, tandis que Mathias continue jusqu'au fond, pour aller voir ses amis.

Je sors mon téléphone, mes écouteurs et m'apprête à les mettre quand deux mains me les enlèvent. Je relève vivement la tête, prête à tout pour récupérer mes écouteurs, quand le visage du voleur apparaît dans mon champs de vision. Je me détends imperceptiblement, mais ne relâche pas mon attention pour autant.

- Qu'est ce que tu veux ? je demande sèchement.

Il lève les mains en l'air comme pour se défendre.

- Oula on se calme la panthère je ne te veux pas de mal ! s'exclame Jules en riant.

Ma bouche se tort devant la comparaison à un animal sauvage. Je tends ma main pour qu'il repose les écouteurs dedans, puis m'adosse à la barre, dans l'attente de son explication.

- Je prends ce bus pour l'université, je t'ai vue, je suis venue te parler point. Des questions mademoiselle... C'est quoi ton nom de famille ?

Je garde le silence et pèse le pour et le contre. Si il cherche à en savoir plus sur moi en tapant mon nom de famille sur internet il tombera sur des résultats pas glorieux glorieux. D'un autre côté, on habite dans le même immeuble, il connaît mon numéro d'appartement, donc si il voulait vraiment savoir à tout prix mon nom, il peut facilement l'avoir et l'aurait déjà.

- Galien. Et toi ?

- Zorta.

Il a répondu trop vite. Son regard est fuyant. Quand je disais qu'il ne sait pas mentir.

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