J'émerge doucement des nappes brumeuses du sommeil. Mon bras coincé sous mon torse me fait mal et j'essaie tant bien que mal de le dégager sans empirer la douleur. Ma joue me lance. Ma mère ne m'a vraiment pas ratée. Je soupire doucement et me redresse un peu trop vite, si bien que ma tête cogne contre le mur derrière la tête de lit.
Pas d'excursion nocturne pour cette nuit. J'ai dormi pour une fois. Je n'avais qu'une envie, celle d'échapper à ma réalité. Sauf que je n'ai pas réussi à faire de rêve. Au contraire, des cauchemars plus anxiogènes les uns que les autres se sont succédés. A chaque fois, je me réveillais en hurlant, les joues baignées de larmes, le souffle coupé. A chaque fois je me rendormais pour avoir un cauchemar encore plus terrifiant que le précédent.
Je m'étire doucement, ce qui réveille des douleurs dans mon dos, souvenirs du moment où je suis lourdement tombée de mon lit. Je jette un regard désintéressé à mon réveil et saute presque en l'air. Neuf heures trente. Je suis censée être au lycée depuis une heure et demi. Je jaillis hors de mes couvertures, enfile mes chaussons à la vitesse de l'éclair avant de descendre en courant les escaliers. Le salon est désert, mais des bruits me parviennent de la cuisine.
Le cœur battant, je pousse la porte et reste sur son seuil, les yeux écarquillé. J'ai peine à y croire, mais c'est comme si les deux dernières années venaient d'être effacée. Ma mère et mon père, tout sourires, se disputent gentiment en faisant des crêpes. Mon frère les interrompt régulièrement pour donner son avis, tout en mettant quatre fois trop de sucre dans son assiette.
Étonnée aussi bien que méfiante, je ne dis rien et reste les bras ballant, appuyée sur la chambranle de la porte.
- Maé ! Enfin tu es levée ! s'exclame Mathias en me voyant.
Un grand sourire règne sur son visage. Un vrai. Un sincère. Il illumine ses yeux, et crée même des petites rides sur le bord de ses lèvres. Mes parents se tournent vers moi, et pour la première fois depuis longtemps, je vois de l'amour dans le regard de Maman. Incrédule quant à la bonne humeur qui règne dans la pièce, je m'avance lentement.
- On ne va pas te manger ! s'amuse mon père devant mon hésitation. En revanche, cette crêpe toute chaude n'attend que toi !
Il me jette presque une assiette, et je m'assois automatiquement à la table. Une tasse de chocolat arrive comme par magie devant ma place, et Mathias pousse le Nutella dans ma direction.
- Vous savez quelle heure il est ? je trouve la force de demander tant mon étonnement est fort.
Le sourire de mon père s'élargit.
- neuf heures trente-deux.
Je n'ai pas touché à ma crêpe et préfère dévisager les membres de ma famille les uns après les autres.
- Et... Vous savez quel jour on est ?
- Mercredi.
Je considère l'image qu'ils me renvoient. Celle d'une famille parfaite. Sans problèmes. Les questions s'amoncelent dans mon esprit mais sont incapables de franchir la barrière solide que sont mes lèvres. Leur conversation reprend, comme pour me narguer. Je ne comprends absolument plus rien. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises, ma mère, le plus naturellement du monde s'installe sur la chaise à côté de moi et m'embrasse délicatement la joue.
- Ça va chérie ? Tu es toute pâle...
C'est la goutte qui fait déborder le vase. Ne maîtrisant plus ni mon esprit, ni ma bouche, j'explose.
- Non ça va pas ! Enfin ! Hier, vous êtes sur le point de divorcer, tu me frappes, et aujourd'hui quoi ? Tu me fais des crêpes, me fais louper les cours comme si tout était normal ! Ça va pas la tête ? Il vous est arrivé quoi pendant la nuit au juste ? Des extraterrestres ont pris possession de votre corps ou ça se passe comment ? C'est pas normal ça !
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Lueurs solitaires
Teen FictionMaëlle ne dort pas, elle en est incapable. Insomniaque depuis sa tendre enfance, elle montait régulièrement sur le toit, avant d'arrêter brutalement. Mais la vie est faite de rebondissement... Deux ans plus tard, cerclé par ses démons, elle ne tient...