Nuit 4

116 15 17
                                    

Finalement, je ne suis pas retournée au lycée aujourd'hui, ce qui m'a évité bien des problèmes. Après nous avoir trouvés, mon frère et moi, en larmes dans la salle de bain, mon père nous a donné le choix, qui était déjà tout fait. Ma mère, en revanche, est allée au travail. C'est une sorte de drogue pour elle. Travailler, toujours travailler. Et ça remonte à longtemps.

Papa, Mathias, et moi, sommes allés au parc d'attraction, on a fait des grands huit toute l'après midi, mangé des glaces et de la barbapapa. On a évité les sujets qui fâche. Le divorce n'a pas été évoqué. La symbolique de cette date non plus.

Quand on est rentrés, je suis directement montée dans ma chambre, sans manger. Je n'ai pas arrêté aujourd'hui, sauter un petit repas ne me fera pas de mal.

Une fois sûre que toute la maisonnée était doucement et délicatement partie pour le pays des rêves, je me relève silencieusement, et sors furtivement par la porte d'entrée. Il est légèrement plus tard que d'habitude. Mes parents se sont offerts deux verres d'alcool chacun dans la soirée, sûrement pour noyer leur peine et leur culpabilité. Malheureusement, je n'ai pas la chance d'être majeure et de faire de même légalement, alors monter sur toit pour me changer, j'espère, les idées ne me fera pas de mal.

Quand j'arrive devant la porte coupe-feu, je vois la tige déjà en place. La personne que je voulais voir est bien en haut. Je monte rapidement les marches, en resserrant mon sweat difforme autour de moi.

Pour une fois, je m'étais vraiment habillée. Je porte un jean trop petit et un sweat vert bouteille par dessus mon débardeur. J'ai laissé mes cheveux lâchés, si bien qu'ils volent dans le vent quand j'arrive enfin devant la large plate-forme.

Il fait froid ce soir, mais le ciel est dégagé et les étoiles plutôt visibles correctement. L'inconnu est assis au milieu, dos à moi, et semble observer quelque chose au loin. Je devine le halo lumineux de sa bougie devant lui. Il me la rappelle tellement...

Elle est assise, les genoux ramenés contre elle. Le sweat qu'elle a volé à Mathias ressemble à une robe sur elle. Ses cheveux roux lui cachent le visage à intervalle régulier à cause du vent.

- Automne...

Elle se retourne et me sourit doucement, presque amèrement. J'arrive à discerner ses yeux brillants.

- Maé... Je suis désolée.

Je m'approche et la prend dans mes bras.

- Ce n'est pas de ta faute ma chérie. C'est comme ça. La vie avance. Les choses changent.

- Oui mais... Je n'aurai pas dû dire ça. Je veux dire...

- Tu veux dire rien du tout. Ma puce, à 10 ans tu ne peux pas tout comprendre tu sais c'est normal... La vie c'est compliqué !

- Je comprends la vie ! Je la comprends parfaitement !

- Automne...

J'avance de quelques pas tout en grimaçant de douleur. Je ne porte aucune chaussure, seulement des grosses chaussettes, et mes pieds en pâtissent.

- C'est dingue.

La voix à la fois douce et cassante me fait sursauter violemment, et un glapissement m'échappe. Je ne m'attendais pas à ce qu'il parle. Je pose une main sur mon cœur qui bat à une vitesse folle contre mes côtes, et tente de calmer ma respiration. Une fois un souffle à peu près normal retrouvé, je continue mon avancé vers lui. Il n'a pas reparlé, pas cherché à finir sa phrase, à mon plus grand étonnement. La curiosité m'aiguille, mais j'attends d'être à son niveau avant de prendre la parole.

Lueurs solitairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant